La comptabilité analytique dans les centres hospitaliers

Publié le 9 mai 2011 à 0h00 - par

La volonté affichée du ministère de la Santé est la généralisation, d’ici 2014, du déploiement et de l’utilisation de la comptabilité analytique dans les centres hospitaliers. À cette fin, une mission d’audit qualitatif a été confiée à l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). Cette mission vient de rendre ses conclusions.

L’objectif fixé de cet audit était de définir concrètement « les facteurs-clé de succès et les principaux freins du déploiement de la comptabilité analytique » dans le cadre de la réforme plus générale de la gouvernance de ces établissements.

La volonté affichée est que la comptabilité analytique hospitalière (CAH) devienne un instrument, mais aussi un levier majeur dans la construction des nouvelles modalités de pilotage, de gouvernance et d’allocations des moyens.

Un consensus né de la contrainte

Avant 1983, les établissements étaient dotés d’instruments de comptabilité analytique qu’ils partageaient avec leurs tutelles. La première instruction comptable M21 applicable aux hôpitaux et hospices publics comportait des développements très détaillés de comptabilité analytique inspirés de la méthode du coût complet.

La création de la dotation globale, en 1983, et sa mise en place en 1984 et 1985, allaient avoir pour conséquence involontaire de rendre obsolète cette comptabilité analytique visant essentiellement à définir des tarifs budgétaires.

En 1997 puis en 2004, apparaissait un guide méthodologique de comptabilité analytique hospitalière. Ce document proposait aux établissements une comptabilité de base centrée sur l’analyse globale des écarts de dotation budgétaire et des modèles plus élaborés permettant de calculer des coûts par séjour, par centre de responsabilité ou des coûts d’activité rapportés à des unités d’œuvre logistiques, administratives et médico-techniques. Une nomenclature unique et un ensemble de règles d’affectation des charges étaient définis.

La T2A

L’instauration de la tarification à l’activité (T2A) a nécessité de mettre en place une comptabilité analytique hospitalière (CAH) généralisée, associée à un pilotage médico-économique partagé avec les médecins.
Le bouleversement tarifaire que constitue l’instauration de la T2A et les déficits abyssaux enregistrés à l’issue de cette mise en place ont entraîné de la part des hôpitaux une recherche d’augmentation de l’activité et de sa connaissance par l’amélioration du codage des actes en volume et en qualification.

La T2A et l’état prévisionnel des dépenses et des recettes (EPRD) ont révélé des situations financières difficiles pour des établissements et ont contraint  les responsables hospitaliers à prendre des mesures de redressement financier et à reposer le problème de l’activité.

La mise en place des pôles (ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 et loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 dite loi « HPST ») a renforcé la nécessité du recours à la CAH pour les médecins, managers, acteurs décisifs des pôles.

Des outils stabilisés, mais mal coordonnés

Les deux instruments de comptabilité analytique majeurs décidés par l’administration centrale sont les retraitements comptables et les études nationales de coûts. Ces deux outils permettent au ministère de disposer de l’ensemble des informations nécessaires pour piloter l’allocation de ressources aux établissements de santé.

Les établissements disposent d’une CAH facultative dont l’objectif est d’appréhender le coût des productions à caractère médico-technique et logistique : description fine de l’activité avec le PMSI, comptabilité analytique par service, voire par séjour, base de données de coûts permettant des comparaisons. Cette base est gérée par le CHU d’Angers et permet aux 200 établissements participant (dont 24 CHU) de pouvoir comparer dans le temps l’évolution de leurs coûts à ceux de l’échantillon de la base.

Les hôpitaux peuvent aussi mobiliser deux outils proposés par la Mission d’Expertise et d’Audit Hospitaliers (MEAH) pour le pilotage des pôles :

  • d’une part, le tableau dit « coûts case mix » (TCCM) par pôle qui a pour objectif de comparer les pôles de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) de l’établissement avec des pôles théoriques construits à partir des mêmes structures d’activités MCO que ceux de l’établissement et valorisés aux coûts de l’étude nationale de coûts (ENC) ;
  • d’autre part, le compte de résultat analytique par pôle (CREA) qui comptabilise des charges directes et indirectes pour obtenir un coût complet qu’il confronte aux recettes du pôle afin d’obtenir un résultat analytique.

Ces méthodes sont aujourd’hui stabilisées, largement diffusées et évolutives.

La mise en œuvre de la CAH est complexe et révèle des appropriations contrastées dans les étapes et entre les hôpitaux

Les lignes de force de la mise en œuvre technique de la CAH sont :

  • la création et la maintenance d’un fichier commun de structure (FICOM) pertinent ;
  • une bonne interopérabilité entre les systèmes d’information des établissements.

Les moyens informatiques

Ceci nécessite des moyens informatiques conséquents, fiables et puissants. Les rapporteurs constatent que les systèmes d’information restent encore souvent insuffisamment cohérents et dotés de référentiels avec des formats différents. Les logiciels du marché restent lourds à paramétrer et difficiles à déployer. Ils sont aussi très dépendants des contrats de maintenance, rendant très contraignants, sinon dissuasifs, les changements de prestataires. L’offre des éditeurs reste faible, certaines pratiques commerciales de ces fournisseurs sont également contestables.

Un contrôle de gestion pour chaque chef de pôle

Le contrôle de gestion hospitalier présente trois caractéristiques qui sont difficiles à corréler :

  • la maîtrise d’un univers particulièrement complexe ;
  • la production de données immédiatement confrontées à une interprétation médico-économique ;
  • l’existence de données hétérogènes, redondantes nécessitant de s’approprier l’histoire des systèmes d’information, mais aussi celle de l’organisation de l’établissement.

Concrètement, il doit produire pour chaque chef de pôle :

  • tous les éléments de suivi et de contrôle du rapport produits T2A/charges du pôle ;
  • tous les éléments de maîtrise et de compréhension de l’affectation et de l’évolution de la part des charges indirectes affectées au pôle.

L’ensemble de ces données doit plus largement lui permettre de répondre aux engagements contractuels du pôle et de négocier ses avenants annuels.

La CAH doit être correctement présentée et expliquée

La comparaison des pôles de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) de l’établissement avec des pôles théoriques construits à partir des mêmes structures d’activités MCO que ceux de l’établissement et valorisés aux coûts de l’étude nationale de coûts (ENC) est souvent mal perçue par le corps médical et les présidents de CME.

Les situations restent contrastées entre les hôpitaux

La taille de la structure hospitalière influe sur les besoins en CAH ou non. Plus la structure est importante, plus les besoins de connaissance de l’activité et de ses conditions de réalisation sont importants.

Des arbitrages rapides et réalistes doivent amener à un renforcement du déploiement de la CAH

Le rapport préconise une enquête, conduite par chaque ARS, pour cartographier les régions sur les systèmes d’information et l’état des hôpitaux en matière de CAH.
Au plan national, avec l’aide de l’ANAP et de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP), un appel d’offres sur performance devrait être lancé afin de renforcer et clarifier l’offre des éditeurs.
Le déploiement de la CAH réclame un dispositif renforcé en ARS qui ont en charge la recherche d’efficience interne des établissements et leur articulation avec les nouvelles règles fixées par les schémas d’organisation sanitaire de quatrième génération.
Un réseau de correspondants « contrôle de gestion » apparaît insuffisant et la mise en place d’une mission d’appui CAH en ARS semble nécessaire.

L’adaptation de la CAH aux activités de psychiatrie et de soins de suite et de rééducation doit être envisagée rapidement, sans attendre que la mise en place de la T2A soit appliquée à ces secteurs.

Le contrôleur de gestion

Enfin, le poste de contrôleur de gestion, qui réclame des compétences techniques et relationnelles fortes, doit être rattaché à la Direction générale, être membre du Directoire et mettre en place une cellule médico-économique comprenant le président et le vice-président de la commission médicale d’établissement (CME), des chefs de pôle, le chef du département d’information médicale (DIM) et le directeur des affaires financières (DAF) et ayant pour missions de valider les choix relatifs à la comptabilité de gestion de l’établissement, de proposer des règles d’intéressement des pôles aux résultats et d’évaluer l’évolution des coûts de fonctionnement des pôles, notamment par comparaison avec des normes nationales ou régionales et formuler des propositions.

Toutes ces propositions visent « à s’approprier les outils de CAH dans leur vraie dimension : celle d’alimenter le dialogue de gestion et éclairer le bon déroulement des contrats de pôle ; en particulier dans leur pilotage infra annuel ».


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