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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 09/05/2014, 12NT00400, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LAINE

Rapporteur : Mme Sylvie AUBERT

Commissaire du gouvernement : M. GAUTHIER

Avocat : MARTIN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée pour Mme B... D..., domiciliée..., par MeA... ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine du 23 mars 2009 restreignant son agrément en qualité d'assistante maternelle et à la condamnation du département d'Ille-et-Vilaine à lui verser une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) d'annuler la décision du 23 mars 2009 ;

3°) de condamner le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser une indemnité de 3 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision contestée ne la met pas à même de s'assurer de la compétence de son auteur ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le non-respect du délai de quinze jours prévu par l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles a porté atteinte aux droits de la défense ;

- l'administration ne pouvait pas se fonder sur des faits antérieurs à la date du 17 octobre 2008 à laquelle son agrément a été étendu à trois enfants ; aucun fait postérieur à cette date n'est invoqué ;

- l'interruption du placement de trois enfants après le 17 octobre 2008 ne lui est pas imputable ; les difficultés relationnelles qui lui sont reprochées proviennent du comportement d'un seul parent ; le grief tiré du nombre de déplacements effectués pour les trajets scolaires de ses propres enfants manque en fait ; il n'a pas été formulé à l'encontre d'autres assistantes maternelles ayant la même pratique ; ses quelques déplacements n'ont pas d'incidence sur le rythme de vie des enfants gardés ; l'amplitude horaire de l'accueil n'est pas excessive et n'a pas d'incidence sur la qualité de ce dernier ;

- la décision est entachée d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

- elle est exclusivement fondée sur le rapport d'un agent du service d'agrément du département qu'elle avait saisi d'un recours gracieux à la suite du refus d'extension d'agrément qui lui avait d'abord été opposé en juillet 2008 ; la procédure de limitation de l'agrément a été engagée par cet agent sur le fondement d'un courrier écrit par le seul parent avec lequel elle a eu des difficultés ; de nombreux parents ont attesté de la qualité de l'accueil ;

- l'association des assistantes maternelles de Rennes dénonce la politique de restriction des agréments du département ;

- son préjudice moral résulte du départ brutal des enfants qu'elle gardait ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée à Me C... le 2 avril 2012, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2012, présenté pour le département d'Ille-et-Vilaine, qui conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la décision contestée n'est pas entachée d'incompétence ;

- l'avocat de la requérante lui ayant demandé de justifier des motifs de la convocation de cette dernière devant la commission consultative paritaire départementale dès le 25 février 2009, le délai de quinze jours prévu par l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles, qui est d'ailleurs purement indicatif, a été respecté ; le dossier administratif de sa cliente lui a été transmis dès le 3 mars 2009 ;

- la matérialité des faits sur lesquels la décision contestée est fondée et que le courrier d'un parent est seulement venu corroborer est établie ;

- ces faits, qui peuvent être antérieurs à la décision d'extension de l'agrément du 17 octobre 2008, justifient la limitation de l'agrément ;

- les conclusions indemnitaires, qui n'ont pas été précédées d'une réclamation, ne sont pas recevables ;

- le préjudice invoqué n'est pas établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2012, présenté pour Mme D..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle réévalue son préjudice moral à la somme totale de 5 500 euros et demande en outre à la cour de condamner le département d'Ille-et-Vilaine à lui verser une indemnité pour perte de revenus d'un montant de 924,68 euros par mois à compter du 23 mars 2009 et jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

elle ajoute que :

- la date de réception du courrier du département du 23 février 2009 n'est pas établie ; elle a été privée de cinq jours pour préparer sa défense ; son dossier administratif ne lui a été communiqué que le 2 mars 2009 ;

- les conclusions indemnitaires ont été régularisées par la présentation d'une réclamation portant sur une indemnité de 36 288,48 euros le 30 juillet 2012 ;

- la perte d'une chance sérieuse d'exercer son activité à plein temps doit être évaluée à 924,68 euros par mois et son préjudice moral à 3 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2012, présenté pour le département d'Ille-et-Vilaine, qui maintient ses conclusions en défense ;

il ajoute que :

- l'absence de réclamation préalable n'est pas régularisable en appel ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier sont nouvelles en appel ;

- le lien de causalité entre la décision dont la légalité est contestée et le préjudice invoqué n'est pas établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour Mme D..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

elle ajoute que :

- le département a lié le contentieux en défendant au fond sans opposer en première instance la fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation préalable ;

- un nouveau chef de préjudice peut être invoqué pour la première fois en appel ;

- son préjudice s'est aggravé après le jugement rendu par le tribunal administratif ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Bars, avocat de Mme D... ;



1. Considérant que Mme D... relève appel du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine du 23 mars 2009 limitant à un enfant à temps complet son agrément en qualité d'assistante maternelle et à la condamnation du département d'Ille-et-Vilaine à lui verser une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ; qu'elle demande en outre en appel le versement d'une indemnité de 924,68 euros par mois, à compter du 23 mars 2009 et jusqu'à l'arrêt à intervenir, en réparation de son préjudice financier ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que Mme D... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen invoqué en première instance tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque le président du conseil général envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a reçu le courrier du président du conseil général du 23 février 2009, l'informant de l'examen prochain par la commission consultative paritaire départementale de la proposition de retrait de son agrément d'assistante maternelle, le 25 février 2009 au plus tard, date à laquelle son avocat a demandé une copie de son dossier administratif ; que cette copie lui ayant été communiquée en temps utile, par un courrier du 3 mars 2009, huit jours avant la réunion de la commission le 11 mars suivant, la circonstance que le délai qui s'est écoulé entre la réception du courrier du 23 février 2009 et cette réunion a été de treize jours seulement n'entache pas la procédure d'irrégularité ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-23 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors en vigueur relatif, notamment, aux assistants maternels : " (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " ;

5. Considérant que la décision restreignant l'agrément de Mme D... est motivée par les difficultés rencontrées dans ses relations avec les parents des enfants gardés, le nombre important de ruptures anticipées des contrats de garde, le non-respect de son engagement de mieux concilier ses contraintes familiales et ses obligations professionnelles et l'importance de l'amplitude des horaires d'accueil ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports de contrôle établis par l'administration en 2004, 2005 et 2008, que depuis 2002 six contrats ont été rompus après quelques mois de garde seulement et que la requérante a eu, à plusieurs reprises, des différends avec les parents ; qu'il en ressort également que l'amplitude de la journée d'accueil a pu dépasser onze heures par jour et que l'engagement pris par l'intéressée lors de l'extension de son agrément à l'accueil de trois enfants le 17 octobre 2008 de ne pas s'occuper de ses propres enfants au détriment des enfants gardés, en particulier en ce qui concerne les trajets scolaires, n'a pas été respecté, un parent ayant pu constater que Mme D... était absente de son domicile en début d'après-midi au motif qu'elle était allée chercher sa fille à l'école ; que s'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces trajets scolaires ont été nombreux, ainsi que le mentionne la décision contestée, les autres éléments sur lesquels la restriction de l'agrément est fondée sont établis ; que le département pouvait, sans erreur de fait ni erreur de droit, se fonder sur l'ensemble de ces autres constatations alors même que certaines d'entre elles sont antérieures à l'extension de l'agrément à trois enfants ;

6. Considérant que le département n'apporte aucun élément de nature à établir que l'amplitude de la journée d'accueil, qui a pu aller de 7 heures 50 à 19 heures 15 au lieu de 8 heures à 18 heures, à la demande de deux parents en raison de leurs contraintes professionnelles, a nui à la qualité de l'accueil ; qu'en revanche, l'incapacité de la requérante à entretenir de bonnes relations avec certains parents et à concilier ses contraintes familiales avec ses obligations professionnelles, en dépit de l'engagement pris sur ce second point lors de l'extension de son agrément à la garde de trois enfants, sont de nature à porter atteinte à la qualité de l'accueil et à l'instauration d'une relation de confiance avec les parents, ainsi que l'atteste la rupture prématurée de plusieurs contrats de garde ; que ces deux derniers motifs justifient, à eux seuls, la décision du président du conseil général de restreindre l'agrément à l'accueil d'un enfant ; que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit, dès lors, être écarté ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur du rapport relatif à la qualité de l'accueil des enfants par Mme D... soumis à la commission consultative paritaire départementale a manqué d'impartialité à l'égard de la requérante ; qu'il n'est pas non plus établi que la décision contestée s'inscrit dans le cadre d'une politique du département visant à réduire le nombre d'agréments en qualité d'assistant maternel ; que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, dès lors, être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. Considérant que la décision du 23 mars 2009 n'étant pas illégale, le président du conseil général n'a pas commis, en la prenant, une faute de nature à engager la responsabilité du département ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département d'Ille-et-Vilaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante le versement de la somme que le département demande sur le même fondement ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme D... et les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au département d'Ille-et-Vilaine.




Délibéré après l'audience du 18 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2014.

Le rapporteur,





S. AUBERTLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,





N. CORRAZE


La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


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N° 12NT00400 2
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Source : DILA, 22/05/2014, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 09/05/2014