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CAA de NANCY, 2ème chambre - formation à 3, 23/07/2015, 14NC02239, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. MARTINEZ

Rapporteur : Mme Laurie GUIDI

Commissaire du gouvernement : M. GOUJON-FISCHER

Avocat : UGGC AVOCATS & ASSOCIÉS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bancel a demandé au tribunal administratif de Besançon d'une part, d'annuler le marché correspondant au lot n°2 " gros oeuvre " conclu entre l'établissement public d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d'Audincourt et la société Demathieu et Bard pour la construction d'une maison de retraite à Audincourt et d'autre part, de condamner l'EHPAD à l'indemniser du préjudice subi du fait son éviction illégale.

Par un jugement n° 0901925 du 13 janvier 2011, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'EHPAD d'Audincourt à verser à la société Bancel une somme de 3 000 euros au titre de l'indemnisation des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 11NC00416 du 17 décembre 2012 la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête d'appel de la société Bancel demandant l'annulation du jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ainsi que les conclusions d'appel incident de l'EHPAD demandant l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 3 000 euros à la société Bancel.


Par une décision n° 366153 du 3 décembre 2014, le Conseil d'État a annulé l'arrêt n° 11NC00416 en tant qu'il a statué sur la demande indemnitaire présentée par la société Bancel et a renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.


Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 mars 2011, le 22 mars 2012 et le 10 juin 2015, la société Bancel, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 janvier 2011 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) d'annuler ou à défaut de résilier le lot n°2 du marché public relatif à la construction d'une maison de retraite à Audincourt conclu avec la société Demathieu et Bard ;

3°) de condamner l'EHPAD d'Audincourt à lui verser, à titre principal, la somme de 375 000 euros, assortie des intérêts moratoires, au titre de la perte de bénéfice et, à titre subsidiaire, la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts moratoires, au titre des frais engagés pour la présentation de son offre ;

4°) de mettre à la charge de l'EHPAD d'Audincourt une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a considéré à tort que le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'avait pas respecté le critère " valeur technique " n'était pas assorti de précision utile de nature à permettre d'en apprécier le bien fondé ; qu'en effet, dès lors que la société ne dispose pas des éléments lui permettant d'établir le respect des critères de choix des offres par le pouvoir adjudicateur, il appartient à ce dernier d'en apporter la preuve en justifiant des conditions d'application de ces critères ;

- les documents produits par le pouvoir adjudicateur ne permettent pas d'expliquer les notes attribuées à chacun des candidats dès lors qu'ils ne contiennent aucun élément d'appréciation de la qualité intrinsèque des offres ;

- les explications fournies par le pouvoir adjudicateur en défense ne permettent pas non plus d'expliquer les notes attribuées à chacun des candidats dès lors qu'elles ne sont étayées par aucun document, notamment par les éléments pertinents de l'offre retenue ;

- la seule circonstance que son offre aurait été plus vague et moins détaillée que celle de la société attributaire ne suffit pas à expliquer l'écart entre les notes attribuées à ces deux offres ; que notamment, le pouvoir adjudicateur devrait justifier d'une différence qualitative manifeste pour expliquer les notes médiocres obtenues par la société requérante pour le sous-critère " hygiène, sécurité, qualité " ;

- la note de 2/10 attribuée à la société requérante pour ce sous-critère est incompréhensible et ne reflète pas la réelle qualité de son offre ;


- l'analyse des offres a été réalisée de manière irrégulière, l'EHPAD ayant neutralisé et modifié certains des critères prévus par le règlement de consultation ;

- l'EHPAD a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la qualité de son offre ;

- le contenu des documents de consultation méconnaît l'article 50 du code des marchés publics faute d'encadrer les variantes autorisées par l'avis d'appel public à la concurrence et le règlement de consultation ;

- l'EPHAD n'a renseigné ni la rubrique relative aux délais de recours ni celle relative au service auprès duquel des renseignements sur les délais peuvent être obtenus dans l'avis d'appel public à la concurrence ;

- les informations relatives aux voies de recours mentionnées sur le courrier de rejet de l'offre était erronées ;

- la signature du marché est intervenue avant la notification du rejet de leur offre aux sociétés concurrentes ;

- le tribunal administratif de Besançon a commis une erreur en considérant que ces vices n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils devaient entraîner l'annulation du marché et en faisant un lien entre la gravité de ces vices et l'origine du rejet de l'offre de la requérante ;

- classée deuxième, avec un écart de 0,79 point par rapport à l'offre de la société attributaire, elle n'était pas dépourvue de toute chance sérieuse d'obtenir le marché ; elle peut donc prétendre à l'indemnisation du manque à gagner, qu'elle estime à 375 000 euros ;

- à défaut, elle peut prétendre à l'indemnisation des frais engagés pour présenter son offre, qu'elle estime à 20 000 euros.


Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2012, l'EHPAD d'Audincourt, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, demande à la cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 0901925 du 13 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la société Bancel la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour la présentation de son offre et de mettre à la charge de la société Bancel la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il ressort du procès verbal de la commission d'appel d'offres et du rapport d'analyse comptable et technique qu'une analyse comparative des offres a bien été effectuée, au regard de l'ensemble des critères de choix des offres prévus dans les documents de la consultation et que le courrier informant la société requérante du rejet de son offre contenait des explications précises des notes obtenues sur chaque critère ;

- les propositions de la société requérante, notamment au regard du sous-critère " hygiène, sécurité, qualité ", étaient générales et insuffisantes au regard des exigences du pouvoir adjudicateur ;


- l'annulation du contrat porterait une atteinte excessive à l'intérêt général eu égard à son coût financier et au retard qu'elle engendrerait pour l'achèvement des travaux ;

- la société requérante ne produit aucun justificatif du montant demandé au titre des frais exposés pour la présentation de son offre ;

- il n'est pas établi que la société avait des chances sérieuses de remporter le contrat ;


Par ordonnance du 19 mai 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juin 2015.

Vu :
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi,
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant l'EHPAD d'Audincourt.


1. Considérant que l'EHPAD d'Audincourt a lancé en 2009 une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché de construction d'une maison de retraite ; que la société Bancel a présenté une offre pour l'attribution du lot n°2 " gros oeuvre " de ce marché et a été informée, le 3 août 2009, du rejet de son offre ; que la société Bancel a alors saisi le tribunal administratif de Besançon d'un recours en contestation de validité du contrat en demandant d'une part, d'annuler le marché correspondant au lot n°2 " gros oeuvre " conclu entre l'établissement public d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d'Audincourt et la société Demathieu et Bard et d'autre part, de condamner l'EHPAD à l'indemniser du préjudice subi, selon la société requérante, du fait son éviction illégale ; que par un jugement du 13 novembre 2011, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'EHPAD d'Audincourt à verser à la société Bancel une somme de 3 000 euros au titre de l'indemnisation des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre et a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation et d'indemnité ; que, par un arrêt du 17 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les conclusions d'appel principal de la société Bancel demandant l'annulation du jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ainsi que les conclusions d'appel incident de l'EHPAD demandant l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 3 000 euros susmentionnée ; que, saisi d'un pourvoi principal formé par la société Bancel et d'un pourvoi incident présentée par l'EHPAD, le Conseil d'État a, par une décision du 3 décembre 2014, annulé l'arrêt de la cour de céans du 17 décembre 2012 " en tant qu'il a statué sur la demande indemnitaire de la société Bancel " et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à ladite cour ; qu'eu égard aux motifs et dispositif de cette décision, il y a lieu pour la cour de réexaminer les conclusions de l'appel principal présentées par la société Bancel à fin d'indemnité ainsi que les conclusions d'appel incident de l'EHPAD dirigées contre l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 janvier 2011 le condamnant à verser une somme de 3 000 euros à la société Bancel en réparation du préjudice résultant des irrégularités commises au cours de la procédure de passation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article 36 de la directive 2004/18/CE du Conseil du 31 mars 2004 prévoit que la publication d'un avis d'appel public à la concurrence doit comporter l'indication, prévue dans son annexe VIIA, du nom et de l'adresse de l'organe compétent pour les procédures de recours, les précisions concernant les délais d'introduction des recours ainsi que l'indication du service auprès duquel ces renseignements peuvent être obtenus ; que si le formulaire pour les avis de marché, annexé au règlement (CE) n°1564-2005 du 7 septembre 2005, auquel renvoie l'article 40 du code des marchés publics, n'impose pas que l'avis de marché comporte des renseignements relatifs aux voies et délais de recours dès lors que s'y trouve indiqué à la rubrique VI.4.3) le service où l'on peut obtenir de tels renseignements, il ne prévoit pas en revanche que la seule indication au titre de la rubrique VI.4.1) de l'avis de l'instance chargée des procédures de recours dispenserait le pouvoir adjudicateur de remplir au moins l'une des rubriques VI.4.2) et VI.4.3) ; qu'il résulte de l'instruction que si l'avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication par l'EHPAD d'Audincourt comportait la mention à la rubrique VI.4.1) de l'instance chargée des recours, il est constant que ni la rubrique VI.4.2) ni la rubrique VI.4.3) n'ont été renseignées ; que si les lettres adressées les 30 juillet et 24 août 2009 mentionnaient la possibilité d'introduire un recours pour excès de pouvoir contre la décision de rejet de l'offre de la société Bancel, aucun des documents de la consultation n'a mentionné la possibilité d'introduire le référé précontractuel de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la société Bancel est fondée à soutenir que l'avis d'appel public à la concurrence est entaché d'irrégularité du chef de cette omission ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics : " I.-1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée autre que celle prévue au II de l'article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet./Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature./Un délai d'au moins seize jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux alinéas précédents et la date de conclusion du marché. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de la notification à l'ensemble des candidats intéressés " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification du rejet de son offre a été faite à la société Bancel le 3 août 2009 alors que le marché avait été signé le 1er août précédent ; que, par suite, la société Bancel est également fondée à soutenir que le délai prévu par les dispositions précitées du I de l'article 80 du code des marchés publics entre l'envoi de la notification des motifs de rejet de son offre et la date de conclusion du marché n'a pas été respecté ;

6. Considérant cependant que les irrégularités susmentionnées tenant à l'absence d'indication des voies et délais de recours dans l'avis d'appel public à la concurrence et au non respect du délai de suspension entre la notification du rejet de leurs offres aux candidats évincés et la signature du contrat, qui n'affectent que la faculté pour les candidats évincés de saisir utilement le juge du référé précontractuel et sont d'ailleurs insusceptibles d'affecter la validité du contrat, n'ont pas eu d'incidence sur la sélection des candidatures, ni sur le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse et n'ont ainsi pas privé la société Bancel de la possibilité d'obtenir le marché en cause ; que, par suite, l'EHPAD est fondé à soutenir, par la voie d'un appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon l'a, à raison de ces irrégularités, condamné à verser une somme de 3 000 euros en remboursement des frais exposés par la société Bancel pour présenter son offre ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Bancel et par l'EHPAD devant le tribunal administratif et, le cas échéant, devant la cour ;

8. Considérant, en premier lieu, que si la société Bancel soutient que la candidature de la société Demathieu et Bard a été irrégulièrement admise alors qu'elle n'aurait pas produit les pièces et certificats exigés par les dispositions de l'article 46 du code des marchés publics, il résulte de l'instruction que cette société a produit le formulaire DC7, contenant l'ensemble des pièces exigées à ce titre, lors de la transmission de son offre ; que, par suite, le moyen manque en fait ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le mémoire technique sur la base duquel les candidats devaient justifier leur offre n'était pas destiné à faire partie des pièces constituant le futur marché, n'est pas de nature à démontrer que les sous-critères utilisés afin de juger la valeur technique des offres, indiqués dans les documents de la consultation, seraient dépourvus de pertinence ou ne seraient pas en rapport avec l'objet du marché ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la société Bancel soutient que pour procéder à l'examen des offres, l'EHPAD d'Audincourt a neutralisé des critères de sélection ou irrégulièrement modifié le sens des sous-critères " moyens techniques, professionnels et humains mis en oeuvre " et " conditions et méthodes d'exécution " énoncés par l'article 4.2 du règlement de consultation faute d'avoir mentionné de manière exhaustive dans le rapport d'analyse des offres l'ensemble des éléments énumérés par le règlement de consultation composant ces sous-critères ; que s'agissant du sous-critère " moyens techniques, professionnels et humains mis en oeuvre ", comptant pour 20 points, l'EHPAD n'avait toutefois pondéré aucun des éléments explicatifs relatifs au nom du responsable du chantier, au nombre de personnes sur le chantier ou en phase d'exécution des travaux et leur qualification, aux horaires de travail de l'entreprise, aux possibilités d'intervention hors de ces horaires, à l'importance des prestations sous-traitées en cours de chantier et au nom des sous-traitants s'agissant de l'élément " moyens professionnels et humains utilisés " ; que l'EHPAD n'a pas non plus pondéré les éléments relatifs aux outils, aux véhicules, aux échafaudages appartenant à l'entreprise ou loués, aux conditions de stockage, de repliement en fin de journée ou en fin d'intervention s'agissant de l'élément " moyens matériels et techniques " ni ceux relatifs au délai et aux phases d'exécutions et aux périodes de congés, à l'enchainement des tâches des autres corps d'état, aux délais de livraison des matériaux et des temps de séchage des matériaux proposés s'agissant de l'élément " durée prévisionnelle des différentes phases et de l'effectif prévu " ; que ces éléments, qui n'ont pas été présentés comme des critères et qui n'en revêtent ni la nature ni les caractéristiques, ressortissent à une simple énumération non exhaustive des différents items ou informations au regard desquels le pouvoir adjudicateur était susceptible de fonder son appréciation quant au respect des sous-critères par les offres des sociétés candidates ; que le règlement de consultation ne prévoit pas davantage de pondération des éléments du sous -critère " conditions et méthodes d'exécution " à propos des études d'exécution, du procédé d'exécution ou encore du traitement des déchets ; qu'il résulte de l'annexe au rapport d'analyse des offres que l'offre de la société Bancel a été examinée à l'aune des sous-critères " moyen techniques, professionnels et humains mis en oeuvre " et " conditions et méthodes d'exécution ", alors même que la commission d'appel d'offres n'a pas indiqué dans ce document, ni dans le courrier adressé à la société le 7 octobre 2009, en réponse à une demande de communication des motifs du rejet de son offre, qu'elle avait spécifiquement analysé les horaires de travail de l'entreprise, ses possibilités d'intervention en dehors de ces horaires, l'importance des prestations sous traitées et le nom des sous-traitants, les conditions de stockage, de repliement en fin de journée ou en fin d'intervention ni la durée prévisionnelle des différentes phases et les effectifs prévus, ces éléments ne constituant, ainsi qu'il a été dit plus haut, que des éléments d'appréciation de l'offre et non pas, contrairement à ce que soutient la société Bancel, des sous-critères ; que, par suite, la société Bancel n'est pas fondée à soutenir que l'EHPAD d'Audincourt aurait irrégulièrement neutralisé ou modifié certains des critères ou sous-critères prévus par le règlement de consultation pour procéder à l'examen des offres ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce que soutient la société Bancel, le faible écart entre la note qui a été attribuée à son offre et celle attribuée à l'offre de l'entreprise qui a remporté le marché ne suffit pas à caractériser une erreur manifeste d'appréciation dans la notation globale de son offre ; qu'en se bornant à critiquer les notes attribuées à ses concurrentes et à soutenir que la note de 2/10 qu'elle a obtenue s'agissant du sous critère " hygiène, sécurité et qualité " a été déterminante dans le classement des offres, la société Bancel n'établit pas l'erreur manifeste qu'aurait commise l'EHPAD au cours de l'examen des offres ; qu'il résulte en particulier du rapport d'analyse des offres que seule la société attributaire du marché a fourni une note sur la santé et la sécurité, une note sur la gestion des déchets, un plan assurance qualité ainsi que la charte de l'environnement relative aux nuisances du chantier, alors que les documents fournis par la société Bancel relatifs à ce sous critère ne comportaient que des mesures à caractère général qui ne correspondaient pas aux caractéristiques propres au chantier ; que, dans ces conditions, la société Bancel n'est pas fondée à soutenir que l'EHPAD a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur des offres des candidats s'agissant de ce sous critère en ayant attribué la note de 8/10 à la société qui a remporté le marché et seulement celle de 2/10 aux autres concurrents, y compris la société requérante, dont les offres étaient sur ce point incomplètes ou insuffisantes ;

12. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 50 du code des marchés publics : " Lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, il peut autoriser les candidats à présenter des variantes. /Le pouvoir adjudicateur indique dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation s'il autorise ou non les variantes ; à défaut d'indication, les variantes ne sont pas admises. /Les documents de la consultation mentionnent les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur présentation. Seules les variantes répondant à ces exigences minimales peuvent être prises en considération. /Les variantes sont proposées avec l'offre de base. /Pour les marchés de fournitures ou de services, une variante ne peut être rejetée au seul motif qu'elle aboutirait, si elle était retenue, respectivement soit à un marché de services au lieu d'un marché de fournitures, soit à un marché de fournitures au lieu d'un marché de services " ;

13. Considérant que si l'avis de marché et le règlement de consultation ont autorisé les variantes, aucun de ces documents n'a précisé les exigences minimales devant être respectées, ni leurs modalités de présentation ; que si la société Bancel soutient que ces imprécisions l'ont empêchée de concentrer ses efforts sur certains éléments du marché et d'améliorer son offre en présentant des variantes, il résulte cependant de l'instruction qu'aucune des entreprises concurrentes n'a présenté de variante ; qu'ainsi, si la société Bancel, classée en deuxième position, n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, la méconnaissance des dispositions de l'article 50 du code des marchés publics n'a cependant affecté ni la sélection des candidatures, ni le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 50 du code des marchés publics et la perte de chance sérieuse d'emporter le marché qu'aurait subie la société Bancel n'est pas établi ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bancel n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel principal, la condamnation de l'EHPAD à lui verser, à titre principal, la somme de 375 000 euros, assortie des intérêts moratoires, au titre de la perte de bénéfice et, à titre subsidiaire, la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts moratoires, au titre des frais engagés pour la présentation de son offre ; qu'en revanche, l'EHPAD d'Audincourt est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 janvier 2011 en tant qu'il l'a condamné à indemniser la société Bancel des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre à hauteur de 3 000 euros ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD d'Audincourt, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Bancel, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bancel la somme demandée par l'EHPAD sur le fondement de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 janvier 2011 portant condamnation de l'établissement public d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d'Audincourt à indemniser la société Bancel des frais qu'elle a engagés pour la présentation de son offre à hauteur de 3 000 euros est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Bancel devant le tribunal administratif de Besançon tendant à la condamnation de l'EHPAD à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction ainsi que les conclusions de sa requête d'appel ayant le même objet sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'EHPAD d'Audincourt et de la société Bancel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bancel, à la société Demathieu et Bard et à l'EHPAD d'Audincourt.


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N° 14NC02239



Abstrats

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.

Source : DILA, 19/08/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 23/07/2015