Permis de construire : la seule illégalité du refus n’entraîne pas réparation

Publié le 12 mai 2016 à 7h06 - par

Un refus illégal de permis de construire engage la responsabilité de la commune. Le Conseil d’État rappelle que pour obtenir réparation, le préjudice doit être réel et certain.

Permis de construire : la seule illégalité du refus n'entraîne pas réparation

Un refus de permis de construire illégal entraîne la responsabilité de la commune à l’égard du demandeur. Toutefois, elle ne peut pas s’en exonérer sous prétexte que l’acheteur n’a pas fait jouer une condition suspensive liée à l’obtention du permis de construire, figurant dans le compromis de vente, à laquelle il pouvait renoncer.

En 2007, le maire de Longueville (Seine-et-Marne, 1817 habitants) a refusé de délivrer le permis de construire sur un terrain, sollicité par la société Les Trois Coteaux pour y édifier trois bâtiments d’habitation. Rejetant la demande de la société, le tribunal administratif de Caen a refusé de condamner la commune. La Cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et a condamné la commune à verser 209 900 euros dommages-intérêts à la société. La commune a saisi le Conseil d’État pour faire annuler cet arrêt.

Celui-ci s’est prononcé le 15 avril dernier. Le Conseil d’État considère qu’en refusant de délivrer le permis de construire, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. C’est donc à bon droit que la Cour administrative d’appel avait estimé que l’illégalité du refus de permis de construire présentait un lien de causalité direct avec les préjudices dont la société Les Trois Coteaux demandait réparation, puisqu’elle n’avait pas pu mettre en œuvre son projet immobilier.

Préjudices qui ne pourraient être imputables à une prétendue faute de la société pour ne pas avoir renoncé à la condition suspensive d’obtention du permis de construire, stipulée dans le compromis de vente au profit de l’acquéreur. La Cour n’a donc pas commis d’erreur de droit ou d’erreur de qualification juridique, en écartant l’existence d’une imprudence de la part de la société, qui aurait pu exonérer en tout ou partie la commune de sa responsabilité.

Toutefois, le droit à indemnisation est subordonné au caractère direct et certain des préjudices invoqués, rappelle le Conseil d’État. Or, la perte de bénéfices ou le manque à gagner qui découlent de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière, en raison d’un refus illégal de permis de construire, revêtent un caractère éventuel. Ce qui ne peut pas, en principe, ouvrir droit à réparation, sauf à justifier de circonstances particulières, donnant au préjudice ce caractère direct et certain : engagements souscrits ou état avancé de négociations commerciales avec de futurs acquéreurs…

Cependant, la Cour administrative d’appel n’a pas recherché si les circonstances particulières pouvaient montrer que la société avait subi un préjudice direct et certain. Elle s’est seulement référée aux conclusions d’un rapport d’expert pour lui accorder une somme de 180 000 euros, évaluant le préjudice subi par comparaison avec une opération aux caractéristiques similaires réalisée, à la même époque, dans une commune voisine. Une erreur de droit, selon le Conseil d’État, qui estime la commune fondée à demander l’annulation de l’arrêt – puisqu’il statue sur le préjudice indemnisable au titre du manque à gagner.

La société Les Trois Coteaux devra verser une somme globale de 2 000 euros à la commune, au titre des dépens et de l’aide juridique. L’affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation, à la Cour administrative d’appel de Nantes.

 

Marie Gasnier


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