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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 23/02/2012, 10NT02196, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme PERROT

Rapporteur : M. Olivier COIFFET

Commissaire du gouvernement : M. DEGOMMIER

Avocat : COLLET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2010, présentée pour Mme Marie-Thérèse X, demeurant ..., par Me Collet, avocat au barreau de Rennes ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-2724 en date du 23 août 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Bretagne Atlantique à lui verser les sommes de 116 859 euros et 8 000 euros en réparation respectivement du préjudice subi au titre de ses droits à pension et de son préjudice moral du fait de la faute commise par cet établissement dans l'évaluation de ses droits à pension de retraite ;

2°) de condamner le centre hospitalier Bretagne Atlantique à lui verser les sommes précitées, qui porteront intérêts à compter du 12 mars 2007 et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du même établissement la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2012 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Piperaud, substituant Me Collet, avocat de Mme X ;

- et les observations de Me Cohadon, substituant Me Assouline, avocat du centre hospitalier Bretagne Atlantique ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 février 2012, présentée pour Mme X ;

Considérant que Mme X, alors directrice des soins de 1ère classe au centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes Auray, a, à partir de l'année 2002, sollicité auprès du service des ressources humaines de cet établissement des renseignements relatifs à ses droits à pension en cas de départ à la retraite en juin 2006 ou en décembre 2006 ; que ce service, après avoir procédé à différents calculs du montant de la pension de retraite, lui a indiqué qu'en cessant son activité le 1er janvier 2006 elle pourrait bénéficier d'une pension calculée sur une base de 152 trimestres lui permettant de bénéficier de 76 % brut de son dernier traitement ; que Mme X a, sur sa demande, été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2006 ; que cependant la pension de retraite de l'intéressée a été déterminée par la caisse des dépôts et consignations, gestionnaire de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) sur la base de 146 trimestres et non sur la base de 152 trimestres comme indiqué à l'origine ; qu'estimant que les informations erronées fournies par son employeur lui avaient fait perdre des droits à pension alors qu'elle aurait pu prolonger son activité jusqu'au 30 septembre 2007, Mme X a recherché la responsabilité du centre hospitalier Bretagne Atlantique et demandé sa condamnation à lui verser la somme totale de 124 859,66 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'erreur commise par cet établissement dans la simulation de ses droits à pension ; que Mme X relève appel du jugement du 23 août 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes, qui a reconnu l'existence d'une faute commise par cet établissement, a cependant rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le directeur du centre hospitalier de Bretagne Atlantique et par la caisse des dépôts et consignation :

Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...)" ; qu'en formulant les conclusions ci-dessus analysées, Mme X a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir l'indemnité qu'elle réclame, la lettre du 2 mai 2007 du directeur du centre hospitalier, rejetant la demande d'indemnisation présentée par Mme X en raison de l'erreur commise par le centre hospitalier dans l'estimation de sa retraite, a eu pour effet de lier le contentieux ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier tirée de l'absence de liaison du contentieux ;

Considérant, en second lieu, ainsi qu'il vient d'être rappelé, que le litige oppose Mme X fonctionnaire hospitalier à son ancien employeur, le centre hospitalier Bretagne Atlantique, du fait d'une information qui s'est avérée erronée portée à sa connaissance sur le calcul de ses droits à pension, et vise exclusivement, sur le plan indemnitaire, à obtenir réparation par cet établissement des préjudices en découlant ; que Mme X n'a, à aucun moment, entendu remettre en cause la pertinence du certificat de pension que lui a délivré la caisse des dépôts et consignation prise en sa qualité de gérante de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ; qu'il s'ensuit que cet organisme ne saurait utilement lui opposer le fait que le brevet de pension lui a été notifié le 28 janvier 2006 alors qu'elle n'a présenté sa demande indemnitaire que le 13 mars 2007 pour estimer que cette demande dirigée contre le centre hospitalier Bretagne occidentale serait irrecevable pour tardiveté ;

Sur la responsabilité :

Considérant que Mme X a, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, demandé à son employeur courant 2002 la réalisation d'une étude prospective concernant ses droits à la retraite ; que le responsable du secteur "Gestion des carrières" au sein du centre hospitalier Bretagne Atlantique a établi le 8 juin 2004 un décompte d'annuités faisant apparaître, au profit de l'intéressée, un total de 152 trimestres à partir du 1er décembre 2005 ; que le centre hospitalier a reconnu que ce décompte, actualisé le 24 mars 2005, était erroné en ce qu'il avait pris en compte comme travaillée à temps plein la période de 7 ans 3 mois et 3 jours au cours de laquelle Mme X avait bénéficié d'une activité à temps partiel ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier, qui a procédé à une évaluation inexacte des annuités cumulées par son employée et n'a pas corrigé l'erreur qu'il avait commise alors qu'il disposait des renseignements pour le faire, a, en fournissant des renseignements erronés à Mme X, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, toutefois, qu'il est constant que Mme X s'est abstenue de vérifier les données sur la base desquelles avait était effectuée la simulation réalisée le 8 juin 2004, actualisée le 24 mars 2005, malgré la mention "à titre indicatif" clairement portée sur chacun des documents qui lui avaient été transmis ; que Mme X a ainsi commis elle-même une faute de nature à atténuer de moitié la responsabilité du centre hospitalier Bretagne Atlantique ;

Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que l'erreur commise à plusieurs reprises par le service spécialisé "Gestion des carrières" du centre hospitalier sur le nombre de trimestres validés de l'agent, alors qu'il avait par ailleurs indiqué à Mme X, de façon là encore inexacte, que "les trimestres supplémentaires qu'elle pourrait obtenir par la poursuite de son activité ne seraient pas pris en compte en raison d'un écrêtage", a été le motif essentiel du choix de l'intéressée de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2006 ; qu'il s'ensuit que le lien de causalité entre les renseignements erronés fournis par le centre hospitalier Bretagne Atlantique et le préjudice subi par Mme X doit être regardé comme établi ;

Sur le préjudice indemnisable :

Considérant qu'il est constant que Mme X a été privée d'une chance de prolonger son activité afin de bénéficier d'une pension de retraite à taux plein, dans une proportion qu'il conviendra d'établir, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la faute commise, à 80 % du préjudice subi par elle ; que la différence entre la pension allouée à l'intéressée depuis le 1er janvier 2006 et celle qu'elle aurait effectivement perçue en prolongeant son activité de manière à bénéficier d'un taux plein s'élève à la somme non sérieusement contestée de 86,98 euros nets par mois ; que, compte tenu du partage de responsabilité fixé ci-dessus et du pourcentage de perte de chance appliqué en l'espèce, le préjudice subi par Mme X, née le 12 mai 1943, doit être évalué à la somme de 9 000 euros tous intérêts compris ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier Bretagne Atlantique à verser cette somme à Mme X ;

Considérant que si Mme X n'a, du fait de l'erreur commise par le centre hospitalier et de sa propre imprudence, pas été mise à même de décider ou non de prolonger l'exercice de son activité au sein du centre hospitalier au delà du 1er janvier 2006, elle ne justifie d'aucun préjudice moral indemnisable qui résulterait de la situation prématurée d'inactivité dans laquelle elle s'est trouvée de ce fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du centre hospitalier Bretagne Atlantique le versement à Mme X d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le centre hospitalier Bretagne Atlantique demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE
Article 1er : Le jugement n° 07-2724 du tribunal administratif de Rennes en date du 23 août 2010 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier Bretagne Atlantique est condamné à verser à Mme X la somme de 9 000 euros (neuf mille euros) tous intérêts compris.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et les conclusions présentées par la caisse des dépôts et consignations et par le centre hospitalier Bretagne Atlantique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le centre hospitalier Bretagne Atlantique versera à Mme X la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Thérèse X, au centre hospitalier Bretagne Atlantique et à la caisse des dépôts et consignations.
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Source : DILA, 20/03/2012, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 23/02/2012