La fusion hospitalière, un dispositif utile ?

Publié le 7 janvier 2014 à 0h00 - par

Un hôpital peut décliner, voire disparaître. Souvent, cela aboutit à une renaissance avec des structures nouvelles, plus grandes, mieux organisées, plus rationnelles.

Les restructurations, sous l’effet des coups de boutoir de la T2A, sont légions et les plans de retour à l’équilibre, de restructuration, de refondation traversent depuis quinze ans le monde hospitalier. S’ensuivent des externalisations, des diminutions d’effectifs, des fermetures de services, des transformations d’activité, des suppressions de lits…

La fusion, le remède pour l’hôpital malade ?

Toujours précédée d’une étude sur le bassin de population, sur l’analyse de l’adéquation des besoins de ce bassin et des réponses apportées, la fusion vise à mettre en synergie des moyens qui se juxtaposent ou se font concurrence, dans un souci de meilleure réponse au patient et de rationalité des moyens.

Un rapport de l’IGAS en mars 2012 intitulé « Fusions et regroupements hospitaliers : quel bilan pour les 15 dernière années ? » indiquait la limite de ces fusions. La Cour des comptes dans son rapport annuel 2013 soulignait également la limite des restructurations hospitalières sur trois exemples – dont une fusion – et leurs inefficacités économiques.

Exemple de la fusion du CHU de Nancy et de la Maternité Régionale Universitaire (MRU)

Ces deux établissements publics de santé sont à moins de 200 mètres l’un de l’autre. Ils sont tous deux à vocation universitaire et représentent une exception au niveau du territoire : le CHU de Nancy est le seul CHU à ne pas disposer de l’activité de gynécologie et d’obstétrique.

Ils sont par ailleurs en déficit, lourdement pour le CHU (près de 40 millions d’euros prévus en 2014, 384 millions d’euros cumulés). Ils sont complémentaires et disposent de fait du même rattachement universitaire.

L’historique des décisions

  • En juillet 2010, un rapport de l’IGAS propose la formation d’un groupement de coopération sanitaire (GCS) dévolu à cette époque pour les rapprochements public-privé et une évolution éventuelle vers une fusion.
  • En novembre 2011, le directeur général du CHU est nommé également DG de la MRU, et une équipe de direction commune est constituée.
  • En avril et juillet 2012, la fusion est annoncée par le DG de l’ARS aux deux conseils de surveillance.
  • Un décret en date du 21 novembre 2013 créé un nouveau CHR par la fusion du CHU et de la MRU. Ce nouveau CHR disposera de six mois pour passer une convention avec l’université de Lorraine, et devenir ainsi CHU.

Quels sont les objectifs de cette fusion ?

La fusion étant actée pour le 1er janvier 2014, de nature juridique, par disparition des deux structures au profit d’une nouvelle (article L. 6131-2 du Code de la santé publique), a comme conséquence de disposer :

  • d’instances uniques,
  • d’un ordonnateur unique en recette et en dépenses : circuit de facturation et valorisation unique, gestion de la paie unique, dévolution des éléments des bilans (inventaires, etc.),
  • d’un contractant unique : avec une nécessité de révision de l’ensemble des conventions, des contrats et marchés,
  • d’un détenteur unique des autorisations…

En termes organisationnels, une coopération médicale est attendue entre des activités complémentaires : pédiatrie et néonatologie, urologie et gynécologie, par exemple. Des économies d’échelle sont également recherchées par une mutualisation des fonctions support, notamment au niveau des services administratifs (13 postes supprimés), techniques, logistiques, mais aussi médico-techniques.

Un projet complexe à définir

Le projet était officiellement lancé début novembre 2012 avec la mise en place d’un dispositif de gouvernance important :

  • un comité stratégique placé sous le contrôle des deux directoires, chargé de valider et d’arbitrer les orientations de chaque chantier, de définir la stratégie de communication,
  • un comité opérationnel de projet chargé de suivre l’avancement des chantiers, d’en traiter les problèmes, d’assurer la cohérence et de gérer les interactions entre chantier,
  • des groupes de travail par chantiers (directions fonctionnelles) chargés de définir les prérequis à la fusion et d’assurer la conduite des chantiers.

13 chantiers et 63 groupes de travail ont été ainsi définis, dont 23 sont transversaux aux directions fonctionnelles.

Toute la fonction « économique » et la pratique de chacune des structures sont analysées par les groupes de travail qui ont à fixer les règles de convergence et de rapprochement.

La fusion, quel bilan ?

Le malade demain dans sa chambre d’hôpital d’un CHR fusionné sera-t-il mieux soigné ? L’hôpital public gagnera-t-il en « parts de marchés » face aux nombreuses cliniques privées dans le domaine gynécologique obstétrique ? La maternité gagnera-t-elle en « efficacité » et la nouvelle gouvernance CHU sur la maternité, plus lointaine, sera-t-elle compatible avec la « culture » ancienne plus proche, plus apte à décider rapidement ? S’il est difficile de répondre à ces questions aujourd’hui, s’il est impossible à ce stade de chiffrer les coûts induits des changements apportés à l’organisation, il restera une formidable mobilisation humaine, de l’encadrement essentiellement, sur un objectif commun, et à l’arrivée des cadres plus solidaires, plus forts.

Des moyens nouveaux sur la mobilité ont été mis en place, des consultations nombreuses ont été effectuées avec les organisations représentatives, avec les personnels, sans lever toutes les craintes.

Si la fusion ne règle pas la question de l’endettement chronique, de la crise financière de la nouvelle institution, ses actions pratiques sont concomitantes avec celles de redressement, de refondation, de restructuration engagées. Un chantier chasse l’autre…


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