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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02/12/2010, 09NC01852, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. VINCENT

Rapporteur : M. Jean-Marc FAVRET

Commissaire du gouvernement : M. COLLIER

Avocat : BRAND


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2009, présentée pour Mme Cathy A, ..., par Me Brand ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703028 du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 25 avril 2007 par laquelle le président du syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de trois jours ;

2°) d'annuler la décision du 25 avril 2007 ;

3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la procédure suivie est irrégulière : l'article 37 alinéa 2 du décret du 15 février 1988 a été méconnu, dès lors qu'elle a été sanctionnée le 25 avril 2007 sur le fondement de son courrier du 17 mars 2007, qui ne figurait pas dans le dossier individuel qu'elle a été invitée à consulter ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la sanction en cause est manifestement disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés ; elle n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire durant les seize premières années de présence à l'Opéra ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir : le directeur général de l'Opéra a déclaré, dès sa nomination, que son contrat ne serait pas renouvelé ; elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part du directeur général ; son exclusion temporaire a été décidée pour justifier le licenciement décidé le 4 septembre 2008, car il aurait été difficile de licencier une personne ayant toujours donné satisfaction à son employeur ;


Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2010, présenté pour le syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin par Me Nguyen, qui conclut au rejet de la requête de Mme A et à ce que soit mise à la charge de Mme A une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la procédure suivie est régulière, la requérante ne pouvant sérieusement soutenir que son droit à communication de l'intégralité de son dossier aurait été méconnu, au seul motif que son courrier du 17 mars 2007, dont elle connaissait nécessairement l'existence, ne figurait pas dans son dossier individuel ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la sanction en cause n'est pas disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés : l'exclusion temporaire de fonction est la troisième sanction prévue dans l'échelle des sanctions disciplinaires, et sa durée, variable, peut être fixée au maximum à un mois ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi : ce n'est qu'en juillet 2005 que M. Snowman a indiqué à l'intéressée que son contrat ne serait pas renouvelé ; la requérante n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral de la part du directeur général ; la manière de servir de Mme A n'était pas conforme à ce qui peut être attendu d'un agent public ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme A, tirés, d'une part de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, d'autre part de ce qu'aucune disposition ne lui imposait de faire droit à la demande de communication de ses relevés d'activités extérieures, ne sont pas fondés ;


Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 septembre 2010, présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;



Elle soutient en outre que :

- les prétendues difficultés relationnelles et problèmes de comportement allégués par l'Opéra sont sans rapport avec l'objet de sa requête ;

- elle était, aux termes de son contrat du 11 juin 2003, autorisée à intervenir à l'extérieur sur autorisation écrite de la direction ;

- elle n'a pas refusé de faire droit à la demande de l'administration, et il suffit de lire son courrier du 17 mars 2007 pour s'en convaincre ;

- l'Opéra souhaitait la remplacer par un proche de la directrice de l'Opéra ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 7 octobre 2010, présenté pour le syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 7 octobre 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Brand, avocat de Mme A, et de Me Soler-Couteaux, avocat du syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin ;

Vu la note en délibéré produite le 16 novembre 2010 pour Mme A ;


Considérant que Mme A a été recrutée par l'Opéra national du Rhin en qualité de chef des ateliers de costumes, par contrat de trois ans renouvelables en date du 17 juin 1991 ; que son contrat du 11 juin 2003 prévoit expressément la possibilité pour l'intéressée d'exercer des activités lucratives en dehors de l'Opéra du Rhin ; que, par courrier en date du 1er février 2007, la présidente du syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin a demandé à Mme A de lui communiquer un état récapitulatif des activités exercées au cours des trois dernières années à l'extérieur de l'établissement, ainsi que des rémunérations y afférentes ; que, par décision en date du 25 avril 2007, la présidente du syndicat intercommunal a infligé à Mme A la sanction de l'exclusion temporaire de trois jours, au motif qu'elle a refusé de communiquer ces informations ;


Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 alinéa 2 du décret susvisé du 15 février 1988 : L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier ;

Considérant que Mme A soutient que les dispositions précitées ont été méconnues, dès lors qu'elle aurait été sanctionnée sur le fondement de son courrier du 17 mars 2007, qui ne figurait pas dans le dossier individuel qu'elle a été invitée à consulter ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la présidente du syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin a, par courrier en date du 7 mars 2007, informé Mme A de son intention de lui infliger une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours, lui a précisé qu'elle avait la possibilité de consulter son dossier, a sollicité ses observations et lui a été précisé qu'elle pouvait être assistée du conseil de son choix au cours de l'entretien prévu ; que la requérante ne peut sérieusement faire valoir que son droit à communication de l'intégralité de son dossier aurait été méconnu, au seul motif que son courrier du 17 mars 2007, dont elle connaissait nécessairement l'existence et le contenu, ne figurait pas dans son dossier individuel ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit ainsi être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :

Considérant que Mme A ne peut sérieusement soutenir que le directeur général de l'Opéra aurait déclaré, dès sa nomination en 2003, que son contrat ne serait pas renouvelé, dès lors que ce dernier est entré en fonction en avril 2003, et que le contrat de la requérante a été renouvelé le 11 juin suivant ; que, si l'intéressé ajoute qu'elle aurait été victime d'un harcèlement moral de la part du directeur général, elle ne l'établit pas ; que, si elle affirme, d'une part que son exclusion temporaire aurait été décidée pour justifier son licenciement intervenu le 4 septembre 2008, d'autre part que l'Opéra souhaitait la remplacer par un membre de la famille de la directrice de l'Opéra, elle n'assortit ce moyen d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que le moyen tiré d'un prétendu détournement de pouvoir doit ainsi être écarté ;

En ce qui concerne le moyen subsidiaire tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa version alors applicable : Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Les conditions dans lesquelles il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ; qu'aux termes de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : Les agents non titulaires (...) sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles (...) 25 (...) du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales ; qu'aux termes de l'article 1er du décret-loi du 29 octobre 1936 susvisé, alors en vigueur : Sauf dispositions statutaires particulières et sous réserve des droits acquis par certains personnels en vertu de textes législatifs ou réglementaires antérieurs, la réglementation sur les cumuls : - d'emplois ; - de rémunérations d'activité ; - de pensions et de rémunérations ; - et de pensions, s'applique aux personnels civils, aux personnels militaires, aux agents et ouvriers des collectivités et organismes suivants : 1° Administrations de l'Etat, des départements et des communes, des départements et territoires d'outre-mer, des offices et établissements publics de ces collectivités à caractère administratif ; (...) ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret-loi : Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas à la production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques. ; qu'aux termes de l'article 6 dudit décret-loi : Toute infraction aux interdictions édictées par les articles précédents entraînera obligatoirement des sanctions disciplinaires, ainsi que le reversement, par voie de retenue sur le traitement, des rémunérations irrégulièrement perçues. Ces retenues seront faites au profit du budget qui supporte la charge du traitement principal du fonctionnaire, agent ou ouvrier en cause. ; qu'enfin, aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 dans sa rédaction alors en vigueur : Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d'un mois ; 4° Le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement ;

Considérant que le refus de Mme A de communiquer à son employeur, dans le délai imparti à cet effet, le relevé de ses activités extérieures et les rémunérations perçues à ce titre durant les trois dernières années, en distinguant celles relevant d'activités privées et celles relevant d'activités publiques, constitue, à lui seul, ainsi que l'ont souligné à bon droit les premiers juges, une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, et ce nonobstant les circonstances que l'intéressée, d'une part était, aux termes de son contrat du 11 juin 2003, autorisée à intervenir à l'extérieur sur autorisation écrite de la direction, d'autre part a, par un courrier du 17 mars 2007, après avoir pris connaissance de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, indiqué à son employeur qu'elle n'avait exercé aucune fonction lucrative en dehors de l'Opéra du Rhin à compter du 27 juillet 2005 ; qu'à la supposer avérée, la circonstance que l'activité de costumière présenterait le caractère d'une production d'une oeuvre artistique entrant dans le champ des dérogations prévues par l'article 3 du décret-loi susvisé du 29 octobre 1936, est sans incidence sur le refus de Mme A de transmettre les informations sollicitées par son employeur relatives à d'éventuels cumuls de rémunérations ; que le refus de communiquer à l'employeur ce type d'information constitue une faute revêtant un réel caractère de gravité, dès lors qu'il empêche l'administration de vérifier que l'agent en cause ne cumule pas des activités ou des rémunérations dans des conditions contraires aux exigences de la loi ; que, dans ces conditions, alors mêmes que l'intéressée n'avait antérieurement fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, la mesure d'exclusion temporaire de fonctions pendant trois jours prononcée à son encontre n'est pas manifestement disproportionnée à la gravité de la faute commise ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit ainsi être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 500 euros à verser au syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A versera au syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Cathy A et au syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin.

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N° 09NC01852



Source : DILA, 21/12/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 02/12/2010