Analyse des spécialistes / Urbanisme

Suites de la réforme du contentieux de l’urbanisme

Publié le 15 avril 2014 à 11h09 - par

Dans le prolongement de l’ordonnance du 18 juillet 2013 et sur la base des préconisations du rapport Labetoulle, le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 modifie sur deux points les règles du contentieux de l’urbanisme « afin de réduire le délai de traitement des recours qui peuvent retarder la réalisation d’opérations de construction de logements », selon son préambule.

contentieux marchés publics
Vincent GuinotVincent Guinot Anne-Laure GauthierAnne-Laure Gauthier

 

La cristallisation des moyens

Les délais impartis par le greffe aux parties pour adresser leurs écritures étant en principe indicatifs, l’instruction d’un contentieux peut s’avérer très longue, les demandeurs attendant bien souvent une ordonnance de clôture pour étayer leur argumentation et/ou soulever de nouveaux moyens. Le juge devant laisser aux défendeurs le temps nécessaire pour y répondre, il peut se trouver contraint de rouvrir l’instruction et, partant, de décaler d’autant le « calendrier » de la formation de jugement.

Une première avancée avait été opérée par le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 instituant deux procédures de clôture « à effet immédiat » (articles R. 611-11 et R. 612-3 du Code de justice administrative).

Ce dispositif est désormais complété par un mécanisme de cristallisation des moyens, permettant au juge sur saisine d’une demande motivée du défendeur (auteur ou bénéficiaire d’un permis), de « fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués » (article R. 600-4 du Code de l’urbanisme).

La mise en œuvre de cette procédure, qui n’est pas applicable aux travaux/aménagements soumis à déclaration préalable, reste à la libre appréciation du magistrat.

L’idée est intéressante, mais elle n’empêchera pas les requérants, à l’approche de la date impartie, de soulever par précaution des moyens, même dépourvus de consistance. Du reste le juge devra définir ce que sont des « moyens nouveaux » (si par exemple le requérant invoque la méconnaissance de l’article 12 du POS/PLU s’agissant du stationnement des véhicules automobiles, pourra-t-il ensuite critiquer le stationnement des deux-roues ?…), et préciser comment ce texte s’articule avec la traditionnelle liberté, en excès de pouvoir, de soulever de nouveaux moyens en appel.

Vers un contentieux en premier et dernier ressort

Le rapport Labetoulle envisageait enfin, dans les communes où s’applique la taxe annuelle sur les logements vacants (communes visées à l’article 232 du CGI et dont font notamment partie les communes de la première couronne parisienne), que certains grands projets dont la réalisation est d’intérêt public (« les projets autorisant la construction d’une surface de logement supérieure à 1 500 m2 ») soient jugés en premier et dernier ressort par les cours administratives d’appel.

Cette idée a été reprise, à titre d’expérimentation pour les recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018, mais au profit des tribunaux administratifs (dans le même temps, le contentieux de l’urbanisme commercial est – de nouveau – transféré en premier et dernier ressort aux cours administratives d’appel par le décret n° 2013-730 du 13 août 2013, lesquelles recouvrent également la compétence d’appel en matière de déclaration préalable) et pour un champ d’application matériel légèrement modifié.

Ainsi, le nouvel article R. 811-1-1 du Code de justice administrative vise « les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du Code général des impôts ».

Concrètement, tout recours introduit à compter du 1er décembre 2013 à l’encontre d’un permis de construire autorisant la réalisation d’un bâtiment à usage principal d’habitation dans une commune en zone dite « tendue » donnera lieu à un jugement insusceptible d’appel, seule la voie de la Cassation devant le Conseil d’État étant ouverte.

Cette mesure aura pour effet de réduire le délai global d’instruction, d’autant que la procédure du « filtre » des pourvois en Cassation permet parfois d’obtenir des décisions du Conseil d’État dans des délais restreints.

À noter que le Conseil d’État, dans une ordonnance n° 373468 du 23 décembre 2013, a rejeté le référé suspension présenté par le syndicat de la juridiction administrative à l’encontre de cette disposition ; reste encore à attendre l’arrêt sur le fond.

Vincent Guinot, Associé, et Anne-Laure Gauthier, Avocats en urbanisme et droit public- Cabinet Lacourte Raquin Tatar

Texte de référence : Décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme


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