L’hôpital en faillite ?

Publié le 18 octobre 2011 à 0h00 - par

Gros consommateurs de crédits d’investissement et de fonctionnement, il était impossible que les hôpitaux échappent à la crise financière. Les comptes commencent à affleurer et leur situation devient de plus en plus regardée et observée par les organismes financiers, par la représentation nationale et par les politiques.

L’établissement public hospitalier à l’abri de toute faillite ?

Le 2 septembre dernier, l’agence de notation « Fitch Ratings » a publié un rapport sur la notation des hôpitaux publics. Il s’agit d’une mise à jour d’un précédent rapport de 2008. Comme en 2008, cette note indique dans son résumé « que du fait de leur statut juridique, les hôpitaux ne peuvent faire faillite ». « En théorie, si un EPS devait être dissout, l’État assumerait sa dette. Toutefois, en pratique, aucun EPS n’a jamais été liquidé et les établissements ayant traversé des difficultés financières ont bénéficié d’un plan de redressement ou ont fusionné avec d’autres EP ».
« Dans un contexte de dépenses publiques sous contrainte, l’État joue un rôle majeur dans le financement de la santé publique. Il suit annuellement les dépenses des EPS à travers l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) et fixe la tarification. Par ailleurs, la supervision du système hospitalier a été renforcée par la création des Agences régionales de santé (ARS) qui assurent le pilotage régional des politiques de santé et exercent un contrôle budgétaire et financier des EPS. » « Malgré une croissance soutenue des investissements, les comptes des hôpitaux à fin 2009 ont montré une amélioration pour la seconde année consécutive. Même si l’endettement devrait rester soutenu, Fitch estime que l’État continuera à exercer un contrôle rigoureux des dépenses des EPS. Par ailleurs, la santé publique étant un secteur socialement et politiquement sensible, toute interruption dans la fourniture du service serait préjudiciable à l’État . »

De l’importance de surveiller les  dépenses

Après avoir rappelé que les recettes sont fortement réglementées par la tarification à l’activité (T2A), l’agence de notation pointe le doigt sur les dépenses. « Les dépenses de personnel sont le poste le plus important des EPS, sachant que la fonction publique hospitalière représentait 19,8 % de l’emploi public à fin 2008…
Malgré une complexité des statuts et des procédures de gestion qui a été soulevée par la Cour des comptes, les directeurs d’hôpitaux disposent d’une grande autonomie dans la gestion des ressources humaines. En 2009, les hôpitaux publics ont fortement diminué leurs effectifs et, plus particulièrement, le personnel technique et d’entretien. Ainsi, environ 9 800 postes (hors médecins) ont été supprimés, ce qui représente une baisse de 1,3 % par rapport à l’effectif total.
Cette tendance s’est confirmée en 2010, conformément à l’objectif de réduction des dépenses nationales de santé. Pour 2011, la Fédération hospitalière de France s’attend à une réduction de 700 millions d’euros, soit environ 15 000 postes…
Les charges à caractère médical représentent environ 16 % des charges d’exploitation. Ce poste est majoritairement (environ 80 %) composé d’achats de produits pharmaceutiques, de petit matériel médical et médico-technique et de fournitures diverses. Enfin, les charges à caractère hôtelier et général (Titre 3) représentaient environ 10 % des charges d’exploitation en 2009. »

L’agence constate une dégradation de la situation des hôpitaux

« En 2009 et pour la seconde année consécutive, les EPS ont bénéficié d’un « effet ciseaux » positif entre les produits (+ 3,2 % par rapport à 2008) et les charges d’exploitation (+ 2,5 % par rapport à 2008). Malgré une évolution des produits fortement limitée, ces performances s’expliquent principalement par une maîtrise des charges de personnel. Par conséquent, à fin 2009, la capacité d’autofinancement (3,9 milliards d’euros) était en augmentation de 16,9 % par rapport à 2008. Seuls 50 établissements sur 1 046 enregistraient une insuffisance d’autofinancement pour un montant global de 81 millions d’euros (comparé à 19 millions d’euros en 2006)
Ces dernières années, le Plan Hôpital 2007 a largement contribué à la détérioration de la situation financière des EPS. Malgré une aide au remboursement d’emprunts, les EPS ont vu leur taux d’accompagnement se réduire en raison du dépassement de leurs coûts d’exploitation. De fait, même si le Plan Hôpital 2007 a relancé les investissements, il a également fait augmenter le taux d’endettement en raison d’un mode de financement constitué principalement par des emprunts et des aides à leur remboursement. »
Fitch Ratings explique qu’au titre de leur rattachement à la catégorie des Associations de Sécurité sociale, la dette des EPS est incluse dans la dette publique au sens du Traité de Maastricht. « Par conséquent, inscrite dans l’article 12 de la loi de programmation des finances publiques 2011-14, le gouvernement a l’intention de limiter le recours à l’emprunt des hôpitaux via une modification de l’article L6141-2-1 du code de la santé publique », souligne l’agence de notation, en précisant que cette disposition « devrait être confirmée prochainement par un décret ».

Comment remédier à l’endettement des hôpitaux lié aux emprunts toxiques

Une soixantaine d’établissements de santé ont contracté des emprunts toxiques auprès de la banque Dexia-Crédit local, selon le quotidien Libération du 21.09.2011. Ce seraient 5 500 collectivités et organismes publics qui auraient signé des emprunts structurés, à taux variables (basés essentiellement sur les différentiels entre monnaies) auprès de l’établissement financier jusqu’en 2009. Dexia a prêté au total 25 milliards d’euros avec ce type d’emprunts, avec un surcoût pour le remboursement de 3,9 milliards d’euros fin 2009, soit 15,6 %.
Libération précise que Dexia n’a pas été le seul établissement à pratiquer des emprunts structurés et cite le Crédit agricole, la Société générale et les Caisses d’épargne. 66 établissements de santé [centres hospitaliers universitaires (CHU), centres hospitaliers généraux (CHG), hôpitaux locaux, syndicats interhospitaliers et établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (Ehpad)] seraient concernés.
L’article fait état également de deux cas de CHU (l’un pour des emprunts de 111 millions avec 31 millions d’euros d’intérêts, l’autre pour des emprunts de 122,4 millions et des intérêts de 27,1 millions) ainsi que de huit établissements ayant un surcoût supérieur à 20 % de la somme empruntée (de 20,92 à 40,16 %). Ces chiffres obèrent fortement sur le caractère régulier du fonctionnement des hôpitaux.
La Commission d’enquête parlementaire sur les emprunts et produits à risques souscrits par les collectivités territoriales et les acteurs publics locaux entend aujourd’hui de nombreux directeurs d’hôpitaux. Ceux-ci se rendent compte que leur hôpital n’est pas un cas isolé mais que ce mode de financement a été systématiquement proposé. Plusieurs appels en direction de l’État ont été lancés afin de trouver des solutions aux financements des hôpitaux.


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