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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 04/10/2011, 10LY00723, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. FONTANELLE

Rapporteur : M. Philippe SEILLET

Commissaire du gouvernement : Mme SCHMERBER

Avocat : SELARL CABINET CHAMPAUZAC


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2010, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, représentée par son président en exercice, dont le siège est 50 rue Denis Papin à Valence (26000) ;

La COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604768 du 26 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. Pierre A, annulé l'arrêté du 25 août 2006 par lequel le président du Sicom du Dauphin a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion définitive du service ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient, après avoir retenu que l'alcoolisme de M. A constituait un comportement susceptible de justifier une procédure disciplinaire, considérer ensuite que la dépendance à l'alcool de l'agent révélait un état pathologique qui justifiait d'abord qu'il soit statué sur son aptitude physique et mentale à poursuivre l'exercice de ses fonctions, alors que l'alcoolisme chronique d'un agent durant ses heures de service constitue une faute relevant du régime de la sanction disciplinaire et que M. A ne démontrait pas ne pas avoir été responsable de ses actes ou ne pas en avoir eu conscience ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le président du Sicom du Dauphin pouvait exercer son pouvoir disciplinaire, alors même que M. A se trouvait en arrêt de maladie, et la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la gravité des faits reprochés à l'agent, qui, d'une manière persistante, se trouvait en état éthylique sur son lieu de travail et qui, de ce fait, n'effectuait pas ses missions alors qu'il se trouvait au contact des usagers de la déchetterie ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 août 2010, et le mémoire rectificatif, enregistré le 20 août 2010, présentés pour M. Pierre A, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :
- c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que, dans les circonstances de l'espèce, le président du Sicom du Dauphin, en choisissant d'emblée la sanction la plus grave, avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; les premiers juges n'ont pas annulé la décision en litige au motif d'une erreur dans la qualification juridique ;
- contrairement à ce qu'affirme la requérante, aucun fait d'alcoolisme n'a été relevé à son encontre postérieurement au 25 octobre 2005, date de son dernier avertissement ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- la décision est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits, dès lors que la sanction a été prononcée non pour des faits nouveaux, constitutifs d'une faute, mais en raison de sa pathologie liée à l'alcool et d'un accident sans lien avec le service ;
- le président du Sicom s'est cru lié par l'avis du conseil de discipline ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit, dès lors que la sanction infligée, sur le fondement de l'article 6 du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 relatif aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale, ne lui était pas applicable, en sa qualité d'agent titulaire ;
- l'arrêté a pris effet à une date antérieure à celle de sa notification ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors que la sanction infligée avait pour objet de l'écarter du service, compte tenu de son absence prolongée du service et de la privation de son titre de conduite ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2011, présenté pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;


Elle soutient, en outre, que :
- la motivation de l'arrêté en litige est manifestement suffisante ;
- le président du Sicom ne s'est pas mépris sur l'étendue de son propre pouvoir d'appréciation ;
- la mention, dans l'arrêté en litige, du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 constitue une simple erreur de plume dans les visas de cet arrêté ;
- elle est fondée à demander qu'il soit procédé à une substitution de base légale, dès lors que le texte du décret du 4 novembre 1992 a une portée identique à celle de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 et que la révocation et l'exclusion définitive dépendent du même régime procédural, de sorte que M. A ne serait privé d'aucune garantie ;
- les griefs antérieurs peuvent être pris en considération dans l'appréciation de l'adéquation de la sanction aux faits reprochés ; la faute reprochée à M. A n'est pas extérieure au service ;
- la circonstance que la sanction aurait pris effet avant la notification de la décision a seulement pour effet d'entraîner l'annulation de la décision en tant que son entrée en vigueur a été fixée antérieurement à sa notification ;
- la décision qui repose sur des faits objectifs constituant une faute justifiant la sanction infligée, n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir ;

Vu l'ordonnance en date du 7 février 2011, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2011, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs, et soutient, en outre, qu'il ne peut être procédé à une substitution de motifs, en l'absence de textes ayant une portée identique, eu égard à l'échelle des sanctions prévues, d'une part, par le décret du 4 novembre 1992 et, d'autre part, par l'article 89 de la loi du 26 janvier 1989 ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2011, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 1er avril 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mars 2011, présenté pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, qui maintient ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;





Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Mamalet, pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, et de Me Lamamra, pour M. A ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Mamalet et à Me Lamamra ;

Considérant que, par un arrêté du 25 août 2006, le président du Sicom du Dauphin a infligé à M. A, agent d'entretien titulaire depuis le 1er janvier 2004, la sanction de l'exclusion définitive du service, au motif de son état habituel d'imprégnation alcoolique sur son lieu de travail le mettant dans l'impossibilité d'exercer normalement ses fonctions ; que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, venant aux droits du Sicom du Dauphin, dont elle a repris, à compter du 1er janvier 2010, la mission de gestion de la déchetterie située sur le territoire de la commune de Beaumont-lès-Valence, fait appel du jugement du 26 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. A, annulé ledit arrêté du 25 août 2006 du président du Sicom du Dauphin ;

Considérant qu'eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A, dont l'état habituel d'imprégnation alcoolique sur son lieu de travail le mettait dans l'impossibilité d'exercer normalement ses fonctions, et au caractère persistant, nonobstant de nombreux avertissements, de ce comportement comportant des risques d'accidents pour l'agent et de nature à porter gravement atteinte à l'image du service public auprès des usagers de la déchetterie, la sanction infligée à M. A n'était pas manifestement disproportionnée, nonobstant l'état de santé de l'agent, qui au demeurant n'avait pas répondu aux convocations du comité médical consulté afin d'examiner son aptitude ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler l'arrêté du 25 août 2006 en litige, sur le motif tiré de ce qu'en choisissant d'emblée la sanction la plus grave, le président du Sicom du Dauphin avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant elle ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 4 novembre 1992 précité, fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux stagiaires sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; 4° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; 5° L'exclusion définitive du service. / Les sanctions disciplinaires prévues aux 4° et 5° ci-dessus sont prononcées après avis du conseil de discipline et selon la procédure prévue par le décret du 18 septembre 1989 susvisé. / Lorsque le fonctionnaire territorial stagiaire a, par ailleurs, la qualité de fonctionnaire titulaire dans un autre corps, cadre d'emplois ou emploi, il est mis fin à son détachement sans préjudice des mesures disciplinaires qui pourraient être prises à son encontre dans son corps, cadre d'emploi ou emploi d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de l'arrêté en litige, qualifié d'arrêté d'application d'une exclusion définitive du service de M. Pierre A ; grade : agent des services techniques (stagiaire), comportant le visa du décret du 4 novembre 1992, et prévoyant, en son article 1 que L'exclusion définitive du service, sanction figurant au 5° de l'article 6 du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 précité, est prononcée à l'encontre de M. Pierre A, que ledit arrêté a infligé à M. A la sanction de l'exclusion définitive du service, applicable aux seuls agents stagiaires de la fonction publique territoriale ; qu'il n'en ressort pas, eu égard aux termes dudit arrêté, et contrairement à ce que soutient la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES, que ladite sanction aurait été infligée à l'agent en conséquence d'une simple erreur de plume ; que, dès lors, l'arrêté du 25 août 2006 en litige infligeant à M. A, qui avait la qualité d'agent titulaire, la sanction de l'exclusion définitive du service, ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 4 novembre 1992 ;

Considérant toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision en litige trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, selon lesquelles : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...) , qui peuvent être substituées à celles de l'article 6 du décret du 4 novembre 1992 dès lors, en premier lieu, que les faits commis par M. A justifiaient une telle sanction, nonobstant la différence entre les échelles de sanctions applicables aux agents titulaires, d'une part, et stagiaires, d'autre part, en deuxième lieu que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, l'arrêté en litige, qui mentionne les textes applicables ainsi que le motif de fait de la décision, tiré de son état habituel d'imprégnation alcoolique sur son lieu de travail le mettant dans l'impossibilité d'exercer normalement ses fonctions , est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le président du Sictom se serait cru lié par l'avis du conseil de discipline ;

Considérant, en quatrième lieu, que la décision prononçant la sanction contestée, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été prise pour un motif lié à d'autres éléments que le comportement au travail de M. A, résulte de la constatation de la persistance dudit comportement après le précédent avertissement, en date du 25 octobre 2005, notamment au cours de la période de novembre et décembre 2005, durant laquelle l'intéressé, en état fréquent d'ébriété, n'était pas en mesure d'apporter une aide à son collègue ; que ces faits, nonobstant la pathologie de l'agent qui, au demeurant, ainsi qu'il a été dit, n'avait pas répondu aux convocations du comité médical consulté afin d'examiner son aptitude, étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que dès lors, le moyen, tiré d'une erreur dans la qualification juridique des faits, en ce que la sanction aurait été prononcée en raison de sa pathologie liée à l'alcool et d'un accident sans lien avec le service, doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant, toutefois, en sixième lieu, que l'arrêté en litige ne pouvait prendre effet à une date antérieure à celle de sa notification, par une lettre du 15 septembre 2006 ; que, dès lors, ledit arrêté, en tant qu'il a pris effet à la date du 31 août 2006, antérieure à celle de sa notification, est entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 25 août 2006 en litige, sauf en tant qu'il a fixé une date d'effet antérieure à la date de sa notification par une lettre du 15 septembre 2006 ;

Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES ou de M. A une somme quelconque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



DECIDE :


Article 1er : L'arrêté du 25 août 2006 par lequel le président du Sicom du Dauphin a prononcé à l'encontre de M. A la sanction de l'exclusion définitive du service est annulé en tant qu'il a fixé une date d'effet antérieure à la date de sa notification, par une lettre du 15 septembre 2006.
Article 2 : Le jugement n° 0604768 du 26 janvier 2010 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire aux dispositions de l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION VALENCE AGGLO-SUD RHONE ALPES et à M. Pierre A.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Seillet, premier conseiller,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2011.

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N° 10LY00723
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Abstrats

36-09-05 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Procédure.

Source : DILA, 25/10/2011, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 04/10/2011