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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 17/02/2015, 13NT02861, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme AUBERT

Rapporteur : M. Paul AUGER

Commissaire du gouvernement : M. GAUTHIER

Avocat : SELARL CADRAJURIS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2013, présentée pour M. F... D..., demeurant..., par Me A... ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 22 décembre 2011 portant exclusion temporaire pour une durée de trois mois et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 29 février 2012 retirant l'arrêté du 22 décembre 2011 et de son arrêté du 1er février 2012 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois assortie d'un sursis d'un mois ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique et d'une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie ;

il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier le tribunal ayant estimé qu'il pouvait faire l'objet d'une sanction disciplinaire en position de congé de maladie alors que le moyen soulevé était celui tiré de l'application d'une sanction avant le terme d'un congé de maladie ; les premiers juges ont omis de statuer sur ce moyen ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 29 février 2012 était suffisamment motivée en fait alors qu'elle se borne à indiquer que l'insuffisance professionnelle est établie depuis de nombreuses années sans mentionner des dates précises et sans spécifier les manquements reprochés notamment en ce qui concerne les propos désobligeants ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas suffisamment établie ; depuis l'année 2009, l'administration ne fait plus état de propos vexatoires tenus à l'encontre des élèves, lesquels ne ressortent pas des rapports d'inspection diligentés en 2010 et 2011 ;

- le tribunal a commis une erreur dans la qualification juridique des faits, les faits reprochés relevant de l'insuffisance professionnelle et non de la faute disciplinaire, en l'absence d'élément intentionnel ; il a tenté de progresser et a fait preuve de bonne volonté pour atteindre les objectifs assignés ;

- compte tenu de sa durée et du fait qu'il a pu être écarté du service sur la base des deux précédentes sanctions prononcées et retirées, la sanction contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et apparait disproportionnée ;

- les premiers juges ont également commis une erreur de droit en estimant que l'administration pouvait appliquer une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant un congé maladie, ce qui revient à créer une nouvelle forme de sanction pécuniaire ; une réponse ministérielle n° 21086 du 19 décembre 2005 précise que les sanctions disciplinaires doivent être exécutées postérieurement à l'expiration du congé de maladie ;

- il a été privé de rémunération du 1er janvier au 29 février 2012 alors qu'il était en congé de maladie puis à compter du 29 février 2012 en application de la décision contestée ;

- le conseil de discipline n'ayant pas proposé de sanction, il appartenait à l'autorité administrative de l'informer des motifs l'ayant conduite à ne pas suivre cet avis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation pourra être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

- l'absence d'information donnée au conseil de discipline dont l'avis n'a pas été suivi est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

- la manière de servir du requérant s'est dégradée quelques années après sa titularisation ; la matérialité des faits reprochés est suffisamment établie, les appréciations positives produites par le requérant étant anciennes ; l'ensemble des pièces démontre, au contraire, le caractère récurrent de ses insuffisances tenant à une négligence professionnelle, un comportement fautif et l'absence de respect des obligations de service définies par une circulaire n° 97-123 du 23 mai 1997 relative aux missions des professeurs et par un arrêté du 12 mai 2010 ;

- l'absence de conscience professionnelle du requérant et sa désinvolture ressortent des trois rapports d'inspection dont il a fait l'objet le 26 mars 2009, le 29 janvier 2010 et le 25 janvier 2011 ; l'autorité administrative a correctement qualifié les faits reprochés au requérant en retenant l'existence d'une faute disciplinaire ;

- il n'a pas commis d'erreur de droit en prononçant la sanction contestée pendant le congé maladie de M. D... ; la sanction a pris effet le 29 février 2012, postérieurement aux périodes mentionnés dans les avis d'arrêt de travail produits par le requérant ;

- la sanction prise n'apparait pas disproportionnée alors même que le juge administratif exerce désormais un contrôle normal ; le seul fait d'avoir eu un comportement inadapté à l'égard des élèves et de leurs parents justifie une exclusion temporaire de trois mois dont un mois avec sursis ;

Vu l'ordonnance du 27 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 12 décembre 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2014, présenté pour M. D..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

il ajoute que :

- il a été en position de congé de maladie du 4 novembre 2011 au 5 juillet 2012 ;

- la notification d'une sanction pendant un congé de maladie constitue une erreur de droit ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2015, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, non communiqué ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour M. D... ;

1. Considérant que M. D..., professeur certifié de mathématiques, affecté au collège Talence à Nantes depuis le 1er septembre 2010 a fait l'objet d'un arrêté du 22 décembre 2011 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois ; que, par un arrêté du 1er février 2012, le ministre a substitué à cette sanction celle d'exclusion temporaire de trois mois assortie d'un sursis d'un mois ; que, par ordonnance du 9 février 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de ces décisions ; que, par un nouvel arrêté pris le 29 février 2012, le ministre a retiré les décisions ainsi suspendues et a prononcé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois mois assortie d'un sursis d'un mois ; que M. D... relève appel du jugement du 30 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 22 décembre 2011 et du 1er février 2012 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que l'arrêté du 29 février 2012 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont un mois avec sursis est suffisamment motivé en fait alors même qu'il ne précise pas les dates auxquelles les nombreux manquements reprochés à M. D... se sont produits et la teneur des propos désobligeants sur lesquels la sanction est notamment fondée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " (...) Dans l'hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune de ces propositions. Son président informe alors de cette situation l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l'ont conduite à prononcer celle-ci. " ; que la circonstance que le ministre de l'éducation nationale n'a pas informé la commission administrative compétente réunie en formation disciplinaire des motifs de sa décision d'infliger au requérant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois dont un mois avec sursis alors que ce conseil de discipline n'avait proposé aucune sanction est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;

4. Considérant que la décision contestée est fondée sur le constat que depuis plusieurs années M. D... ne prépare pas suffisamment ses cours, n'évalue pas assez régulièrement ses élèves, ne remplit pas correctement le cahier de texte de ses classes, ne respecte pas les horaires et les échéances qui lui sont fixées et qu'il tient des propos désobligeants notamment à l'égard des élèves ; que si le non respect par le requérant de ses horaires de travail et de ses échéances et son comportement à l'égard de ses élèves et de leurs parents sont susceptibles d'être sanctionnés, les autres griefs formulés à son encontre relèvent de l'insuffisance professionnelle ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'existence et la teneur des propos qu'il lui est reproché d'avoir tenus sont établis par les pièces du dossier, notamment par des courriers qui lui ont été adressés par sa hiérarchie le 7 juin 2007 et le 30 juin 2009, par un courrier du proviseur du lycée Jean Perrin au recteur de l'académie de Nantes du 11 juin 2009 et par le rapport d'inspection du 26 mars 2009 ; que la teneur des propos ainsi relatés est corroborée par des courriers émanant d'élèves, de parents d'élèves et d'une association de parents d'élèves ; que la matérialité des faits sur lesquels la sanction contestée pouvait être légalement prise est ainsi établie ;
5. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... tient depuis plusieurs années des propos désobligeants, tant à l'égard des élèves que de leurs parents et qui peuvent revêtir un caractère discriminatoire ou vexatoire ; qu'en dépit des mises en garde qui lui ont été adressées à plusieurs reprises, il n'a pas modifié son comportement ; qu'en outre, il ne respecte pas ses horaires de travail et les échéances qui lui sont assignées, manquant ainsi à son obligation de respecter l'organisation générale du travail et les consignes données par sa hiérarchie ; que compte tenu des fonctions d'enseignant exercées par M. D... et de ses responsabilités auprès des élèves, et alors même que les autres manquements mentionnés dans la décision relèveraient d'une insuffisance professionnelle et non d'un comportement fautif, le ministre de l'éducation nationale n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois dont un mois avec sursis ;

6. Considérant que la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie d'un fonctionnaire sont distinctes et indépendantes, de sorte que l'inaptitude temporaire et médicalement constatée d'un fonctionnaire à l'exercice de ses fonctions ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire ; que, cependant, la sanction disciplinaire dont il fait l'objet ne peut avoir de conséquences sur sa situation de bénéficiaire d'un congé de maladie aussi longtemps que la condition d'inaptitude physique est remplie et ne peut dès lors être légalement exécutée que postérieurement à l'expiration du congé de maladie dont l'agent bénéficie ;

7. Considérant que la circonstance que la sanction a été édictée et notifiée pendant un congé de maladie dont le requérant bénéficiait est sans incidence sur sa légalité ;

8. Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 29 février 2012 fixe à la date de sa notification le point de départ de la sanction qu'il prononce ; que M. D... a été avisé de son envoi en courrier recommandé par un avis de passage déposé à son domicile le 3 mars 2012 ; qu'il établit par les pièces produites en appel avoir été placé en position de congé de maladie du 4 novembre 2011 au 2 mars 2012 par un arrêté du recteur de l'académie de Nantes du 3 mars 2012, et que ce congé de maladie a été renouvelé par son médecin traitant du 27 février au 5 juillet 2012 ; qu'il suit de là que la sanction a pris effet avant la fin du congé de maladie dont le requérant a bénéficié ; qu'elle est, dans cette mesure, entachée d'illégalité ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrégularité dont le jugement serait entaché en raison de l'omission à statuer sur le moyen portant sur la date d'effet de la mesure d'exclusion temporaire de fonctions, que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2012 en tant qu'il fixe le point de départ de la sanction prononcée à la date de sa notification ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n' y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... des sommes qu'il demande au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ; que le droit de plaidoirie n'étant pas au nombre des dépens limitativement énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions du requérant tendant à ce qu'une somme de 13 euros soit mise à ce titre à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées ;



DÉCIDE :


Article 1er : L'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative du 29 février 2012 est annulé en tant qu'il a fixé la date d'effet de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions à la date de sa notification.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juillet 2013 est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Délibéré après l'audience du 26 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,
- M. E..., faisant fonction de premier conseiller,
- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 février 2015.

Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
S. AUBERT
Le greffier,





M. C...

La République mande et ordonne au ministre l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT02861



Abstrats

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.
36-09-05 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Procédure.

Source : DILA, 26/02/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 17/02/2015