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L’interaction entre la compétence PLUi et les fusions d’EPCI : les questions qui peuvent fâcher !

Publié le 20 janvier 2017 à 14h34 - par

À partir du 27 mars 2017, les plans locaux d’urbanisme devront être élaborés à l’échelle intercommunale, sauf opposition qualifiée. Dès lors, quel regard est-il possible de porter sur cette nouvelle compétence qui a vocation à s’exercer dans un paysage intercommunal remanié dans lequel les fusions ne se passent pas toujours très bien ? Le cas des communautés de communes et des communautés d’agglomération.

L’interaction entre la compétence PLUi et les fusions d’EPCI : les questions qui peuvent fâchées !

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Renaud-Jean CHAUSSADE, Avocat en droit des collectivités territoriales, Counsel du cabinet Delsol AvocatsRenaud-Jean CHAUSSADE

Si elles ne le sont pas déjà, les communautés de communes et communautés d’agglomération existantes à la publication de la loi ALUR deviendront compétentes en matière de PLU à compter du 27 mars 2017 (article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014).

Le dispositif s’applique également aux communautés de communes ou d’agglomération créées ou issues d’une fusion entre la date de publication de la loi ALUR (26 mars 2014) et le 26 mars 2017. Il s’applique a fortiori aux mêmes communautés créées postérieurement au 27 mars 2017.

Si ce mécanisme est cohérent au regard de l’organisation de l’espace et de la reconnaissance du fait intercommunal, son application est susceptible de générer des tensions, en particulier au sein des EPCI issus d’une fusion forcée ou dans un cadre dans lequel le transfert de la compétence est discuté.

Si les sources de difficultés sont multiples, il est possible de faire état de trois questions posées par la réforme qui peuvent être complexes à gérer en fonction des circonstances : la gestion des PLU communaux en cours d’élaboration, la participation des communes à l’élaboration du PLUi et le cas particulier de la fusion d’EPCI n’ayant pas tous la compétence PLUi.

La gestion des PLU communaux en cours d’élaboration

Sauf opposition au transfert de compétence par au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population dans les trois mois précédant le terme du délai de trois ans suivant la publication de la loi ALUR, le PLU devient une affaire communautaire.

Il peut en résulter une difficulté pour les procédures d’élaboration ou de révision de PLU communaux. En principe, le nouvel EPCI devrait engager une procédure de PLUi ayant vocation à couvrir l’intégralité de son territoire et donc, à remettre en cause les procédures communales en cours à la date de la fusion.

Cependant, la loi a prévu de laisser la faculté à la communauté de communes ou la communauté d’agglomération, devenue compétente, de poursuivre lesdites procédures, en accord avec les communes concernées, sur leur périmètre initial.

Si sa mise en œuvre est facultative et consensuelle, elle peut utilement servir d’outil de sortie de crise.

La participation des communes à l’élaboration du PLUi

Un mécanisme de collaboration avec les communes est prévu. Avant la loi ALUR, les textes relatifs à l’élaboration d’un PLUi employaient l’expression de « concertation » avec les communes. Désormais, le terme « collaboration » est préféré en ce qu’il renvoie à une implication plus forte des communes.

L’organisation de cette collaboration est arrêtée par le conseil communautaire mais doit d’abord être discutée dans le cadre d’une conférence intercommunale rassemblant l’ensemble des maires des communes membres, sous l’autorité du président de l’EPCI.

Des moyens sont ainsi mis en place pour favoriser une coopération réelle entre les communes et l’EPCI pour en particulier régler ou à tout le moins aborder les difficultés et dissensions qui pourraient apparaître.

Le cas particulier de la fusion d’EPCI n’ayant pas tous la compétence PLUi

La fusion de plusieurs EPCI qui n’ont pas les mêmes compétences est susceptible de poser des problèmes et surtout d’attiser les tensions. Cela peut être le cas de la création d’un EPCI qui se substitue à un EPCI compétent en matière de PLUi et à un autre qui n’avait pas cette compétence.

Dans ce cas de figure, par effet mécanique de reprise des compétences exercées, le nouvel EPCI devient compétent en matière de PLUi sur tout son territoire, y compris sur sa partie correspondant au territoire de l’ancien EPCI qui n’avait pas la compétence. Cette situation peut être lourde de crispations puisque la procédure d’opposition au transfert serait tenue en échec.

La fusion produirait ainsi des effets potentiellement délétères puisque les communes, qui auraient souhaité conserver la compétence, seraient privées de toutes procédures pour ce faire.

C’est la raison pour laquelle il a été décidé d’introduire dans le projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté des « adaptations du droit actuel pour prendre en compte les situations créées par les fusions d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard de la compétence relative au plan local d’urbanisme ». Il est notamment question d’organiser une période transitoire de cinq ans pendant laquelle des modalités adaptées seront applicables sur le territoire des EPCI issus d’une fusion pour faciliter le transfert et l’exercice de la compétence relative au PLU.

Il s’agit en particulier de définir les conditions dans lesquelles :

  • les communes qui n’avaient pas transféré cette compétence avant la fusion pourront faire valoir leur opposition à l’exercice immédiat de la compétence par le nouvel EPCI issu de la fusion ;
  • ces communes continueront dans ce cas et jusqu’à la fin de cette période transitoire à exercer cette compétence ;
  • l’EPCI issu de la fusion exercera jusqu’à cette date la compétence relative au PLU sur le périmètre du ou des anciens établissements publics qui exerçaient cette compétence avant la fusion.

Voté en dernière lecture le 22 décembre 2016, ce texte, qui est actuellement devant le Conseil Constitutionnel, devrait amener la souplesse nécessaire pour dénouer les problématiques liées aux effets négatifs induits par la fusion d’EPCI à compétences différentes.

 

Renaud-Jean CHAUSSADE, Avocat en droit des collectivités territoriales, Associé du cabinet Delsol Avocats


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