Base de données juridiques

Effectuer une recherche

CAA de NANCY, 4ème chambre - formation à 3, 08/12/2015, 14NC00646, Inédit au recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

Président : M. MARINO

Rapporteur : Mme Julie KOHLER

Commissaire du gouvernement : M. LAUBRIAT

Avocat : DUFOUR


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société provençale d'électronique et de câblage (SPEC) a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la résiliation du marché public de fourniture et installation de girouettes à leds sur les bus urbains du réseau de transport Ginko conclu entre la communauté d'agglomération du Grand Besançon (CAGB) et la société Seipra et de condamner la CAGB à lui verser la somme de 134 336 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière, assortie des intérêts, sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1201264 du 30 janvier 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.




Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 mars 2014, 21 septembre 2015 et 27 octobre 2015, la société SPEC, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2014 ;

2°) de prononcer la résiliation du marché litigieux ;

3°) de condamner la CAGB à lui verser, à titre principal, la somme de 134 336 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché en litige ou, à titre subsidiaire, la somme de 30 000 euros au titre des frais de présentation de son offre, sommes à assortir des intérêts de retard en prononçant une astreinte de cinq cents euros par jour à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la CAGB le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la CAGB n'a pas transmis de méthodologie d'appréciation du sous-critère MTBF alors que plusieurs méthodes sont possibles ;
- la CAGB a ainsi insuffisamment précisé les critères d'analyse des offres ;
- la négociation ne s'est pas déroulée dans des conditions identiques pour tous les candidats dès lors que chacun est venu présenter son produit avec sa propre source d'alimentation, ce qui peut fausser la perception de la luminosité ;
- la CAGB n'a pas non plus précisé l'unité de mesure de la puissance lumineuse ;
- la société requérante a obtenu la même note qu'une autre société évincée sur le critère de la consommation électrique alors que ses produits étaient plus performants, ce qui démontre que la CAGB n'a pas apprécié ses produits à leur juste valeur ;
- elle avait des chances sérieuses de remporter le marché et peut donc prétendre à l'indemnisation de son manque à gagner ;
- elle peut à tout le moins prétendre au remboursement des frais de présentation de son offre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 décembre 2014 et 15 octobre 2015, la CAGB, représentée par la SCP Sartorio Lonqueue Sagalovitsch et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SPEC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la société SPEC,
- et les observations de MeA..., représentant la communauté d'agglomération du Grand Besançon.


1. Considérant que la communauté d'agglomération du Grand Besançon (CAGB) a lancé, en janvier 2012, une procédure négociée avec mise en concurrence pour la passation d'un marché public de fourniture et installation de girouettes à leds sur les bus urbains du réseau de transport Ginko ; que le contrat a été attribué en juillet 2012 à la société Seipra score ; que la société SPEC dont l'offre a été rejetée, a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant, d'une part, à la résiliation du marché et, d'autre part, à la condamnation de la CAGB à l'indemniser du préjudice résultant de son éviction ; que la société SPEC relève appel du jugement du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
2. Considérant que tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant de demandes indemnitaires ; que le contrat en cause ayant été conclu avant le 4 avril 2014, le concurrent évincé peut invoquer tout moyen à l'appui de son recours en contestation de la validité du contrat ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics applicable à la procédure en litige en vertu de l'article 234 du même code : " I.-Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation " ; que ces dispositions imposent au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation ; que si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en oeuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ;
4. Considérant que le règlement de la consultation prévoit que les critères retenus pour le jugement des offres sont le prix pondéré à hauteur de 40% et la valeur technique pondérée à hauteur de 60% ; qu'il est également précisé que le critère " valeur technique " est apprécié en fonction des sous-critères tirés de la visibilité/lisibilité (20%), des plages de températures de fonctionnement (10%), de la consommation (10%), de la fiabilité des fournitures (10%) et de la garantie (10%) ;
5. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient qu'en se bornant à demander l'indication du " Meantime between failure " ou MTBF, relatif aux produits proposés par les candidats dans leur offre, sans préciser les modes de calculs attendus des candidats, la CAGB a méconnu les principes de transparence des procédures et d'égalité de traitement des candidats en ne permettant pas à l'entité adjudicatrice de comparer efficacement les offres ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la CAGB a précisément défini, dans le cahier des clauses techniques particulières, les conditions d'utilisation des produits demandés, en matière notamment de temps d'utilisation par jour et de conditions climatiques et a indiqué que les candidats devaient s'engager à ce que l'ensemble de l'équipement en girouettes par véhicule ne soit pas en panne plus souvent que tous les 4 ans ; qu'elle a ainsi donné toutes les informations nécessaires aux candidats pour procéder à l'estimation du MTBF des girouettes qu'ils proposaient, valeur à partir desquelles les offres pouvaient être comparées ; que, dans ces conditions, la seule circonstance que la CAGB n'a pas indiqué la méthode de calcul devant être suivie par tous les candidats n'est pas de nature à établir qu'elle a méconnu les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les candidats ont été invités à faire une démonstration de leurs produits ; que la société requérante soutient que la CAGB a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats dès lors que chaque candidat était chargé d'apporter son propre système d'alimentation dont le pouvoir adjudicateur n'a pas vérifié qu'il était conforme aux spécifications exigées ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors que cette démonstration a eu lieu au cours de la première réunion de négociation qui s'est tenue le même jour pour tous les candidats et alors que l'entité adjudicatrice avait précisé les conditions de puissance d'alimentation que chaque candidat devait respecter, que cette démonstration n'aurait pas eu lieu dans les mêmes conditions pour tous les candidats ;
7. Considérant, en troisième lieu, en ce qui concerne le sous-critère " visibilité ", que le règlement de la consultation précise que ce sous-critère concerne la perception de la girouette, le nombre de lignes et le nombre de leds par ligne, les pas verticaux et horizontaux entre les leds et les angles de vision horizontaux et verticaux ; qu'en outre les candidats ont été invités, à l'issue de la première réunion de négociation, à remplir un tableau décrivant les caractéristiques des produits proposés ; que ce tableau imposait aux candidats d'indiquer la luminosité maximale de leurs produits en candela par m² ; que la société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que la CAGB n'a pas précisé suffisamment le sous-critère " visibilité " ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics ; que, toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ;
9. Considérant que le règlement de la consultation prévoyait que le critère " valeur technique " ferait l'objet d'une notation par le biais de coefficients multiplicateurs : 1 pour très satisfaisant, 0,7 pour satisfaisant, 0,5 pour moyennement satisfaisant et 0,1 pour insatisfaisant ; que la société requérante soutient que les écarts entre les valeurs proposées par les différents candidats pour les différents critères et sous-critères auraient dû se traduire par un écart identique entre les notes obtenues par chaque candidat ; qu'il résulte de l'instruction que si la CAGB a parfois attribué des notes identiques à des candidats ayant proposé des valeurs différentes, cette notation reflétait le niveau d'adéquation de ces offres aux besoins de l'entité adjudicatrice ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette méthode, qui n'est certes pas linéaire, a conduit la CAGB à ne pas attribuer la meilleure note à la meilleure offre pour chaque critère ou à ne pas choisir l'offre économiquement la plus avantageuse ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société SPEC n'est pas fondée à contester la validité du contrat ; que son éviction n'étant pas irrégulière, elle n'est pas fondée à demander à en être indemnisée ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SPEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CAGB, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société SPEC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société SPEC une somme de 1 500 euros à verser à la CAGB sur le fondement des mêmes dispositions ;




D É C I D E :


Article 1er : La requête de la SPEC est rejetée.

Article 2 : La société SPEC versera à la CAGB la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société provençale d'électronique et de câblage et à la communauté d'agglomération du grand Besançon.

''
''
''
''
5
N° 14NC00646



Source : DILA, 21/12/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 08/12/2015