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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 29/09/2015, 14NC01133, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. MARINO

Rapporteur : M. Alexis MICHEL

Commissaire du gouvernement : M. LAUBRIAT

Avocat : SELARL LE DISCORDE-DELEAU


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nouvelle Lorraine TP, aux droits de laquelle est venue la société SMTPF, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Montois-la-Montagne à lui verser la somme de 26 332,66 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de solde des travaux, la somme de 125 036,18 euros TTC au titre des surcoûts générés par la modification du tracé des réseaux secs dans l'emprise sous chaussée, la somme de 3 130,89 euros TTC au titre des surcoûts générés par les modifications des conditions d'exécution occasionnées par la présence d'un nombre important de réseaux dans l'emprise sous trottoirs et la somme de 4 440,88 euros TTC au titre des frais indivis supplémentaires d'installation de chantier.

Par un jugement n° 0906039 du 9 avril 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Montois-la-Montagne à verser à la société SMTPF la somme de 26 332,66 euros TTC, augmentée des taux d'intérêt contractuels à compter du 11 août 2009, d'une part, condamné la société SMTPF à verser à la commune de Montois-la-Montagne la somme de 71 030,10 euros hors taxe (HT) au titre des pénalités contractuelles, d'autre part, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin 2014 et 1er septembre 2015, la société SMTPF venant aux droits de la Société Nouvelle Lorraine TP, représentée par MeB..., demande, dans le dernier état de ses conclusions, à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 avril 2014 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Montois-la-Montagne la somme de 71 030,10 euros HT au titre des pénalités contractuelles et a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) à titre principal, d'annuler le marché du 25 mai 2007 et de condamner la commune de Montois-la-Montagne à lui verser sur le fondement de l'enrichissement sans cause la somme de 104 545,30 euros HT, soit 125 036,18 euros TTC, la somme de 2 617,80 euros HT, soit 3 130,89 euros TTC ainsi que la somme de 3 713,11 euros HT, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la prise de possession des ouvrages, soit le 17 mars 2008 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Montois-la-Montagne à lui verser sur le fondement du contrat la somme de 104 545,30 euros HT soit 125 036,18 euros TTC, la somme de 2 617,80 euros HT, soit 3 130,89 euros TTC, la somme 3 713,11 euros HT soit 4 440,88 euros TTC, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes du décompte, soit le 11 août 2009 ;

4°) de rejeter la demande de la commune de Montois-la-Montagne au titre des pénalités contractuelles ;

5°) de condamner la commune de Montois-la-Montagne aux dépens exposés en première instance et en appel ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Montois-la-Montagne le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

A titre principal, s'agissant de l'annulation du marché que :

- le maître de l'ouvrage a méconnu les dispositions de l'article 5 du code des marchés publics, ayant fourni aux candidats des renseignements imprécis, lacunaires et des documents inexacts ;
- le maître de l'ouvrage a méconnu les dispositions de l'article 41 du code des marchés publics ;
- en raison de ces manquements, qui ont faussé les conditions de la mise en concurrence, elle est bien fondée à demander l'annulation du marché, et, en conséquence de l'annulation du marché, à solliciter une indemnisation de l'ensemble des dépenses qu'elle a engagées sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
- en raison de l'annulation du marché, les pénalités contractuelles ne peuvent plus être réclamées ;

A titre subsidiaire, sur le fondement du contrat que :

- le maître de l'ouvrage a méconnu les dispositions des articles 5 et 41 du code des marchés publics pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ;
- le maître de l'ouvrage était tenu de l'obligation de dévoyer les réseaux pesant sur les concessionnaires ;
- les difficultés survenues au cours de l'exécution du chantier résultent des fautes précitées commises par le maître de l'ouvrage et ces difficultés sont de nature à bouleverser l'économie du marché ;
- en l'absence d'indemnisation au titre des difficultés survenues au cours de l'exécution du marché, elle est bien fondée à réclamer une indemnisation au titre des travaux supplémentaires ;
- les pénalités de retard dans la levée des réserves ne sont pas justifiées dès lors que ces retards ne sont pas imputables à la société, qui devait intervenir sur la propriété d'un particulier et que les réserves devaient être levées au plus tard le 17 décembre 2009 et non le 25 mai 2009 ;
- les pénalités de retard dans la fourniture du dossier des ouvrages exécutés (DOE) ne sont pas justifiées dès lors qu'elle a fourni les plans de récolement le 29 janvier 2008 et que la commune n'apporte pas la preuve que le DOE n'aurait été remis que le 22 avril 2009 ;
- le montant des pénalités de retard étant manifestement excessif, il convient que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation en le limitant à 10 % du montant total du marché.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 juillet 2015 et le 11 août 2015, la commune de Montois-la-Montagne, représentée par Me A...de la SCP Racine Strasbourg-Cabinet d'avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 avril 2014 en tant qu'il a limité à la somme de 71 030,10 euros le montant des pénalités de retard allouées et de condamner la société SMTPF à lui verser la somme de 105 728,31 euros au titre de ces pénalités, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2010 ;

3°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner la société Bea Ingénierie à la garantir de toute condamnation, intérêts et frais ;

4°) de mettre à la charge de la société SMTPF la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions présentées par la société requérante tendant à la nullité et à l'annulation du marché, présentées pour la première fois en appel, sont des demandes nouvelles, irrecevables ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requérante à l'appui des conclusions précitées ne sont pas fondés ;
- à titre infiniment subsidiaire, elle est fondée à solliciter la condamnation de la société Bea Ingénierie à la garantir de toute condamnation ;
- les demandes d'indemnisation de la société requérante sur le fondement du marché sont nouvelles et, par suite, irrecevables dès lors que la société réclame pour la première fois en appel une indemnité en raison des " difficultés rencontrées dans l'exécution du marché " alors que sa demande de première instance se fondait sur une indemnisation au titre des travaux supplémentaires ;
- la demande de première instance est irrecevable en raison du non-respect par la société de la procédure de contestation de l'établissement des comptes ;
- les moyens ne sont pas fondés ;
- elle peut prétendre au titre des pénalités de retard à la somme de 105 728,31 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2015 et le 27 août 2015, la société Bea Ingénierie, représentée par Me C...de la SCP C...et Ohlmann, conclut au rejet de la requête de la société SMTPF, de l'appel en garantie présenté par la commune de Montois-la-Montagne et à ce que la requérante et toute partie qu'il appartiendra soit condamnée aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- aucun des moyens de la société requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour la société SMTPF, de Me D...pour la commune de Montois-la-Montagne et de Me F...pour la société Bea Ingénierie.

1. Considérant que par un marché à prix global forfaitaire conclu le 25 mai 2007, la commune de Montois-la-Montagne a confié le lot n°2 " enfouissement de réseaux " des travaux d'aménagement de la rue De Gaulle au groupement constitué entre la société nouvelle Lorraine TP et la société Forclum, avec pour mandataire la société Lorraine TP ; que la société SMTPF, venant aux droits de la société Lorraine TP, relève appel du jugement du 9 avril 2014 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Montois-La-Montagne la somme de 71 030,10 euros HT au titre des pénalités contractuelles et a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Montois-la-Montagne soit condamnée à lui verser la somme de 125 036,18 euros TTC au titre des surcoûts générés par la modification du tracé des réseaux secs dans l'emprise sous chaussée, la somme de 3 130,89 euros TTC au titre des surcoûts générés par les modifications des conditions d'exécution et la somme de 4 440,88 euros TTC au titre des frais indivis supplémentaires d'installation de chantier ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Montois-la-Montagne relève appel du même jugement en tant qu'il a limité la condamnation de la société SMTPF à lui verser la somme de 71 030,10 euros HT au titre des pénalités de retard, et subsidiairement, par la voie de l'appel provoqué dirigé contre le maître d'oeuvre, demande que celui-ci le garantisse intégralement des sommes éventuelles mises à sa charge ;

Sur la recevabilité :

2. Considérant, en premier lieu, que les conclusions de la requête de la société SMTPF tendant à l'annulation du marché, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables ;

3. Considérant, en second lieu, que les conclusions de la requête de la société SMPTF tendant à l'indemnisation au titre des difficultés matérielles rencontrées dans l'exécution du marché reposent sur la même cause juridique que la demande présentée en première instance au titre des travaux supplémentaires et, sont, par suite, recevables ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seule la fin de non recevoir opposée par la commune de Montois-la-Montagne aux conclusions à fin d'annulation du marché doit être accueillie ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. Considérant que la commune de Montois-La-Montagne soutient que la demande de première instance présentée par la société SMTPF venant aux droits de la Société Nouvelle Lorraine TP était irrecevable dès lors que la société SMTPF a saisi les premiers juges sans lui avoir au préalable transmis un mémoire en réclamation en application des stipulations de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

6. Considérant que l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux dispose : " 50-22 - Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. / 50-23 - La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage (...) " ; que l'article 50.31 du même cahier dispose : " Si, dans un délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif territorialement compétent " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que la personne responsable du marché dispose d'un délai de trois mois pour répondre à la réclamation de l'entrepreneur ; que cependant, la présentation d'une demande au tribunal administratif avant l'expiration du délai de trois mois n'a pas pour effet de rendre la demande irrecevable, lorsqu'une décision de rejet, née le cas échéant de la prolongation du silence de la personne responsable du marché, fait obstacle au jour du jugement à ce qu'une fin de non-recevoir tirée du caractère prématuré de cette demande soit opposée au requérant ; que dans l'hypothèse où un décompte général est notifié à l'entreprise avant l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article 50.31 du cahier des clauses administratives générales, l'intervention de ce décompte général rend sans objet la saisine du tribunal administratif ; que dans l'hypothèse où la personne responsable du marché entend notifier un décompte général après l'expiration du délai susmentionné, ce document ne peut être regardé comme un décompte général au sens des dispositions du cahier des clauses administratives générales en sorte que le litige conserve son objet et qu'il y a lieu pour le juge de le trancher ;

7. Considérant que la société requérante a adressé au maître d'oeuvre son projet de décompte final le 9 juin 2009, accompagné d'une demande complémentaire relative à des travaux supplémentaires et à l'incidence financière de divers évènements ayant retardé ou compliqué l'exécution du chantier ; que, par courrier du 2 septembre 2009, la société a adressé au maître d'oeuvre un mémoire complémentaire en réclamation tendant à l'établissement du décompte général, qu'elle a également adressé à la commune, valant mise en demeure d'établir un décompte général au sens des dispositions précitées de l'article 50.31 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ; que le maître de l'ouvrage a notifié un décompte général à la société le 29 décembre 2009, soit après l'expiration du délai de trois mois prévu par ces mêmes dispositions ; qu'ainsi ce document ne peut être regardé comme un décompte général ; qu'en raison du silence gardé sur la réclamation de la société, une décision implicite de rejet est née le 2 décembre 2009 en application des dispositions précitées du paragraphe 50.31 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ; que, par suite, la demande de la société requérante, enregistrée le 24 décembre 2009 au tribunal administratif, qui n'était pas prématurée, était recevable ; que, par conséquent, la fin de non recevoir opposée par la commune de Montois-la-Montagne doit être rejetée ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

S'agissant des difficultés matérielles rencontrées dans l'exécution du contrat :

8. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique ;

Quant à la faute de la personne publique :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 5 du code des marchés publics : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminés avec précision (...) " ; qu'aux termes l'article 1.9 du cahier des clauses techniques particulières du marché : " L'entrepreneur devra prendre connaissance de l'ensemble du dossier de consultation, pièces administratives, techniques, graphiques et annexes, et s'assurer que sa proposition est complète et cohérente avec les pièces techniques et graphiques des corps d'état ayant des interférences avec le présent marché. Il signalera au maître d'oeuvre, dans une note annexe à son offre, les anomalies qu'il pourrait déceler. Il a obligation avant la remise de son offre d'avoir pris connaissance des lieux par une visite approfondie du site et de ses abords afin de juger de l'importance de son offre. Aucune réclamation au cours des travaux ne pourra être prise en considération pour des difficultés d'accès ou des sujétions due à la nature des terrains existants " ; qu'aux termes de l'article 2.1.1 de ce document contractuel : " L'entrepreneur a l'obligation de vérifier toutes les indications des documents du dossier de consultation (...) d'avoir pris tous renseignements utiles auprès ( ...) de l'ensemble des concessionnaires " ; qu'aux termes de l'article 2.2 du même document : " L'entreprise devra prévoir dans son offre toutes les études techniques pour la phase chantier, tous les travaux et façons indispensables à la bonne exécution des ouvrages, pour une livraison des installations, en complet et parfait état de marche, y compris toutes sujétions et tous frais " ; qu'aux termes de l'article 2.13.1 de ce document : " Dans le cadre de l'exécution de leur marché, les entrepreneurs devront implicitement : (...) - Les sondages nécessaires au repérage des canalisations et des câbles existants. (...) et tous autres frais et prestations même non énumérés ci-dessus mais nécessaires à la réalisation parfaite et complète des travaux. (...) - Les incidences consécutives aux fouilles en tranchées profondes vis-à-vis des autres réseaux existants (blindage, déviation, fixation, maintien et autres sujétions). (...) / De plus, les entrepreneurs sont réputés par le fait d'avoir remis leur offre : - S'être rendus sur les lieux où doivent être réalisés les travaux. - Avoir pris connaissance de la nature et de l'emplacement de ces lieux et des conditions générales et particulières qui y sont attachés. - Avoir pris note que l'indication de position et d'altitude du réseau d'assainissement n'est pas donnée avec certitude (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que la société avait une obligation contractuelle de se rendre sur les lieux avant le dépôt de son offre pour vérifier l'exactitude des relevés faits par le maître d'oeuvre et devait notamment s'assurer de la présence ou non de réseaux sous les trottoirs, de leur nombre ainsi que de leur emplacement ainsi que signaler au maître d'oeuvre les incohérences relevées lors de ces visites ; qu'en vertu de ces stipulations la société devait également prendre tous renseignements utiles auprès des concessionnaires ; qu'il résulte de l'instruction que la société disposait dès le stade de la consultation de l'ensemble des plans faisant apparaître les réseaux enterrés et indiquant l'emprise des réseaux souterrains ; que, par ailleurs, la société requérante ne justifie pas avoir réalisé des vérifications préalables ; qu'en outre, il résulte des stipulations de l'article 4.11.1 du cahier des clauses techniques particulières que les fouilles pouvaient être réalisées manuellement ; que, par suite, la société SMTPF n'est pas fondée à soutenir que les difficultés matérielles rencontrées dans l'exécution du contrat résultant de la qualité des sols et de la présence de nombreux réseaux dans le sous-sol du trottoir résulteraient d'une insuffisance dans la détermination des besoins par le maître de l'ouvrage en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du code des marchés publics ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 41 du code des marchés publics : " Les documents de la consultation sont constitués de l'ensemble des documents et informations préparées par le pouvoir adjudicateur pour définir l'objet, les caractéristiques et les conditions d'exécution du marché " ; qu'il résulte de l'instruction que le maître de l'ouvrage a indiqué à la société requérante trente et une heures avant l'expiration du délai de remise des offres que le cahier des clauses administratives particulières du marché mentionnait par erreur un prix unitaire du marché alors que ce dernier était à prix global et forfaitaire ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les candidats devaient remplir pour le dépôt de leur offre le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire et que les stipulations de l'article 1-17 du cahier des clauses techniques particulières du marché remis à ces derniers indiquaient expressément que les ouvrages prévus au marché sont payés à prix global et forfaitaire ; que, compte tenu des mentions figurant dans ces deux derniers documents de la consultation, et alors que la société ne soutient ni avoir demandé des éclaircissements ni avoir sollicité un report du délai de remise des offres, l'information délivrée par la commune de Montois-la-Montagne ne saurait être regardée comme ayant empêché la société requérante de disposer du temps nécessaire à l'élaboration d'une offre à prix global et forfaitaire ; que, par suite, la société SMTPF n'est pas fondée à soutenir que les difficultés matérielles rencontrées dans l'exécution du contrat résulteraient d'une méconnaissance par la commune de Montois-la-Montagne des dispositions de l'article 41 du code des marchés publics ;

12. Considérant, enfin, qu'il résulte des stipulations précitées du cahier des clauses techniques particulières du marché que la société devait s'assurer de la présence ou non de réseaux sous les trottoirs, de leur nombre ainsi que de leur emplacement et prendre tous renseignements utiles auprès des concessionnaires ; que, par suite, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'aménagement de la rue De Gaulle était d'une importance telle qu'elle aurait justifié la déviation des réseaux par le concessionnaire et à ses frais des canalisations, la société n'est pas fondée à soutenir que la commune de Montois-la-Montagne aurait commis une faute en refusant de faire usage de ses prérogatives auprès du concessionnaire pour faciliter l'exécution des travaux et rendre les lieux d'exécution conformes à la description faite au dossier de la consultation des entreprises ;

Quant au bouleversement de l'économie du contrat :

13. Considérant que si la société SMTPF soutient que les difficultés matérielles ainsi rencontrées dans l'exécution du marché ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat dès lors que les surcoûts en résultant représentent 30 % du montant initial du marché HT, il ne résulte pas de l'instruction que ces difficultés présentent un caractère exceptionnel, imprévisible lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties ; que, par suite, la demande de la société SMTPF sur ce fondement ne peut qu'être rejetée ;

S'agissant des travaux supplémentaires :

14. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les prestations supplémentaires liées aux surcoûts générés pour réaliser l'enfouissement des réseaux dont la société SMTPF demande l'indemnisation aient été demandées par ordre de service ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé au point 10, la société n'établit pas avoir procédé aux vérifications préalables qui lui incombaient au titre des stipulations précitées du cahier des clauses techniques particulières du marché ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander un complément de prix pour les travaux supplémentaires non prévus au marché conclu à prix global et forfaitaire, qui ont été rendus nécessaires du fait de sa propre négligence, ni davantage, pour ce même motif, au titre des travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art ; qu'enfin, selon les stipulations de l'article 4.11.1 du cahier des clauses techniques particulières, les fouilles pouvaient être réalisées manuellement ; que, par suite, le contrat prévoyant cette modalité de fouille, elle ne peut être rémunérée comme une prestation supplémentaire ;

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

15. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le marché soit entaché d'une irrégularité tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; qu'il s'ensuit que le litige devant être réglé sur le fondement du contrat, les conclusions présentées par la société SMTPF sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne peuvent qu'être rejetées ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SMTPF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Montois-la-Montagne à lui verser sur le fondement du contrat la somme globale de 132 607,95 euros TTC ;

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne les pénalités de retard dans la levée des réserves :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44 " ; qu'aux termes de l'article 44 du même document : " 4.1. Délai de garantie : Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d'entretien ou des terrassements " ; qu'aux termes de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Pénalités pour retard dans la levée des réserves émises à la réception / Par jour calendaire et jusqu'à leur achèvement (...) : 1/1000 ème du montant initial HT du marché modifié éventuellement par les avenants " ;

18. Considérant, en premier lieu, que si la société SMTPF soutient que les retards dans la levée des réserves ne lui sont pas imputables dès lors qu'ils résultent d'un accord qu'elle a conclu avec un particulier pour fixer au mois d'avril 2009 la date à laquelle elle devait intervenir sur sa propriété pour réaliser des travaux de reprise, elle ne saurait toutefois valablement opposer au maître de l'ouvrage un tel accord pour s'exonérer de ses engagements au titre du marché ;

19. Considérant, en second lieu, que selon les stipulations précitées des articles 41.6 et 44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, les réserves devaient être levées trois mois avant l'expiration du délai de garantie, délai qui était en l'espèce d'un an à compter de la date d'effet de la réception ; que la réception du chantier a été prononcée au 17 mars 2008 avec l'énoncé de réserves qui devaient ainsi être levées le 17 janvier 2009 ; qu'il résulte de l'instruction que ces réserves ont été levées le 25 mai 2009, ainsi qu'il ressort de la lettre du même jour de la société au maître d'oeuvre ; que, dès lors, le retard dans la levée des réserves s'élève à 102 jours et non à 430 jours, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ; que, par suite, il y a lieu de ramener le montant des pénalités accordées par les premiers juges à la commune de Montois-la-Montagne à la somme de 36 720, 55 euros HT ;

En ce qui concerne les pénalités dues au titre du retard dans la remise du dossier des ouvrages exécutés :

20. Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 9.4 et 4.4 du cahier des clauses administratives particulières, le dossier des ouvrages exécutés doit être remis au maître d'ouvrage quinze jours après la réception des travaux et, en cas de retard de remise du dossier, une pénalité de 80 euros est prévue par jour de retard ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que la réception des travaux a eu lieu le 17 mars 2008 ; que, d'autre part, la société requérante ne produit pas d'éléments de nature à infirmer que le dossier des ouvrages exécutés a été remis au maître d'ouvrage le 22 avril 2009, ainsi qu'il ressort du décompte des pénalités de retard annexé au décompte notifié par la commune le 29 décembre 2009 ; qu'en application des stipulations susmentionnées, la commune de Montois-la-Montagne est ainsi, pour les 385 jours de retard correspondants, en droit de réclamer à la société SMTPF la somme de 30 800 euros HT ;

En ce qui concerne la modulation des pénalités de retard :

21. Considérant qu'il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant excessif ou dérisoire au regard du montant du marché ; qu'il résulte de l'instruction que le montant global du marché est de 360 005,47 euros HT ; qu'il résulte des points 19 et 20 que l'ensemble des pénalités de retard s'élève à 67 520, 55 euros HT, soit 18,7% du montant du marché ; que ce montant n'est pas manifestement excessif ; que, par suite, il n'y a pas lieu de modérer les pénalités convenues entre les parties ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Montois-la-Montagne n'est pas fondée à demander la condamnation de la société SMTPF à lui verser la somme de 105 728,31 euros au titre des pénalités de retard, et, d'autre part, que la société SMTPF est seulement fondée à demander que la condamnation prononcée à son encontre au titre des pénalités de retard soit ramenée à la somme de 67 520, 55 euros HT ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de la commune de Montois-la-Montagne :

23. Considérant que le présent arrêt n'aggravant pas la situation de la commune de Montois-la-Montagne , elle n'est pas recevable à demander, après l'expiration du délai d'appel, par la voie de l'appel provoqué, la condamnation de la société Bea Ingénierie à la garantir ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société SMTPF, de la commune de Montois-la-Montagne et de la société Bea Ingénierie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le montant des pénalités de retard que la société SMTPF est condamnée à verser à la commune de Montois-la-Montagne est ramené à la somme de 67 520, 55 euros HT et l'article 2 du jugement du 9 avril 2014 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce sens.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMTPF, à la commune de Montois-la-Montagne et à la société Bea ingénierie.
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N° 14NC01133



Abstrats

39 Marchés et contrats administratifs.

Source : DILA, 16/10/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 29/09/2015