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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 24/03/2015, 13NT02498, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme AUBERT

Rapporteur : Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER

Commissaire du gouvernement : M. GAUTHIER

Avocat : MORIN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu I, sous le n° 13NT02498, la requête, enregistrée le 2 septembre 2013, présentée pour M. G... E..., demeurant..., M. D... H..., demeurant..., M. F... J..., demeurant ... et M. C... A... B..., demeurant..., par Me Morin, avocat au barreau de Lorient ; M. E..., M. H..., M. J... et M. A... B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1001672 du 11 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'article 2 de la délibération du 11 décembre 2009 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération) adoptant l'avenant n° 1 au marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le groupement de Giacinto le 19 janvier 2006 pour la construction l'hôtel de la communauté d'agglomération et portant sa rémunération à 2 798 679,79 euros ;

2°) d'annuler l'article 2 de cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Lorient la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas à l'ensemble de l'argumentation relative à l'absence d'incidence significative sur le coût des travaux, d'une part, de la zone d'aménagement concerté (ZAC) et, d'autre part, de l'entrée en vigueur de normes énergétiques plus contraignantes ;

- les premiers juges ont dénaturé les faits en n'admettant pas l'existence d'une modification notable du projet contraire à l'article 20 du code des marchés publics ; l'immeuble qui devait seulement abriter des services administratifs devient un établissement recevant du public ;
- le programme de réalisation des travaux et l'enveloppe financière devaient être fixés définitivement dans l'avant-projet sommaire déposé le 8 mars 2006 ; les premiers juges ne pouvaient pas retenir une solution différente sur le fondement du I de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en se fondant sur l'article 70 du code des marchés publics pour juger que le président de la communauté d'agglomération était seul compétent pour choisir le maître d'oeuvre alors que cette compétence revient à l'assemblée délibérante en application de l'article 74 du même code ;

- ils ont intérêt à agir en leur qualité de contribuables locaux ; M. B... a en outre la qualité de conseiller communautaire ;

- l'illégalité de la délibération du 15 avril 2005 entache d'illégalité la délibération du 11 décembre 2009 ; le conseil communautaire s'est borné à prendre acte du choix du lauréat par le président de la communauté d'agglomération sans délibérer sur cette question ; les projets des différents lauréats finalistes ne lui ont pas été présentés ; la délibération est de ce fait un acte inexistant dont le juge doit tirer les conséquences quant à la légalité du contrat ;

- l'immeuble n'étant ni un nouveau bâtiment ni un ouvrage d'une complexité particulière, seules des mises au point et des précisions de programme pouvaient être effectuées durant les phases d'avant-projet ; le coût des travaux a augmenté de 78 % et la destination du projet a été entièrement modifiée ; l'évolution de l'indice BT entre 2005 et 2009 représente 18 % de l'augmentation ;

- le retard pris dans l'exécution des travaux ne résulte pas de la création d'une ZAC mais du mécontentement de la population hostile à un bâtiment réservé à l'administration sur le site du Péristyle ; ayant été mise en projet en 2002 et adoptée par le conseil municipal de Lorient en 2005, la ZAC pouvait être anticipée ; l'avant-projet sommaire déposé en 2006 devait prendre en compte les différentes contraintes du site ;

- la délibération du 11 décembre 2009 et l'avenant qu'elle contient sont illégaux en ce qu'ils bouleversent l'économie du contrat et en changent l'objet, l'hôtel d'agglomération initialement prévu ayant été transformé en maison de l'intercommunalité ; il devient un lieu de loisir dont seule une partie est affectée aux services administratifs ;

- le surcoût non prévisible résultant de l'évolution des normes énergétiques est de l'ordre de 500 000 euros et non de 3 millions d'euros ; cette surévaluation dissimule un surcoût plus important lié au changement d'affectation de l'immeuble ;

- la commission d'appel d'offres et la direction générale de la concurrence n'étaient pas favorables à la signature de l'avenant ;

- la modification du projet est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la commande publique et à l'article 5 du code des marchés publics ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2014, présenté pour la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération), par la SELARL Valadou-Josselin et Associés, qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E..., de M. H..., de M. J... et de M. A... B...la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les modifications du marché ne caractérisaient qu'une simple évolution du programme initial ; l'immeuble a été dès le départ un établissement recevant du public ; les modifications apportées portent sur des surfaces limitées et n'affectent ni la surface globale ni le parti pris architectural ;

- la rémunération du maître d'oeuvre, compte tenu de la nature des travaux, pouvait être fixée de manière provisoire sur la base de l'enveloppe financière prévisionnelle avant de l'être définitivement par voie d'avenant ;

- la délibération du 15 avril 2005 par laquelle il est procédé au choix du maître d'oeuvre est régulière, le président de la communauté d'agglomération étant compétent pour décider du lauréat du concours, conformément aux dispositions de l'article 70 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur ; en leur qualité de tiers au contrat, les requérants sont irrecevables à contester par la voie de l'exception d'illégalité la délibération du 15 avril 2005 et la validité du marché initial, lequel a été attribué par une décision du conseil communautaire du 9 décembre 2005 ; ayant été transmises en préfecture et affichées, les délibérations du 15 avril et du 9 décembre 2005 sont devenues définitives ; la théorie des opérations complexes n'est pas applicable ;

- l'adoption de l'avenant par la délibération du 11 décembre 2009, qui ne modifie pas l'objet du contrat et n'en bouleverse pas l'économie générale, n'est pas contraire aux dispositions de l'article 20 du code des marchés publics ; les parties ont été confrontées à des contraintes extérieures telles que l'aménagement d'une ZAC dont la prise en compte a entraîné à elle seule un surcoût de 28 % ; les modifications apportées au projet de leur propre initiative ne représentent que 10,3 % de son coût initial ; les nouvelles normes énergétiques et de sismicité applicables ne pouvaient pas être anticipées ;

- l'augmentation de la rémunération du maître d'oeuvre est conforme aux dispositions de l'article 30 III du décret du 29 novembre 1993 ; cette rémunération peut varier entre la passation du marché de maîtrise d'oeuvre et l'avant-projet détaillé en application de l'article 29 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 octobre 2014, présenté pour M. E..., M. H..., M. J... et M. A... B..., qui conclut aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 février 2015, présenté pour la communauté d'agglomération de Lorient, qui n'a pas été communiqué ;


Vu II, sous le n° 13NT02583, la requête, enregistrée le 9 septembre 2013, présentée pour l'association " Sauvons le Péristyle " dont le siège est 36 rue Dupuy de Lome à Lorient (56100) par Me Morin, avocat au barreau de Lorient ; l'association " Sauvons le Péristyle " demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement no 1002397 du 11 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de la délibération du 11 décembre 2009 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération) adoptant l'avenant n° 1 au marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le groupement de Giacinto le 19 janvier 2006 pour la construction l'hôtel de la communauté d'agglomération et portant sa rémunération à 2 798 679,79 euros ;

2°) d'annuler l'article 2 de cette délibération ;

elle soutient que :

- l'économie de l'opération ayant été modifiée de manière substantielle, l'avenant méconnaît l'article 20 du code des marchés publics ;

- les explications données par la communauté d'agglomération quant à la prise en compte du coût du parvis (1 194 000 euros) sont contradictoires ; la délibération du 11 décembre 2009 indique que le parvis était inclus dans le projet initial mais que son coût n'avait pas été chiffré par le maître d'oeuvre ; ainsi, l'offre du maître d'oeuvre était faussée à hauteur de 1 194 000 euros soit 9,66 % du coût global du programme ; cet oubli, qui aurait dû être relevé par le maître d'ouvrage, ne constitue pas une sujétion imprévue ;

- l'affirmation selon laquelle le parvis était inclus dans le projet initial est contredite par la délibération du 18 septembre 2009 mentionnant que la réalisation d'un grand parvis et d'un grand escalier, prolongement naturel du parvis, est inscrite parmi les évolutions du programme ; dans cette hypothèse, les 1 194 000 euros du coût du parvis constituent une modification du programme imputable au maitre de l'ouvrage et non une sujétion technique imprévue ;

- la norme RT 2005, qui s'applique aux bâtiments construits à compter de 2007, avait fait l'objet d'une directive européenne en janvier 2003 qui aurait dû être transposée en droit français avant le 4 janvier 2006 ; elle était donc prévisible au moment du dépôt de l'avant projet sommaire en mars 2006 ;

- le coût des économies d'énergie imposées par la loi du 3 août 2009, estimé à 3 031 000 euros, est surévalué ;

- certaines des modifications envisagées ne sont pas imposés par les nouvelles normes et ne constituent pas des sujétions techniques ; elles modifient de façon substantielle l'économie du projet, le bâtiment uniquement administratif en 2004 étant devenu en outre en 2009 un immeuble de loisirs ouvert au public entraînant son classement en établissement recevant du public ;

- l'analyse comparative du projet initial et amendé, qui n'est ni signée ni datée, faite par la communauté d'agglomération n'a aucune valeur probante ;
- la doctrine administrative exprimée par la commission centrale des marchés en 1989 et par une lettre n° 144M du 31 octobre 1972 qui s'applique aux marchés de maîtrise d'oeuvre, impose un nouvel appel d'offre en cas de bouleversement de l'économie du marché ; la lettre en fixe la limite à une augmentation du prix du marché de plus de 15 % ; en l'espèce, l'augmentation est de l'ordre de 60 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, présenté pour la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération) par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Valadou-Josselin et Associés ; la communauté d'agglomération de Lorient demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'association " Sauvons le Péristyle " la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :
- l'association " Sauvons le Péristyle " ne justifiant pas de l'habilitation de son président à la représenter en justice ou de sa représentation par une personne désignée par l'assemblée générale ;

- l'association ne formule aucun moyen dirigé contre le jugement mais se borne à reprendre, quasiment à l'identique, les moyens qu'elle a exposés devant les premiers juges ;

- la délibération contestée ne comporte aucun vice ; le parti architectural général, l'organisation générale du futur bâtiment et ses superficies ne se trouvent remis en cause par l'avenant contesté ;

- les marchés de maîtrise d'oeuvre sont passés à prix provisoire en vertu de l'article 19 - III du code des marchés publics ; le marché ayant été conclu avant le stade de l'avant projet détaillé (APD), ni l'évolution du coût des travaux, ni l'augmentation de la rémunération du maître d'oeuvre qui peut en résulter ne peuvent constituer un bouleversement de l'économie du marché ;

- la communauté d'agglomération ainsi que son cocontractant ont été confrontés à des contraintes extérieures qui les ont conduits à différer l'exécution du marché eu égard à la procédure de la ZAC et à la nécessité de prendre en compte des exigences nouvelles en matière d'environnement et de sécurité ;

- la partie des adaptations du programme décidées de sa propre initiative ne représente qu'une augmentation de 10,3 % du coût initial actualisé de 14 478 000 euros ;

- le raisonnement de l'association tend à confondre le régime du contrat de maîtrise d'oeuvre et celui des marchés de travaux ; l'article 30 III du décret du 29 novembre 1993 pris pour l'application de la loi MOP, qui ne déroge pas au droit commun des contrats publics, n'apporte pas de restriction à la faculté de passer un avenant au marché de maîtrise d'oeuvre, dès lors qu'il s'agit du même ouvrage, dont les modifications du programme résultent de la décision du maître d'ouvrage ;
- l'allongement du processus de lancement des travaux, auquel le maître de l'ouvrage a été étranger, ne pouvait que conduire à ce que la communauté d'agglomération soit tenue d'adapter la mission et la rémunération du maître d'oeuvre ; or il est admis que l'allongement de la durée d'une opération peut être la source de sujétions et de modifications de programme par le maître de l'ouvrage qui implique une réévaluation de la rémunération du maître d'oeuvre par un avenant conclu en vertu de l'article 30 III du décret du 29 novembre 1993 ;

- l'avenant adopté par la délibération dont l'association conteste la légalité a eu pour objet de prendre en compte des évolutions du programme indissociables de l'économie générale du marché de maîtrise d'oeuvre ;

- il n'y a pas même lieu de rechercher si les prestations complémentaires en cause étaient des sujétions techniques imprévues au sens de l'article 20 du code des marchés publics ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 février 2015, présenté pour l'association " Sauvons le Péristyle ", qui n'a pas été communiqué ;


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2015 :

- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me L...représentant la communauté d'agglomération du pays de Lorient ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 mars 2015, présentée pour la communauté d'agglomération du pays de Lorient ;

1. Considérant que les requêtes nos 13NT02498 et 13NT02583 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, par une délibération du 23 mai 2003, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération) a décidé d'implanter l'hôtel de la communauté d'agglomération sur le site du Péristyle à Lorient ; que, par une délibération du 14 mai 2004, elle a fixé le programme des travaux, arrêté l'enveloppe prévisionnelle des travaux à 14 130 000 euros hors taxes (HT) et lancé la procédure de concours du marché de maîtrise d'oeuvre ; que, par une délibération du 9 décembre 2005, le conseil communautaire a décidé d'attribuer le marché de maîtrise d'oeuvre au groupement Jean de Giacinto (architecte mandataire) - Scape Architecture - Ducan Lewis - Hubert Péricaud - Viam Acoustique et a fixé le montant provisoire de la rémunération du groupement, toutes tranches confondues, à un montant de 1 740 397,90 euros HT ; que, par une délibération du 11 décembre 2009, le conseil communautaire de Lorient Agglomération a, par son article 1er, fixé l'enveloppe affectée aux travaux à 21 210 000 euros HT et, par son article 2, approuvé l'avenant n° 1 au marché de maîtrise d'oeuvre portant son montant à 2 798 679,79 euros HT ; que par des requêtes enregistrées respectivement sous les n° 13NT02498 et n° 13NT02583, MM. E..., H..., J...et A...B..., d'une part, et l'association " Sauvons le Péristyle ", d'autre part, relèvent appel du jugement n° 1001672 du 11 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'article 2 de cette délibération ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que MM. E..., H..., J...et A...B...soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le retard apporté au projet par le maître d'ouvrage ne résulte pas de la création de la zone d'aménagement concerté par la commune de Lorient ; que, toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont précisé que la répercussion sur la rémunération du maître d'oeuvre de l'actualisation des prix rendue nécessaire par le retard en cause ne pouvait, par nature, être regardée comme un bouleversement de l'économie du contrat de maîtrise d'oeuvre ; qu'ainsi, ils ont implicitement mais nécessairement écarté l'argument des requérants selon lequel le retard apporté au projet par le maître d'ouvrage ne résulte pas de la création de la zone d'aménagement concerté ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté ;
4. Considérant que si les requérants invoquent la dénaturation des faits en faisant valoir que les premiers juges ne pouvaient juger qu'une partie du surcoût était consécutif à l'évolution des normes techniques et sismiques et que le contrat n'avait pas changé d'objet, un tel moyen relève non pas de l'appel mais de la cassation ; qu'ainsi, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant que si, au soutien de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 11 décembre 2009, les requérants excipent de l'illégalité de la délibération du 15 avril 2005 par laquelle le conseil communautaire a " pris acte de " la décision du président de la communauté d'agglomération de désigner le cabinet de Giacinto comme lauréat du concours d'architecture, une telle illégalité, à la supposer établie, n'est pas susceptible de priver de base légale l'acte détachable de l'avenant que constitue l'article 2 de la délibération l'approuvant ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 18 du code des marchés publics : " Sous réserve des dispositions de l'article 19, un marché est conclu à prix définitif " ; qu'aux termes du III de l'article 19 du même code : " Pour la réalisation des ouvrages mentionnés à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée, les marchés de maîtrise d'oeuvre sont passés à prix provisoires conformément au décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé " ; qu'aux termes du I de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 susvisée : " (...) Le programme et l'enveloppe financière prévisionnelle, définis avant tout commencement des avant-projets, pourront toutefois être précisés par le maître de l'ouvrage avant tout commencement des études de projet. Lorsque le maître de l'ouvrage décide de réutiliser ou de réhabiliter un ouvrage existant, l'élaboration du programme et la détermination de l'enveloppe financière prévisionnelle peuvent se poursuivre pendant les études d'avant-projets. Il en est de même pour la réalisation d'ouvrages neufs complexes d'infrastructure et de bâtiment, sous réserve que le maître de l'ouvrage l'ait annoncé dès le lancement des consultations. Les conséquences de l'évolution du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle sont prises en compte par voie d'avenant (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de la même loi : " La mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux " ; qu'aux termes de l'article 29 du décret du 29 décembre 1993 susvisé : " Le contrat fixe la rémunération forfaitaire du maître d'oeuvre (...) / Dans le cas où le coût prévisionnel des travaux n'est pas encore connu au moment de la passation du contrat avec le maître d'oeuvre, le montant provisoire de la rémunération de ce dernier est basé sur la partie affectée aux travaux de l'enveloppe financière prévisionnelle fixée par le maître de l'ouvrage. / Son montant définitif est fixé conformément à l'article 30 ci-après " ; qu'enfin, aux termes du III de cet article 30 : " (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lors de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre, lorsque, en raison de la nature des travaux, le coût prévisionnel de ceux-ci n'est pas encore connu, la rémunération provisoire du maître d'oeuvre est fixée sur la base de l'enveloppe financière prévisionnelle arrêtée par le maître de l'ouvrage ; que la rémunération du maître d'oeuvre est ensuite fixée définitivement, sur la base du coût prévisionnel définitif des travaux, arrêté par voie d'avenant ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du code des marchés publics, la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence et qu'aux termes de l'article 20 de ce même code : " En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. / Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet. " ;

8. Considérant que les dispositions précitées de la loi du 12 juillet 1985 et du décret du 29 novembre 1993, qui, dans le cadre posé par l'article 19 du code des marchés publics, autorisent le maître d'oeuvre à modifier le programme des travaux ou des prestations pendant les études d'avant-projet, doivent se combiner avec celles de l'article 20 précité de ce code, qui interdisent au maître de l'ouvrage de conclure un avenant qui aurait pour effet de bouleverser l'économie du marché ou d'en changer l'objet ; qu'il ne résulte, en effet, d'aucune disposition du code des marchés publics ou de la loi du 12 juillet 1985 ainsi que du décret pris pour son application, que les avenants aux marchés de maîtrise d'oeuvre conclus à prix provisoires seraient soustraits à la règle générale fixée par l'article 20 de ce code, relevant du chapitre X relatif à l'ensemble des avenants, et ce nonobstant le caractère réglementaire de ces dispositions ;

9. Considérant que l'article 2 de la délibération contestée, qui approuve l'avenant n°1 au marché de maîtrise d'oeuvre conclu par Lorient Agglomération avec un groupement d'entreprises dont le mandataire est M. C... K..., porte le montant du marché initial qui s'établissait à 1 740 397,90 euros HT à 2 798 679,79 euros HT toutes tranches confondues ; que le montant de l'avenant se décompose en un forfait provisoire de rémunération de 1 841 014,50 euros HT, en des missions complémentaires s'élevant toutes tranches confondues à 648 659,29 euros HT, en des tranches conditionnelles 3 et 4 non affermies concernant le choix des équipements mobiliers et le traitement de la signalétique dont le coût s'élève à 112 000 euros HT, en une indemnité liée à l'ajournement de l'opération s'élevant à 30 000 euros et en la rémunération de prestations réalisées et déjà payées, à savoir l'esquisse et l'avant-projet sommaire, pour un montant de 167 006 euros HT ;
10. Considérant que l'augmentation de la rémunération du maître d'oeuvre par rapport à sa rémunération initiale est liée à l'augmentation de l'enveloppe financière affectée aux travaux fixée par le maître d'ouvrage qui l'a portée de 12 355 000 euros HT à 21 210 000 euros HT ; que Lorient agglomération fait valoir que l'augmentation de cette enveloppe s'explique, en premier lieu, par l'actualisation de l'enveloppe initiale par application de l'indice BT01 de mars 2005 à juillet 2009, en deuxième lieu, par l'intégration du coût de construction du parvis qui, bien que figurant dans le projet initial, n'avait pas été chiffré par le maître d'oeuvre, en troisième lieu, par l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de prendre en compte de nouvelles réglementations en matière d'énergie et de risques sismiques compte tenu de la date prévisible de dépôt de la demande de permis de construire et, en dernier lieu, par des modifications de l'immeuble projeté traduisant son souhait de faire évoluer ce dernier en l'ouvrant davantage au public ; qu'elle fait valoir que la prise en compte de ces réglementations et de ces modifications a également eu pour conséquence une augmentation du coût des missions complémentaires confiées au maître d'oeuvre et l'octroi de missions supplémentaires ;
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la construction de l'hôtel de la communauté d'agglomération s'est trouvée retardée du fait de la création, par la commune de Lorient, d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), dont le lancement a été décidé en mai 2005 mais dont la réalisation n'a été approuvée qu'en juin 2010, et dans le périmètre de laquelle se situe le projet ; que le retard pris dans la construction de l'immeuble en cause, qui ne pouvait être anticipé par la communauté d'agglomération, s'est traduit par une augmentation de 24 % de l'enveloppe financière initiale du maître d'ouvrage affectée aux travaux du fait de la seule évolution de l'indice BT01 de mars 2005 à juillet 2009 portant le coût actualisé de 12 355 000 euros HT à 14 478 000 euros HT ; qu'une telle augmentation, résultant de la seule évolution de l'indice BT01 ne saurait caractériser un bouleversement de l'économie du contrat ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que si le coût du parvis dont l'existence était prévue dans le projet initial n'a pas été chiffré, cette circonstance est sans influence sur le montant du marché de maîtrise d'oeuvre, dès lors qu'il résulte des termes mêmes de la délibération contestée que le coût du parvis n'a pas été pris en compte pour le calcul de la rémunération du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

13. Considérant, en troisième lieu, que Lorient Agglomération a pris en compte la nouvelle cartographie du risque sismique pour la Bretagne, qui figure désormais en zone sismique à risque faible et non plus nul et a anticipé l'application du code européen de construction parasismique dit Eurocode 8 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'au moment de la définition des besoins par le maître d'ouvrage, le nouveau zonage sismique pour la Bretagne et l'application des normes de construction plus contraignantes en résultant étaient prévisibles ; que, par suite, l'anticipation par le maître de l'ouvrage de la nouvelle réglementation en matière parasismique applicable aux bâtiments publics, s'est inscrite dans le cadre de l'évolution du programme, impliquant des prestations indispensables et indissociables du marché initial au moment du dépôt du dossier de permis de construire afin que soient respectées les règles de l'art ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que la communauté d'agglomération a entendu prendre en compte les objectifs fixés par l'article 4 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 prévoyant que les bâtiments publics dont les permis de construire seraient déposés à compter de la fin 2010 présentent une consommation d'énergie primaire inférieure à un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne ; que l'amélioration des performances énergétiques s'inscrit dans le cadre de l'évolution du programme, impliquant des prestations là encore indispensables et indissociables du marché initial ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ces obligations légales se traduisant par des contraintes supérieures à celles prévues dans la mission " haute qualité environnementale " (HQE) confiée en 2005 au maître d'oeuvre, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'amélioration des performances énergétiques figurait déjà dans la mission initiale du maître d'oeuvre et pouvait être anticipée dès 2005 au moment de la définition des besoins ; qu'enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le coût supplémentaire des travaux de 3 031 000 euros lié à la prise en compte des nouvelles normes énergétiques serait surévalué ;
15. Considérant, enfin, que par la délibération contestée, Lorient Agglomération a décidé d'ouvrir plus largement au public le bâtiment dont l'édification est projetée en créant une salle d'exposition, un auditorium, un bar-restaurant-brasserie, des belvédères ainsi qu'un hall d'accueil prolongé par une salle d'exposition ; que toutefois il ressort des pièces du dossier que ces adaptations à l'initiative du maître d'ouvrage représentent un coût de 1 493 000 euros HT soit une évolution de 10,31 % du montant actualisé du coût des travaux, ne modifient pas de manière substantielle les caractéristiques de l'ouvrage, dont la superficie reste inchangée, ni son parti architectural en dépit du classement du bâtiment en établissement recevant du public ;

16. Considérant que, dans ces conditions, eu égard aux caractéristiques du marché et de l'avenant en cause, ce dernier ne peut être regardé, sans même qu'il soit besoin de rechercher si certaines des prestations complémentaires dont il tenait compte revêtaient le caractère de sujétions techniques imprévues au sens de l'article 20 du code des marchés publics, comme ayant bouleversé l'économie du contrat ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'un nouveau marché dont la passation aurait dû être passé après mise en concurrence préalable doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération), qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à MM. E..., H..., J...et A...B...la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge, d'une part, de MM. E..., H..., J...et A...B...et, d'autre part, de l'association " Sauvons le Péristyle " une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :



Article 1er : Les requêtes de M. G... E..., M. D... H..., M. F... J...et M. C... A...B...et de l'association " Sauvons le Péristyle " sont rejetées.
Article 2 : M. G... E..., M. D... H..., M. F... J...et M. C... A... B... verseront une somme globale de 1 500 euros à la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'association " Sauvons le Péristyle " versera une somme de 1 500 euros à la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à M. D... H..., à M. F... J...et à M. C... A... B..., à l'association " Sauvons le Péristyle " et à la communauté d'agglomération de Lorient (Lorient Agglomération).
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2015, où siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,
- M. I..., faisant fonction de premier conseiller,
- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mars 2015.
Le rapporteur,
N. TIGER-WINTERHALTERLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 13NT02498, 13NT025832



Source : DILA, 13/04/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 24/03/2015