De la découverte des cellules souches au statut juridique de l’embryon humain… Silence du législateur…

Publié le 27 avril 2011 à 0h00 - par

Avec les découvertes sur les cellules souches, énorme potentiel et formidable espoir en matière de réparation et de remplacement des tissus endommagés par diverses maladies, se pose inexorablement la question du statut juridique de l’embryon humain. Question ô combien taboue… question interdite ! Non, le législateur ne sait pas ce qu’est un embryon humain ! Pour combien de temps encore ?

Le statut de l’embryon humain

L’embryon humain est-il une personne ou une chose ? C’est l’un ou l’autre mais pas les deux à la fois. C’est la summa divisio.
Selon la définition médicale, l’embryon est le « nom donné au fœtus de la fécondation jusqu’à la fin du 3e mois de grossesse. Le stade suivant est constitué par la période fœtale ».
En philosophie, l’embryon est un « être en puissance et non en acte » (absence de personnalité).
Juridiquement, il n’y a pas en France ni en Europe de définition juridique de l’embryon humain. Le droit ne reprend pas la distinction « embryon/fœtus » mais se contente d’une distinction opérationnelle :

  • « enfant né vivant, viable ou non », ou
  • « enfant né sans vie », qui englobe tous les stades du développement.

Dans le premier cas, il y a une individualité juridique avec l’application de la fiction de la rétroactivité. Dans le second cas, il y a une absence de personnalité juridique.

Sans définition juridique, l’embryon n’a donc pas de statut légal. Qu’en disent les différentes juridictions ?

D’après la Cour européenne des Droits de l’Homme : « Le point de départ du droit à la vie, à supposer qu’il s’applique au fœtus, relève de la marge d’appréciation des États… » (8 juil. 2004, aff VO c/France). Le Conseil constitutionnel renvoie au législateur. La Chambre criminelle de la Cour de Cassation renvoie au législateur… qui se tait… Pourquoi ?

Quelques règles, malgré tout

Essayons de creuser encore afin qu’en l’absence d’un statut clair, décisif et tranché, nous trouvions un début de réponse.
D’après l’avis n° 1 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), l’embryon est une « personne humaine potentielle ». Il existe, malgré tout, un ensemble complexe et intriqué de règles pénales, civiles, bioéthiques qui, mises bout à bout, pourraient former un statut. Mais ce début de statut est-il satisfaisant ? et pour qui ? pour le juriste, le citoyen, les parents potentiels, l’embryon devenu grand, le chercheur ?

Pour définir ou approcher le « statut » de l’embryon, ne faudrait-il pas d’abord faire une analyse du droit applicable à cette « personne humaine potentielle » pour le replacer dans la summa divisio ? L’embryon humain est-il une personne ? une chose ? ni l’un ni l’autre ? les deux ? pourquoi ?

Une logique de compromis

L’embryon humain perturbe le clivage manichéen de la summa divisio. Il n’est pas tout à fait une personne car il ne l’est pas en acte, il n’est pas tout à fait une chose car il appartient au genre humain.
Une définition tranchée en tant que personne impliquerait une intangibilité, une indisponibilité par nature, une inviolabilité, la non-patrimonialité. Il lui serait rattaché une dignité ontologique et une valeur sans prix. « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie » (art. 16 du c. civ.).
En tant que chose, il serait tangible et disponible, sujet de patrimonialité. Il ne bénéficierait pas de dignité ontologique et aurait une moindre valeur.

Le silence du législateur, parfois présenté comme une dérobade, peut également être considéré comme un choix « négatif » impliquant un principe de moindre mal. Mais pourquoi ce « non-choix » ?

Si l’embryon est une personne humaine, il a droit à la vie, représente un projet parental et peut constituer une source de controverse avec les partisans d’une protection renforcée.
S’il est une chose, il peut être un objet de recherche et, surtout, de progrès scientifiques.

Embryons surnuméraires, clônage, recherche sur les cellules souches embryonnaires

Quels que soient les débats sur le statut de l’embryon, les progrès scientifiques sont considérables, laissant entrevoir les plus grands espoirs au service de la santé. Il convient donc de dépasser une frilosité encore persistante des pouvoirs publics afin de permettre (en France) la progression de la recherche.

Prise de position du Sénat

En adoptant le projet de loi bioéthique le 8 avril 2011, le Sénat a autorisé la recherche encadrée sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. Cette nouvelle position inflige ainsi un revers au gouvernement, les députés étant opposés à cette position. La recherche encadrée ne pourra être menée que si celle opérée sur les cellules embryonnaires constitue le meilleur potentiel en termes de soins.
Les sénateurs ont également élargi l’assistance médicale à la procréation (AMP) en l’ouvrant à tous les couples, donc aux couples de femmes. Xavier Bertrand s’oppose fermement à ces deux points.

En revanche, la Haute Assemblée a maintenu l’anonymat pour les donneurs de gamettes, refusé l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et rejeté le transfert d’embryons post mortem ainsi que la gestation pour autrui (GPA).

Le Sénat a enfin introduit une proposition de loi, très controversée, sur la recherche sur la personne humaine. Dans l’immédiat, celle-ci est bloquée du fait de fortes divergences entre les deux assemblées.

Embryons humains surnuméraires et recherche sur les cellules embryonnaires

Après la décision prise sur la possibilité de détruire les embryons humains surnuméraires dans certaines conditions très encadrées, l’intérêt scientifique majeur des cellules souches humaines pour la recherche biomédicale et la médecine entraîne des positions a priori inconciliables.

Grosso modo, trois types d’approches différentes sur le devoir à l’égard de l’embryon, fondées sur des positions philosophiques et religieuses, s’opposent radicalement :

  1. Pour certains, l’embryon humain ne peut être créé que dans le cadre d’un projet humain. L’embryon in vitro est considéré comme une personne en devenir, et sa dignité est déjà celle d’une personne à part entière. D’où une demande « d’interdit sur toute atteinte à l’intégrité de l’embryon, et notamment la production d’embryons surnuméraires et leur cryopréservation lors de l’APM ».
  2. Pour d’autres, ce qui était le cas notamment des États Généraux de la Bioéthique de 2009, un « embryon ne peut être créé que dans le cadre d’un projet parental, mais le respect pour le devenir de l’embryon est entièrement subordonné au respect pour le devenir du projet parental ». De ce fait, « l’abandon du projet parental retire rétrospectivement à l’embryon in vitro sa protection contre une atteinte à son intégrité ».
  3. Pour d’autres enfin, seule son inscription dans un projet parental entraîne le respect pour l’embryon, ce qui permet la création in vitro, d’embryons à visée de recherche.

Une autre question se pose quant au délai maximal avant destruction de l’embryon, variant du 7e au 14e jour.

La recherche d’un « moindre mal »

Le seul point commun entre ces positions a priori inconciliables, défendu par le CCNE, est la recherche d’un « moindre mal » ou d’un compromis, c’est-à-dire d’une conduite raisonnée, partageable, refusant les certitudes, prenant en compte la complexité de cette énigme de la « personne humaine potentielle » inscrite dans un projet parental.

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