Loi sur la protection du patrimoine : une simplification qui inquiète

Publié le 21 septembre 2015 à 11h39 - par

Un État qui renonce à son rôle protecteur, une baisse des financements : la réforme des dispositifs de sauvegarde du patrimoine préoccupe des associations et des élus, ainsi que l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, inquiet de voir abolies des mesures qu’il avait mises en place.

Loi sur la protection du patrimoine : une simplification qui inquiète
Alain JOCARD / Copyright © AFP

« On décide de supprimer Malraux et Lang d’un seul coup », s’inquiète Jack Lang à propos des secteurs sauvegardés et des zones de protection du patrimoine, dispositifs que les deux anciens ministres avaient respectivement mis en place.

« Pourquoi fait-on disparaître ces deux institutions qui ont fait leur preuve ? » s’interroge l’actuel président de l’Institut du monde arabe (IMA), qui se défend de « tout procès d’intention ».

Débattu à l’Assemblée, le projet de loi relatif à la Liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, porté par la ministre de la Culture Fleur Pellerin, vise à rendre « plus compréhensibles les procédures de protection », les regroupant sous l’appellation de « Cité historique ».

Seraient ainsi fusionnés les secteurs sauvegardés (instaurés par la loi Malraux de 1962), les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), et les Aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine (AVAP), qui devaient remplacer les précédentes.

« Lorsque les règles deviennent trop complexes (…), lorsque la protection devient illisible parce qu’elle porte des noms ou des sigles abscons, on finit par y renoncer », a plaidé mercredi la ministre de la Culture devant la Commission des affaires culturelles à l’Assemblée.

Jack Lang, lui, s’interroge sur la notion de « cité historique » qu’il dit ne pas trouver « pertinente ».

« Quelles sont les limites ? Que fait-on des monuments isolés ? » demande-t-il, tout en affirmant comprendre « le souci de simplification ».

« J’ai le sentiment que, mine de rien, l’État transfère des attributions aux collectivités locales », ajoute l’ancien ministre.

Un risque de désengagement que redoute aussi Fabien Robert, maire adjoint de Bordeaux en charge de la Culture.

« Jusqu’ici, c’est au ministère que revenait la décision en matière de préservation du patrimoine. Ce nouveau label Cité historique risque d’être moins protecteur », souligne l’élu Modem, « même si nous partageons la volonté de clarification et de simplification qu’il manifeste ».

Des espaces moins protégés ?

« Désormais, les communes auront le choix entre deux possibilités en matière de protection de leur patrimoine. Soit un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) où elles codécideront avec l’État, soit le plan local d’urbanisme (PLU) – qui intègrerait une dimension historique et patrimoniale – où elle est seule à décider », explique-t-il.

« Il est probable qu’elles opteront plus facilement pour le PLU, moins contraignant », souligne Fabien Robert, qui est aussi vice-président de l’Association nationale des villes d’art et d’histoire.

Un autre danger, selon lui, est qu’à l’occasion d’un changement de majorité, « une municipalité moins sensible aux questions de patrimoine décide de modifier, voire de détruire des biens culturels sans que l’État ait son mot à dire ».

Consciente des interrogations soulevées par son texte, la ministre s’est voulue rassurante.

« Comme tout changement, cette refonte de la protection du patrimoine suscite des inquiétudes, notamment chez les maires. Je ne les ignore pas. Nous aurons ce débat, j’apporterai des réponses, et entendrai certaines de vos propositions d’amélioration », a-t-elle déclaré.

Présentant mercredi son texte, la ministre a assuré que le nouveau label « Cité historique » ne diminuerait pas « le degré de protection ou l’accompagnement de l’État auprès des collectivités ».

Ce que conteste Julien Lacaze, vice-président de la société de protection des paysages. « Ce texte est une régression pour les zones qui vont des abords des monuments aux ensembles urbains », dit-il.

« La logique du gouvernement est de réduire le niveau de protection des espaces protégés pour pallier le manque de logements dans certaines grandes villes, une politique à courte vue », critique-t-il.

 

par Antoine FROIDEFOND / Franck IOVENE

 

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