Un rapport de l’Assemblée nationale confirme la difficulté à passer aux 35 heures dans la FPH

Publié le 17 décembre 2014 à 0h00 - par

Parmi les raisons évoquées figurent notamment le manque de personnels recrutés pour compenser et l’intensification des conditions de travail.

Un rapport de l'Assemblée nationale confirme la difficulté à passer aux 35 heures dans la FPH

La commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail (RTT) de l’Assemblée nationale, créée en juin dernier, a rendu ce mardi 16 décembre son rapport. Au terme de 37 auditions, soit près de 80 personnes interrogées, les députés Thierry Benoît (UDI, Ille-et-Vilaine), président de la commission, et Barbara Romagnan (SRC, Doubs), rapporteure, sont parvenus à plusieurs constats qui permettent de « mesurer les effets de la réduction du temps de travail sur plusieurs aspects de la société et de l’économie française ». Premier constat : aucune des personnes interrogées n’a demandé une remise en cause des 35 heures. En outre, la RTT a créé davantage d’emplois, apparaît moins coûteuse pour les finances publiques, a permis une amélioration de l’articulation entre le temps passé au travail et celui consacré aux activités personnelles. La RTT, indiquent les auteurs, « a constitué un outil pertinent et efficace de lutte contre le chômage ». Pour autant, certains effets négatifs sont à noter comme les « fortes tensions dans la fonction publique hospitalière (FPH) en raison d’un décalage entre l’application de la loi et le temps des recrutements importants, étalés de 2002 à 2000 ».

45 000 postes non médicaux prévus en compensation

L’ex-Premier ministre, Lionel Jospin, a indiqué lors de son audition que, s’il ne regrette pas d’avoir étendu à la FPH la RTT, ce qui n’était pas prévu au départ, il aurait néanmoins fallu attendre un peu plus longtemps « au moins le temps de former des infirmières et des médecins ». En effet, le gouvernement au départ n’a pas eu comme objectif de transposer à la fonction publique la RTT. Malgré tout, cela a été un moyen pour lui de « placer des régimes de temps de travail disparates, fixés par des textes de nature hétérogènes, sous une même toise juridique ». Un plan prévisionnel de recrutement a acté la création de 45 000 postes non médicaux répartis entre les secteurs public et médico-social. Lors de son audition, la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a indiqué que les 35 heures ont effectivement permis de créer 37 000 emplois dans le secteur sanitaire et 8 000 dans le médico-social. Leur coût a été estimé à 2,5 milliards d’euros (Md€), dont 1,8 Md€ pour la FPH, « les trois quarts de ce coût étant imputables à des créations de postes ». Ainsi, de 2002 à 2005, 45 000 personnels non médicaux (FPH) ont donc été recrutés ainsi que 3 500 médicaux (médecins, pharmaciens) hors FPH pour 1,8 Md€ dont, respectivement, 1,5 Md€ et 330 millions d’euros (M€). Côté compte épargne temps (CET), est-il indiqué dans le rapport, sur la même période, le coût est évalué à 1,36 Md€ pour la FPH et les personnels médicaux. La commission d’enquête rapporte sur ce sujet des CET que la FPH compte 3,67 millions de jours en stock fin 2007 et que 14,1 % de ses agents en possèdent.

Des conséquences dénoncées

Cependant, le passage aux 35 heures dans la FPH a été « difficile et parfois mal vécu », indique le rapport. Ces 45 000 emplois créés pour s’adapter aux 35 heures l’ont été aussi pour assurer un égal niveau de service public. Cette mise en place ne s’est pas faite « sans heurts » et en deux temps : en septembre 2001 avec un premier protocole pour les personnels non médicaux et en octobre 2001 avec un second protocole pour les personnels médicaux. Ces deux protocoles prévoyaient les créations d’emplois mentionnés ci-dessus. Mais la sénatrice écologiste Aline Archimbaud (Seine-Saint-Denis) a expliqué lors de son audition que ces créations d’emplois sont « surestimées » et que seuls 35 000 emplois non médicaux ont été créés tandis que « tous les postes médicaux n’ont pu être pourvus, en raison du manque de candidats et de crédits insuffisants accordés aux établissements ». Un constat partagé par la Cour des comptes qui estime que la création de postes n’a pas permis de compenser intégralement la RTT. Dans le secteur public, les conséquences de la RTT sur l’organisation du travail, à l’hôpital notamment, ont donc été « particulièrement dénoncées ». De fait, la pénurie de personnels infirmiers et médicaux n’a pas été anticipée dans la fixation du numerus clausus ou dans le volume des promotions en instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Le rapport cite l’exemple de l’établissement public de santé (EPS) Ville-Evrard à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). La gestion des plannings est aussi devenue un casse-tête pour les cadres de santé.

Des difficultés issues d’autres causes

Ainsi le personnel hospitalier regrette « l’insuffisance de ces créations d’emplois » car elle a provoqué une intensification des conditions de travail. Le directeur de la recherche des études économiques et statistiques (Drees), Franck von Lennep a précisé durant son audition que dans la FPH « l’intensité du travail est la plus forte » mais elle est restée stable entre 2005 et 2013. Dans le rapport, il est cependant indiqué que d’autres décisions ont aussi contribué à complexifier la vie à l’hôpital après les 35 heures et que, de ce fait les difficultés actuelles de la FPH ne « résultent pas uniquement de la RTT ». Malgré tout, ce sujet des 35 heures demeure « un facteur de crispation majeur à l’hôpital », en raison du fait qu’elles soient pour certains « le point de départ de l’intensification des conditions de travail ». Les deux députés donnent aussi en exemple la mise en place de la journée de travail en 12 heures, souvent demandée par les soignants mais qui, si elle répond à des organisations de soins spécifiques, doit être encadrée par des gardes-fous juridiques afin que les arrangements ne créent pas de dérives.

Géraldine Tribault

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