La voiture autonome en procès devant le fictif « Tribunal pour les générations futures »

Publié le 13 mars 2017 à 11h00 - par

« Les véhicules autonomes doivent-ils passer le permis ? » : derrière cette question d’apparence saugrenue, partisans et détracteurs des voitures sans chauffeur se sont affrontés vendredi 10 mars à Lille lors d’un faux-procès autour des mesures visant à encadrer l’usage de la voiture autonome.

La voiture autonome en procès devant le fictif "Tribunal pour les générations futures"

À la barre d’un amphithéâtre de la chambre de commerce transformée en salle d’audience, se succèdent experts et avocats, avant que des jurés tirés au sort parmi le public de cette conférence-spectacle organisée par la Métropole européenne de Lille ne se prononcent.

« Nous avons déjà abandonné la souveraineté de la conduite à des chauffeurs de bus ou de train, pourquoi pas alors pour la conduite de voiture ? « , lance à l’assistance Vincent Edin, journaliste indépendant, censé défendre farouchement les voitures autonomes.

Pour permettre de réduire flux, bouchons et pollution en ville, « il faudra que ces voitures soient partagées, un peu comme les bus aujourd’hui, et électriques. Elles rejoindront de grands hangars à l’écart des villes, permettant moins de circulation en leur centre… même si des emplois seront menacés », éclaire l’une des expertes, Maureen Houel, directrice générale d’Autonomy, festival des « mobilités urbaines durables ».

En effet, pour les seuls États-Unis, l’emploi d’environ quatre millions de personnes – camionneurs, chauffeur de taxi, etc. – est menacé par la voiture autonome, selon plusieurs experts internationaux.

Changer la mobilité urbaine

Ces véhicules suscitent un énorme intérêt, tant des grands constructeurs mondiaux, qui font miroiter pour certains une production en série aux alentours de 2020, que de plusieurs grands acteurs du secteur technologique.

Même les pouvoirs publics sont invités à s’en préoccuper de près : dans un rapport mi-janvier, l’Union internationale du transport public avait estimé que leur développement représentait « une opportunité unique de changer fondamentalement la mobilité urbaine, (…) mais uniquement si les autorités et les compagnies de transport public jouent, dès à présent, un rôle actif et intègrent les véhicules autonomes dans le réseau de transports en commun ».

« Vive les trottoirs élargis, adieu klaxons et pollution ! Les fins de soirées alcoolisées ? Ce ne sera plus un problème. Et vous pourrez même dormir dans votre voiture pour arriver en forme à votre rendez-vous ! », s’enthousiasme de nouveau « maître » Edin.

La technologie n’est pas neutre

« Arrêtez vos sottises, la voiture reste le dernier espace où vous avez encore deux secondes pour lever la tête, regarder autour de vous en étant libre de votre destination ! », lui répond son contradicteur, Arthur De Grave, du collectif « OuiShare ».

« La question qui se pose ici est celle de la moralité de la machine : la technologie n’est jamais neutre ! Derrière chaque algorithme se cache des valeurs, choisies justement par un ingénieur qu’on laisserait décider, en cas d’accident inévitable, entre le choc avec un bus de 40 personnes et le plongeon dans un ravin de la voiture autonome ? », appuie-t-il.

Plusieurs études estiment cependant que ces nouvelles voitures pourraient réduire le nombre de victimes des accidents de la route – 1,3 million par an à l’échelon mondial – la plupart en raison de la fatigue ou d’une distraction, ou parce que le conducteur n’a pas réagi assez rapidement.

Vient le verdict : les jurés, après délibération, décident à trois voix contre deux que les voitures autonomes devaient… bel et bien passer le permis.

par David COURBET

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