« Faute de convention, le DPC des médecins hospitaliers est actuellement bloqué »

Publié le 5 février 2013 à 0h00 - par

Monique Weber, directrice générale de l’OGDPC, a détaillé pour Hospimedia les premiers pas du développement professionnel continu.

Hospimedia : « Pouvez-vous nous rappeler le rôle des différentes instances de l’Organisme gestionnaire du développement professionnel continu (OGDPC) ?

Monique Weber : La première instance constituée est le conseil de surveillance. Il regroupe tous les professionnels de santé. Nous avons 22 ou 23 professions qui sont concernées. Les différents modes d’exercice sont aussi représentés : salariés, libéraux, hospitaliers… Cette instance a procédé à l’élection de son bureau composé de 15 membres, dont 3 représentent les fédérations hospitalières et 12 les professionnels de santé. Ces 12 membres élus constituent le pendant paritaire du conseil de gestion. Le conseil de surveillance est paritaire entre, d’un côté l’État et l’assurance maladie, et de l’autre les professionnels de santé. Le conseil de gestion est composé de 6 membres de l’État, 6 membres de l’assurance maladie et 12 professionnels de santé. Il existe aussi une assemblée générale de l’OGDPC, qui a un rôle très ponctuel. Elle est strictement constituée de l’assurance maladie et de l’État, l’OGDPC étant un Groupement d’intérêt public (GIP). L’assemblée générale va se prononcer sur le fonctionnement général du GIP. Le conseil de gestion gère et donne les grandes orientations. Le conseil de gestion a comme rôle de répartir les enveloppes entre les professionnels de santé que nous gérons. Nous, OGDPC, ne gérons financièrement que 9 professionnels : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens, ainsi que les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthoptistes et les orthophonistes.

H. : Pour les professions libérales, vous faites donc office d’Organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) ?

M. W. : Exactement. Nous gérons l’enveloppe qui nous est confiée. On nous a ajouté la gestion de l’enveloppe de l’industrie pharmaceutique pour les médecins salariés, à condition que leurs établissements adhèrent à un OPCA, qui a signé une convention avec nous.

H. : Comme l’ANFH ?

M. W. : L’ANFH concerne les établissements publics. Pour le privé, nous discutons actuellement avec l’UNIFAF. Globalement, il y a ces deux OPCA qui sont sur le marché. En ce moment, nous finalisons notre convention avec l’ANFH. Ensuite, les médecins de ces établissements pourront bénéficier du forfait issu de l’industrie pharmaceutique.

H. : L’ANFH a adressé un courrier au ministère pour se plaindre du montant sous-évalué de l’enveloppe du DPC, à savoir 102 millions d’euros plutôt que 150 millions. Que s’est-il passé ?

M. W. : Les 0,5 % prélevés par l’assurance maladie à l’industrie pharmaceutique représente 150 millions d’euros. Certains ont pensé que ces 150 millions allaient être totalement consacrés au DPC. Or, cela n’a jamais été écrit. On a dit que cette contribution participerait au DPC, sans préciser à quelle hauteur. J’ai alerté en amont, en affirmant que l’on ne connaissait pas exactement le montant consacré au DPC : cela pouvait être 30 millions, 50 millions, au maximum 150 millions, mais nous n’en savions rien. Il a été décidé de fixer cette enveloppe à 102 millions. Nous avons ensuite divisé cette somme par le nombre de médecins éligibles.

H. : Combien y a-t-il actuellement de médecins éligibles ?

M. W. : Il y a tous les libéraux et parmi les Praticiens hospitaliers (PH), uniquement ceux dont les établissements adhéraient aux OPCA signataires d’une convention avec l’OGDPC. Compte tenu du fait que les autres OPCA ne pouvaient pas contractualiser, nous nous sommes basés sur les remontées de l’ANFH. Nous nous sommes également appuyés sur les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), aussi bien pour les salariés que les libéraux. Il faut aussi compter les salariés des centres de santé, que nous gérons en direct, à l’instar des libéraux. Dans les données de la DREES, il y a 60 000 médecins salariés. Nous avons considéré que la moitié d’entre eux étaient éligibles car l’ANFH avait du mal à recruter des établissements : la plupart des gros CHU géraient eux-mêmes leur formation. Ils n’avaient peut-être pas envie de mutualiser leur cotisation de formation au sein de l’ANFH avec d’autres établissements. Nous sommes arrivés à une enveloppe de 19,2 millions d’euros pour les hospitaliers et 83 millions pour les libéraux. Ce qui fait un forfait de 633 euros pour les médecins salariés. Donc, je verse à l’ANFH un forfait de 633 euros à chaque fois qu’un médecin décide de se former. Mais Emmanuelle Quillet, directrice de l’ANFH, a bondi en nous apprenant qu’elle n’avait pas 30 000 mais 40 000 médecins… Mais elle a annoncé ces chiffres tardivement alors même que nous avions déjà fait nos simulations sur la base de 30 000 praticiens… Là-dessus, il va falloir aussi penser aux établissements privés, si leurs OPCA contractualisent avec nous. Il faut considérer également que tous les médecins éligibles ne vont pas être formés dès 2013. Nous n’allons pas passer subitement de 15 % formés en 2012 à 100 % en 2013… La ministre nous a fixé un objectif qui est d’augmenter de 45 % le nombre de praticiens formés par rapport à 2011. Cela nous fait un nombre égal à 27 828 médecins libéraux. Ce qui nous fait pour cette population un forfait maximum de 2 990 euros. J’ai suggéré à Emmanuelle Quillet de procéder aux mêmes calculs : on ne va pas former dès cette année 30 000 PH éligibles. Si l’on se base sur une population de 20 000 médecins à former en 2013, cela fait monter le forfait à 800 ou 900 euros…

H. : Malgré tout, certains syndicats de PH dénoncent des différences de traitements : les hospitaliers n’ayant en tout et pour tout qu’un forfait de 1 500 euros (contribution employeurs et forfait taxe pharmaceutique) contre 3 000 euros pour les libéraux…

M. W. : Il faut considérer que sur ce forfait maximum de 3 000 euros, nous remboursons également la perte de ressource du médecin libéral en cours de formation. Ce n’est pas le cas des hospitaliers qui, salariés, ne subissent pas de perte de ressources quand ils sont en formation… On compare des choses qui ne sont pas comparables. À l’arrivée, la qualité des formations est comparable. Qui plus est, au sein de l’hôpital, un PH a des outils de DPC que n’ont pas les libéraux : les revues de morbi-mortalité, les groupes de pairs… L’hôpital lui-même génère du DPC, ce qui n’est pas le cas d’un médecin de ville, tout seul dans son cabinet. L’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), par exemple, n’a pas adhéré à l’ANFH : elle a fait le calcul qu’il lui était beaucoup plus profitable d’organiser elle-même son DPC, que de mutualiser sa part employeur en bénéficiant des 633 euros de la contribution pharmaceutique.

H. : Combien de réunions organisez vous chaque année ?

M. W. : Réglementairement, nous réunissons chaque instance deux fois l’année. Mais nous les réunissons bien plus souvent, surtout la première année. Le conseil de gestion devra suivre l’évolution du budget, enveloppe par enveloppe. Il a fait deux choses : répartir les enveloppes par profession puis fixer un forfait maximum. Les forfaits sont établis par les sections paritaires issues du comité paritaire. Le conseil de gestion a décidé du montant maximum d’un forfait. Pour chaque profession, on a un forfait maximum.

H. : De quelle instance dépend le comité paritaire ?

M. W. : Le comité paritaire est une instance en soi. D’un côté, il y a une section sociale (assurance maladie et État) et de l’autre, une section professionnelle composée de membres qui ne peuvent être également présents au conseil de gestion ou conseil de surveillance. Dans les sections professionnelles, ce sont les syndicats qui désignent des membres en fonction de leur représentativité. Le comité paritaire a un rôle d’harmonisation.

H. : Avez-vous une vision globale de l’ensemble des forfaits, sachant que vous ne gérez que ceux des libéraux ?

M. W. : La notion de forfait n’existe que pour les libéraux. Pour les autres modes de financement, c’est financé par la cotisation employeur, via l’OPCA de l’employeur. Au niveau de l’hôpital, pour les PH, c’est la cotisation de l’employeur, via l’ANFH pour les établissements publics. Pour ces praticiens s’ajoute la contribution de l’industrie pharmaceutique, pour peu qu’ils aient adhéré à un OPCA signataire d’une convention avec l’OGDPC. Comment a-t-on conçu nos forfaits ? Nous avons considéré l’ensemble des médecins éligibles, c’est-à-dire les libéraux auxquels s’ajoutent les médecins hospitaliers dont les établissements avaient adhéré à l’ANFH. Pour les autres OPCA, type UNIFAF, il y a une contradiction entre leurs obligations en matière de formations, telles que définies par le code du Travail, et la prise en charge du DPC. Dans le code du Travail, il est dit qu’un OPCA doit favoriser les populations de travailleurs qui ont le plus besoin de formation, pas forcément les médecins… Aujourd’hui, un chantier a été ouvert entre le ministère du Travail et celui des Affaires sociales et de la Santé pour écrire une instruction commune adressée aux OPCA des établissements privés leur permettant de financer du DPC.

H. : L’ANFH est-elle concernée ?

M. W. : Non, l’ANFH n’est pas concernée même s’il s’agit d’un OPCA. Mais elle n’a pas tout à fait le même régime que les autres OPCA.

H. : À part UNIFAF, y a-t-il d’autres OPCA concernés par cette instruction ?

M. W. : Oui, il y en a d’autres, nous avons des contacts avec l’OPCA-PL, mais ne savons pas s’ils sont concernés par le secteur hospitalier. Nous visons des OPCA qui ont parmi leurs clients des établissements de santé ou médico-sociaux. Car le DPC concerne tous les médecins, y compris ceux qui sont dans les EHPAD, les centres de santé… La loi visait avant tout les prescripteurs. L’assurance maladie nous verse l’enveloppe destinée aux médecins et, en fonction des conventions que nous signons avec les OPCA, nous leur reversons une contribution par professionnels de santé. Cette contribution n’est pas un forfait : les forfaits pour les libéraux sont calculés en fonction du coût du programme de formation. Pour les PH et les salariés, nous versons une somme fixe, quel que soit le prix de la formation.

H. : Des dates butoirs sont-elles fixées pour la signature des conventions avec les OPCA ?

M. W. : Avec l’ANFH, c’est réellement urgent… J’avais déjà signé une convention avec l’ANFH. Mais elle l’a bloquée car elle estimait que l’enveloppe n’était pas suffisante. Elle a donc adressé un courrier au ministère afin que ce dernier rehausse le montant des forfaits. Elle craint que, si de nombreux PH souhaitent suivre le DPC, les financements actuels soient insuffisants… Qui plus est, pour les PH, nous n’avons aucune donnée quant au nombre de praticiens qui ont suivi une formation rémunérée. Le problème, actuellement, c’est que la convention n’étant pas signée, le DPC des hospitaliers est bloqué. L’ANFH voudrait que dans la convention, il soit dit que l’enveloppe sera abondée si le nombre de médecins à former est supérieur aux prévisions.

H. : La démarche d’enregistrement des organismes de formation est close. Combien avez-vous reçu de demandes ?

M. W. : Nous avons reçu 1 197 demandes mais en avons encore 350 en cours d’examens. Nous les avons publiées sur notre site, c’est une obligation. Pour le moment, nous avons demandé à ces organismes de nous apporter la preuve de leur éligibilité à la période transitoire, à savoir l’organisation d’une formation en 2012, via des attestations de leur OPCA. Maintenant, il va falloir qu’il dépose un vrai dossier d’enregistrement avec un dossier d’évaluation : extrait de casier judiciaire, composition du conseil d’administration, etc. Pour les organismes enregistrés sur la période transitoire, jusqu’au mois de juin, nous allons pré-instruire leur dossier en amont. Ils seront également pré-évalués par les Commissions scientifiques indépendants (CSI) pour que le 1er juillet, leur dossier soit fin prêt. Ainsi, à partir du mois de juin, les CSI pourront se consacrer aux nouveaux organismes de formation qui désireront être évalués.

Pour les médecins, à ce jour, il y a 479 organismes de formation. Leur CSI va devoir évaluer quelque 500 organismes en deux mois. Seulement, il nous manque encore un texte, l’arrêté qui va fixer les critères d’évaluation… Cet arrêté, je l’espère, devrait paraître fin février. Nous avons besoin de ce texte pour que les organismes puissent présenter des dossiers correctement renseignés.

H. : Quelles sont les spécialités les plus représentées parmi les demandes d’enregistrement des organismes de formation ?

M. W. : Pour ce qui est des premières statistiques, nous avons 479 organismes qui concernent les médecins, 343 les pharmaciens, 369 les chirurgiens-dentistes, 173 les sages-femmes et 662 les paramédicaux. Je ne connais pas le détail des professions paramédicales.

H. : Avez-vous rencontré des problèmes identiques à ceux des médecins pour le financement des autres professions paramédicales ?

M. W. : Pour les huit autres professions que l’on gère, l’enveloppe 2012 attribuée dans le cadre conventionnel a été reconduite. Le conseil de gestion a réparti ces enveloppes entre ces professions. Sauf pour les médecins qui n’ont plus leur enveloppe conventionnelle, car l’enveloppe de l’industrie pharmaceutique s’y est substituée. Certaines de ces professions ont vu leur enveloppe augmenter, d’autres diminuer… Le forfait le plus élevé pour les libéraux est celui des médecins avec 2 990 euros. Après viennent ceux des pharmaciens avec 1 350 euros, des dentistes 1 015 euros, des sages-femmes 960 euros, des infirmiers 1 000 euros, des kinésithérapeutes 960 euros… Globalement cela s’est bien déroulé.

H. : Quel est le budget de l’OGDPC ? Comment est-il financé ?

M. W. : Notre budget est d’environ 155 millions d’euros. Il est financé par l’assurance maladie, la taxe de l’industrie pharmaceutique et une partie des subventions d’État. C’est un budget qui doit faire financer toutes les instances : les CSI, les membres des instances… Le plus gros de notre budget de fonctionnement est consommé par les CSI et les instances. Nous avons également une mission de contrôle des organismes agréés par les CSI. Il nous faudra rémunérer des experts de haut niveau qui se prononceront sur la qualité du DPC qui est proposée. »

Propos recueillis par Jean-Bernard Gervais

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