Syndicats et employeurs vent debout contre la réforme de la médecine du travail

Publié le 31 mars 2016 à 23h18 - par

En réservant la visite médicale d’aptitude aux salariés occupant des postes « à risque », le projet de loi travail remet radicalement en cause le rôle de la médecine du travail, déplorent des syndicats mais aussi des employeurs, interrogés par l’AFP,

Grande conférence de la santé

Dernière étape du « choc de simplification » prévu sous le quinquennat de François Hollande, le projet El Khomri prévoit en effet de supprimer la visite médicale d’aptitude, dont bénéficient aujourd’hui tous les salariés avant l’embauche, puis périodiquement. Pour la réserver à ceux dont les postes sont jugés à risque pour eux-mêmes et leur environnement (transport, chimie, BTP…).

Des décrets de 2012 avaient déjà assoupli la périodicité de la visite, fixée à deux ans. Si la loi est adoptée, la majorité des salariés ne passeront à l’embauche qu’une « visite d’information et de prévention », réalisée par une infirmière et non par un médecin. Ils n’auront plus de « fiche d’aptitude ».

L’objectif pour le gouvernement est de « moderniser la médecine du travail pour mieux cibler les moyens sur les salariés exposés à des risques particuliers » et d' »améliorer la prévention et la santé au travail ». « C’est la fin de l’accès de tous au médecin du travail et l’introduction de deux catégories de salariés : ceux à risque, qui hésiteront à parler de leurs problèmes de santé pour ne pas perdre leur emploi, et les autres, qui n’auront plus de fiche d’aptitude et plus de suivi médical », déplore Martine Keryer, secrétaire nationale CFE-CGC Santé au travail/handicap. « On ne peut pas à la fois contrôler, exercer une médecine sécuritaire, et être un médecin dans lequel les salariés ont confiance », ajoute-t-elle.

Pénurie médicale

A fortiori dans un contexte où les médecins du travail, – 5 600 en 2015, selon les dernières données officielles, âgés à 40 % de plus de 60 ans et en charge de 17 millions de salariés -, ne sont pas remplacés ou très insuffisamment.

Président du syndicat national des professionnels de la santé au travail, Jean-Michel Sterdyniak fustige un projet de loi qui demande aux professionnels de santé « d’adapter l’homme au travail en vérifiant qu’il est apte à supporter les risques, plutôt que de chercher à les supprimer ». « On passe d’une logique de prévention à une mission de contrôle », dénonce aussi l’Ugict-CGT (cadres et techniciens). Alain Alphon-Layre, autre responsable CGT des questions de santé au travail, fustige « des disparités énormes entre travailleurs » et prône une réforme « qui intégrerait la médecine du travail dans la sécurité sociale ».

« Le médecin du travail en tant que veilleur, seul capable de dénoncer les risques psychosociaux au sein des entreprises dans un contexte où ils sont de plus en plus importants, disparaît », s’insurge Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail et responsable des questions de santé à la CFE-CGC, pour qui le projet de loi « détricote une protection sociale majeure des salariés ».

Le syndicat des cadres s’inquiète particulièrement pour les cadres au forfait-jour, « parmi les premières victimes de burn out », dont il réclame la reconnaissance comme maladie professionnelle.

Côté employeurs, Jean-Michel Pottier, vice-président de la CGPME en charge des questions sociales, dénonce un « projet de loi (qui) n’apporte aucune simplification ni aucune sécurisation supplémentaire pour l’employeur ». « La notion d’aptitude disparaît pour le plus grand nombre mais la responsabilité de l’employeur reste pleinement engagée et il ne verra pas pour autant ses cotisations baisser », déplore-t-il.

Idem côté Medef, qui appelle à préciser le texte afin de « circonscrire la responsabilité de l’employeur, de sorte qu’elle ne puisse être engagée au civil ou au pénal, à partir du moment où il a rempli ses obligations ». L’organisation patronale, qui se dit « attachée à la visite médicale d’embauche avec avis d’aptitude », indique que les employeurs financent les salaires des médecins du travail à hauteur de 1,3 milliard d’euros chaque année.

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