Aux urgences de Bichat, une organisation modèle pour réduire les agressions

Publié le 4 août 2017 à 11h09 - par

Pas de malade sur un brancard pendant des heures dans le couloir, ni de proche haussant le ton face à une infirmière pressée : les urgences de l’hôpital Bichat à Paris (18e) semblent curieusement calmes en ce matin d’été du 3 août 2017, en dépit des quelques 80 patients déjà reçus depuis minuit.

Aux urgences de Bichat une organsation modèle pour réduire les agressions

Simple question d’organisation, à écouter le docteur Christophe Choquet, responsable du service et co-artisan depuis 2006 d’une politique novatrice de réduction des agressions envers les personnels, par de meilleures prises en charge.

Le dernier rapport de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS)* recensait pour 2014 une victime toutes les 30 minutes parmi les personnels.

Les services d’urgences sont les plus touchés après la psychiatrie. Ils ne sont pas pour autant « intrinsèquement dangereux », plaide le Dr Choquet, mais d’abord « maltraitants » par « manque d’organisation » et d’information.

« Vous pouvez être très sympa, si vous moisissez quatre heures à poil sur un brancard, vous devenez moins sympa », résume-t-il.

Plutôt que de recourir aux « vigiles et aux maîtres chiens », mieux vaut encourager la courtoisie des personnels, garantir la propreté des locaux et la dignité des malades en respectant un objectif : « zéro patient dans les couloirs ».

Max, bandage sur la tête, « 95 ans à la fin de l’année, si je me souviens bien », patiente ainsi sur un fauteuil dans la « zone d’attente assise » où trône une borne pour recharger les téléphones portables. Ambiance plus agitée au « poste de régulation centrale », où s’affairent des soignants en pyjama jaune derrière des ordinateurs.

S’y ajoutent une « zone d’attente couchée », une vingtaine de box répartis entre les secteurs bleu (cas les moins urgents), rouge (les plus graves) et vert (psychiatrie), et 24 lits.

Si Christine, 65 ans, a été autorisée à rejoindre son ami Max, confus, les accompagnants sont généralement cantonnés à l’accueil, les zones de soins n’étant accessibles qu’aux personnels munies d’un badge.En contrepartie, l’accent est mis sur l’information en salle d’attente.

Par manque de personnel, le service a dû renoncer à un poste d’infirmière de médiation faisant la navette entre les patients et leurs familles, déplore M. Choquet.

Relativement duplicable

Il peut toutefois compter sur les « médecins transmetteurs », une association de praticiens à la retraite, précise le cadre de santé Philippe Kenway, après avoir redirigé une jeune femme ne s’exprimant qu’en chinois.

Les « gilets bleus », des jeunes en service civique, ont également « bien soulagé » les personnels dans le passé, relate Caroline Cuny, adjointe administrative à l’accueil depuis 10 ans. Comme la récente mise en place d’une borne distribuant des tickets numérotés, rapporte celle qui travaille derrière une vitre blindée.

« Avec l’habitude », Caroline, « seulement » deux agressions au compteur, priorise parfois certains patients. Mais c’est aux infirmières d’accueil d’orientation que revient la responsabilité de déterminer, en « six minutes » le niveau de gravité du patient (de 1 à 5), explique M. Kenway.

Les « tris 5 », qui requièrent tout au plus une consultation, sont redirigés vers le « gardien de but », un médecin senior, qui en reçoit en moyenne 70 de 8 h à minuit. Fait notable, les infirmières peuvent en outre prescrire antidouleurs et radios pour les extrémités des membres (doigts, orteils…).

Résultat, de 2006 à 2014, les interventions de l’équipe de sécurité ont été divisées par trois (de plus de 250 à environ 80). Comme le délai d’attente moyen avant de voir un médecin 57 minutes en 2016 pour plus de 80 000 passages, Bichat faisant figure de bon élève de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).

« Centrée sur les pratiques et l’organisation », sa démarche est « relativement duplicable sans gros investissement », estime le conseiller défense et sécurité de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, Matthieu Metzger, concédant que la rénovation des locaux, en 2009, a facilité les choses.

Reste un problème commun à toutes les urgences : la difficulté de transférer les personnes âgées et précaires. Et un autre propre à l’AP-HP, la réforme de l’organisation du temps de travail ayant fait fuir, depuis septembre, « 60 % » du personnel paramédical du service, regrette M. Choquet.

*Source : Rapport annuel 2015, Observatoire national des violences en milieu de Santé

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