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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 novembre 2012, 11-86.857, Publié au bulletin

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Cassation partielle sans renvoi

M. Louvel

Mme Radenne

M. Boccon-Gibod

Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Odent et Poulet


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Loïc X..., civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre spéciale des mineurs, en date du 20 juillet 2011, qui, dans la procédure suivie contre Florian X... pour destruction du bien d'autrui par incendie volontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 octobre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, MM. Arnould, Le Corroller, Nunez, Pers, Fossier, Mme Mirguet conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Roth conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Boccon-Gibod ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller RADENNE, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1384 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, de la loi du 4 mars 2002, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Loïc X... à payer à la communauté de communes du Petit Caux, solidairement avec M. Florian X... et Mme Y..., la somme de 3 765 771 euros ;

"aux motifs que M. Loïc X... et Mme Y... ont divorcé par jugement du 1er septembre 1999, chacun des parents conservant conjointement l'autorité parentale sur les enfants mineurs ; que la résidence des enfants a été fixée au domicile de la mère, Mme Y..., tandis que le père, M. Loïc X..., s'est vu réserver un droit de visite et d'hébergement ; par l'autorité parentale conjointe, chacun des parents a la charge d'organiser et de contrôler le mode de vie et la prise en charge éducative du mineur ; que la résidence habituelle de l'enfant chez un de ses deux parents n'empêche pas l'autre d'exercer la plénitude de son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation, attributs de l'autorité parentale ; qu'ainsi, face à cette autorité parentale conjointe, la responsabilité civile des deux parents est mise en jeu ; il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. Loïc X... et Mme Y... civilement responsables des actes de leur enfant mineur Florian » ;

"et aux motifs adoptés qu'il résulte de l'article 1384 du code civil que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; que la responsabilité du parent chez lequel est fixé la résidence habituelle de l'enfant est systématiquement engagée ; que la responsabilité de l'autre parent, dès lors qu'il exerce aussi l'autorité parentale, est également engagée du fait de l'application de la loi du 4 mars 2002 ; que la responsabilité de plein droit des deux parents découle en effet de l'essence même de l'autorité parentale dont ils sont investis ; qu'en l'espèce, l'autorité parentale est exercée conjointement par Mme Y... et M. Loïc X... à l'égard de Florian ; qu'au demeurant, il peut être souligné que les faits reprochés à Florian X... se sont déroulés un 3e week-end du mois, date à laquelle M. Loïc X... bénéficiait de l'exercice de son droit de visite et d'hébergement à l'égard de Florian ; que la responsabilité civile des deux parents est par conséquent engagée pour les actes causés par Florian X..., mineur au moment des faits ;

"1°) alors que, un parent n'est responsable des dommages causés par son enfant mineur qu'à la condition qu'il cohabite avec lui ; que cette condition n'est pas remplie lorsqu'un jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant chez l'autre parent ; que la cour d'appel a relevé que la résidence de l'enfant mineur en cause avait été fixée judiciairement au domicile de la mère tandis que le père s'était vu réserver un simple droit de visite et d'hébergement ; qu'en considérant toutefois que la responsabilité du père devait être engagée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que, un parent n'est responsable des dommages causés par son enfant mineur qu'à la condition qu'il cohabite avec lui ; que cette condition n'est pas remplie lorsqu'un jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant chez l'autre parent, peu important à cet égard que l'autorité parentale soit exercée conjointement ; que la loi du 4 mars 2002 n'a pas modifié ces principes ; qu'en énonçant que la responsabilité du parent chez lequel est fixée la résidence habituelle de l'enfant est systématiquement engagée et que la responsabilité de l'autre parent, dès lors qu'il exerce aussi l'autorité parentale est également engagée du fait de l'application de la loi du 4 mars 2002, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"3°) alors que, subsidiairement, la cohabitation de l'enfant avec ses père et mère visée par l'article 1384, alinéa 4, du code civil résulte de la résidence habituelle de l'enfant au domicile des parents ou de l'un deux ; que l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents chez lequel sa résidence est fixée ; qu'en considérant que la responsabilité de M. Loïc X..., père du mineur Florian, à l'origine des faits dommageables, devait être engagée de plein droit, dès lors qu'il exerçait son droit de visite et d'hébergement sur ce dernier à la date des faits, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"4°) alors que, encore plus subsidiairement, les juges doivent répondre aux moyens péremptoires des conclusions qui leur sont soumises ; que dans ses conclusions soutenues à oralement, M. Loïc X... faisait valoir que les faits dommageables avaient été commis dans la nuit du 16 mai 2008 et que ce n'est que le samedi à 14 heures que débutait l'exercice du droit de visite et d'hébergement de M. Loïc X... ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Vu l'article 1384, alinéa 4, du code civil ;

Attendu qu'en cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue par le quatrième alinéa de ce texte incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Florian X..., mineur de 13 ans, dont les parents ont divorcé, a provoqué l'incendie et la destruction totale d'un gymnase en mettant le feu à une bâche ; que le tribunal pour enfants l'a définitivement reconnu coupable d'incendie volontaire ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné le mineur, solidairement avec son père et sa mère, à des réparations civiles, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, attribué un droit de visite et d'hébergement au père et conservé à chacun des parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, retient que la résidence habituelle de l'enfant chez un de ses deux parents ne fait pas obstacle à ce que l'autre exerce la plénitude de son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation, de sorte que la responsabilité civile des deux parents, titulaires de l'autorité parentale conjointe, est engagée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 20 juillet 2011, en ses seules dispositions ayant déclaré M. Loïc X... civilement responsable de son fils mineur et l'ayant condamné in solidum à indemniser la partie civile, toutes autres dispositions étant expréssement maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la communauté de communes du Petit Caux, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six novembre deux mille douze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Source : DILA, 23/03/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction judiciaire

JURIDICTION : Cour de cassation, Chambre criminelle

Date : 20/07/2011