« Adopter une vraie stratégie de rémunération des agents »

Publié le 5 décembre 2011 à 0h00 - par

Rencontre avec Édouard Guerreiro, chargé d’études prospectives et projets transversaux à la DRH du Grand Toulouse et rédacteur du nouveau service documentaire en ligne Pratiques des RH territoriales, à paraître aux éditions Weka.

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Weka : Quelle importance joue la politique salariale dans la gestion des RH ?

Édouard Guerreiro : C’en est un des piliers. Il faut que la politique salariale de la collectivité territoriale soit clairement définie et stabilisée avant de faire toute autre chose, de la GPEC, etc. Les objectifs étant :

– la lisibilité – il faut que la politique salariale soit communicable et facilement compréhensible de tous ;

– l’attractivité – pour le recrutement des cadres et de profils rares, pour lesquels il y a concurrence entre les collectivités territoriales au niveau régional, la politique salariale va jouer un rôle majeur ;

– la valorisation des démarches professionnelles via la politique indemnitaire ;

– et la valorisation des fonctions particulières des cadres ayant en charge des projets, ou sur des profils métiers particuliers. Il faut donc adopter une vraie stratégie de rémunération des agents.
 

Weka : Pourquoi les régimes indemnitaires ont-ils pris tant d’importance dans les collectivités territoriales ? Est-ce lié à l’intéressement ?

Édouard Guerreiro : Au niveau national, le point d’indice a été gelé, les traitements n’évoluent donc plus. La politique de gestion des carrières a, elle, déjà été poussée au maximum, avec avancement à durée minimale systématisé. Le développement indemnitaire est donc le dernier levier, au cœur de la politique managériale.

Quant à l’intéressement, cela reste, pour la grande majorité des agents, marginal. Si ça peut jouer pour les cadres, pour les agents de catégorie C, c’est plus risqué car potentiellement contre-productif : cela peut insuffler de la concurrence dans les équipes, de la défiance plutôt que de la confiance. Beaucoup de collectivités territoriales restent donc frileuses.
 

Weka : En quoi les transferts de personnel de l’État vers les collectivités territoriales et la mutualisation des services dans le cadre de l’intercommunalité jouent-ils sur la politique salariale ?

Édouard Guerreiro : Les agents venant de l’État quittent généralement un régime indemnitaire plus modeste que celui de leur collectivité territoriale d’accueil, leur transfert n’entraîne donc pas nécessairement d’évolution. Pour les transferts des communes vers leurs EPCI, on harmonise généralement vers le haut, ce qui devient très coûteux, mais on n’a pas le choix.

Sur le long terme ces coûts peuvent être compensés par les économies d’échelle liées à la mutualisation des services, mais c’est difficilement mesurable. Et généralement les transferts de compétence vers l’EPCI signifient une amélioration du service, et donc des coûts supérieurs.
 

Weka : Quelles sont les erreurs à éviter ?

Édouard Guerreiro : Il ne faut pas courir plusieurs lièvres à la fois. Se donner des objectifs simples, peu nombreux, et réalistes. On monte trop souvent des projets trop ambitieux, qui au final ne sont pas menés à bien. Ensuite, il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore, faire attention à l’effet de mode, et aux effets induits. Par xemple, rien n’assure que le bonus ou l’intéressement joue sur la motivation de l’agent, mais peut au contraire détériorer le climat dans le service.

Enfin, il faut connaître ces limites, notamment financières. Partir avec une enveloppe budgétaire fermée, car les coûts peuvent devenir explosifs. Faire un vrai arbitrage entre « insiders » et « outsiders », c’est-à-dire réfléchir au financement des nouveaux emplois, et ensuite à l’enveloppe attribuée aux évolutions pour les agents déjà présents.
 

Weka : Vous avez contribué au service documentaire en ligne Pratiques des RH territoriales à paraître aux éditions Weka, quel est son intérêt ?

Édouard Guerreiro : Il est triple. Il est opérationnel, permet de savoir comment faire pour parvenir à tel ou tel objectif. On n’est pas dans le conceptuel, le réglementaire. Ensuite, il est basé sur l’expérience. Celles des rédacteurs, tous professionnels territoriaux des ressources humaines, de ce qu’ils ont fait, lu et vu. C’est une capitalisation de savoirs pratiques, de ce qui marche ou pas. Et enfin, il est directement exploitable, guide pas à pas pour telle ou telle action.

À lire aussi :

– « Anticiper pour maîtriser les évolutions de la masse salariale », entretien avec Michel Lorente, DRH de Colomiers et auteur du module sur l’avancement et la promotion des agents de Pratiques des RH territoriales

– Comment recruter sur un poste permanent ?

– Des devoirs de l’agent public