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CAA de NANTES, 5ème chambre, 23/10/2015, 14NT03272, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LENOIR

Rapporteur : M. Jérôme FRANCFORT

Commissaire du gouvernement : M. DURUP de BALEINE

Avocat : LERICHE-MILLIET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Rue de Siam a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté urbaine Brest Métropole Océane à lui payer la somme de 1 764 000 euros, à parfaire en raison des conclusions de l'expertise qu'elle sollicitait, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes qu'aurait commises la communauté urbaine Brest Métropole Océane au stade de la création, de la dévolution et de l'exploitation de la zone commerciale du Froutven à Guipavas (Finistère) ;

Par un jugement n° 0904265 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2014, la SARL Rue de Siam, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 octobre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2009 par laquelle le président de la communauté urbaine Brest Métropole Océane a rejeté sa demande préalable de dommages et intérêts ;

3°) de condamner la communauté urbaine Brest Métropole Océane à lui verser la somme de 1 764 000 euros, augmentés des intérêts, eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices résultant des fautes qu'aurait commises la communauté urbaine Brest Métropole Océane au stade de la création de la dévolution et de l'exploitation de la zone commerciale du Froutven ;

4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Brest Métropole Océane le versement d'une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- sur la régularité du jugement attaqué : le premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la faute commise par Brest Métropole Océane dans la délivrance des permis de construire au groupe Altarea et à la société Ikea ;

- sur les fautes commises par la communauté urbaine Brest Métropole Océane :
. la communauté urbaine Brest Métropole Océane a délivré à la société Ikea développement des permis de construire illégaux puisqu'ils ont été pris sur le fondement d'un plan local d'urbanisme résultant de délibérations qui ont été annulées par le tribunal administratif de Rennes ; les permis délivrés à l'aménageur Altarea et à SAS Ikea Développement n'auraient pu être délivrés sous l'empire du document d'urbanisme antérieur, soit le plan d'occupation des sols de 1995 remis en application par l'effet de ces annulations juridictionnelles, qui classait le terrain d'assiette en zone agricole ;
. la communauté urbaine Brest Métropole Océane a confié l'aménagement du projet de zone d'activité dont s'agit aux groupes Altarea et Ikea en dehors des procédures de publicité et de mise en concurrence prévues par la directive communautaire applicable en matière de marchés publics de travaux ou, à tout le moins en violation des obligations communautaires minimales de publicité et de transparence s'imposant à l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs selon les règles fondamentales posées par les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne ;
. la communauté urbaine Brest Métropole Océane a violé la réglementation relative aux aides publiques et notamment l'article 87 du traité de l'Union européenne, notamment en s'abstenant de notifier au préalable à la commission européenne les aides que constituent, d'une part, la vente des terrains à Ikea à un prix inférieur à leur valeur réelle et d'autre part la mise à disposition des sociétés Altarea et Ikea d'infrastructures de transport, desserte routière et tramway ;
. la communauté urbaine Brest Métropole Océane a violé les règles du droit de la concurrence en plaçant Altarea et Ikea en situation d'abuser d'une position dominante ;

- Sur le préjudice :
. le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Rue de Siam a enregistré une perte de plus de 60 % entre 2008, année d'ouverture du magasin Ikea, et 2011 ; le contexte local, marqué par l'arrivée d'Ikea, en est la seule cause, comme le démontre le succès des produits de la SARL Rue de Siam sur Internet, circuit de distribution utilisé à partir de 2010 ;
. à cette perte de chiffre d'affaires s'ajoute le coût des investissements engagés en vain par la société, soit, d'une part, la somme de 761 937 euros, s'agissant d'un projet d'extension du magasin de la requérante dans la ZAC de " Ty Ar Menez " compte tenu de la réponse tardive de la Commission Départementale d'Equipement Commercial et, d'autre part, la somme de 753 208 euros, s'agissant du développement d'une nouvelle gamme de produits qui devait être exploitée sous l'enseigne " Limited Déco " et n'a pu voir le jour ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2015, la métropole Brest Métropole, venant aux droits de la communauté urbaine Brest Métropole Océane, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la SARL Rue de Siam au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les griefs tirés de la prétendue édiction de règles d'urbanisme illégales sont inopérants ;
- les autres moyens soulevés par la SARL Rue de Siam ne sont pas fondés, l'aménagement du secteur de Froutven par la communauté d'agglomération dans le strict cadre de ses compétences légales étant distinct de l'aménagement du site des " Portes de Guipavas " par un opérateur privé.

Un mémoire présenté pour la SARL Rue de Siam a été enregistré le 15 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive n°2004/18/CE du Parlement Européen et du conseil de l'Union Européenne du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la Sarl Rue de Siam.

1. Considérant que la Sarl Rue de Siam exploite depuis 1994 un commerce de détail de meubles à Plougastel-Daoulas, commune située dans la périphérie de Brest ; que dans le courant de l'année 2006, les sociétés SNC Alta CRP Guipavas, filiale du groupe Altarea, SAS Ikea Développement - en qualité de promoteurs et futurs propriétaires - et SNC Meubles Ikea- en qualité de futur exploitant d'un magasin IKEA - ont initié un projet de zone commerciale dénommé "Les Portes de Guipavas", consistant en la création, sur le secteur dit du Froutven dépendant de la commune proche de Guipavas, d'un ensemble commercial de vente au détail d'une surface de 37.053 m², destiné à accueillir, outre la société Ikea, l'enseigne Décathlon et treize grandes et moyennes surfaces spécialisées dans les domaines de l'équipement, de l'aménagement de la maison et du sport et des loisirs ; que cette zone commerciale a ouvert ses portes en septembre 2008, après notamment que les enseignes Ikea et Décathlon eurent obtenu la délivrance des autorisations d'exploitation nécessaires par décision du 5 mai 2008 de la commission départementale d'équipement commercial ; qu'après une demande préalable restée infructueuse la Sarl Rue de Siam a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté urbaine Brest Métropole Océane à réparer les préjudices commerciaux qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cette établissement intercommunal, aux droits de laquelle vient la métropole Brest Métropole, à l'occasion de la création de cette zone commerciale ; que, par la présente requête, la société requérante relève appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur le principe de la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité de Brest Métropole Océane du fait de l'exercice irrégulier de ses compétences d'urbanisme :

2. Considérant que la société requérante invoque l'irrégularité des délibérations des 7 décembre 2006 et 11 décembre 2009, annulées par jugements du tribunal administratif de Rennes des 22 octobre 2009 et 28 décembre 2012, par lesquelles le conseil communautaire de Brest Métropole Océane a successivement approuvé le plan local d'urbanisme de la communauté urbaine, en faisant valoir que les divers permis de construire accordés tant à la SNC Alta CRP Guipavas qu'à la SAS Ikea Développement sous l'empire de ce plan local d'urbanisme méconnaitraient les dispositions du plan d'occupation des sols antérieur, remis en vigueur par ces annulations ; que toutefois l'intérêt commercial dont se prévaut la société requérante, qui n'aurait pas été de nature à lui conférer qualité pour demander l'annulation de ces documents d'urbanisme, n'est de ce fait pas de nature à lui permettre d'être indemnisée du préjudice éventuellement subi du fait de leur illégalité ;

En ce qui concerne la violation des règles de publicité et de mise en concurrence :

3. Considérant que la SARL Rue de Siam soutient que la communauté urbaine Brest Métropole Océane aurait confié au groupe Altarea l'aménagement de la zone du Froutven, après en avoir défini les modalités, pour permettre son exploitation par le groupe Ikea, la communauté urbaine ayant ainsi conclu une convention d'aménagement en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence préalables à la conclusion de ce type de contrat, ou ayant à tout le moins conclu un marché public de travaux en méconnaissance des obligations minimales de publicité et de transparence, résultant des principes fondamentaux du traité de l'Union européenne, propres à assurer l'égalité d'accès à de tels marchés ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. /L'aménagement, au sens du présent code, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations " et qu'aux termes de l'article L. 300-4 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 : " (...) 2. a) Les "marchés publics" sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l'exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive. b) Les " marchés publics de travaux " sont des marchés publics ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l'annexe I ou d'un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un " ouvrage " est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune convention écrite n'a été signée entre Brest Métropole Océane et la société SNC Alta CRP Guipavas, aménageur de la zone commerciale en cause ; qu'en décidant d'adapter le plan local d'urbanisme intercommunal de manière à permettre la création d'une zone d'activités et d'équipements de loisirs dans la zone du Froutven, classée par le plan local d'urbanisme en zone d'urbanisation future à vocation économique, Brest Métropole Océane s'est bornée à exercer la compétence d'urbanisme que lui confèrent en matière d'aménagement de l'espace communautaire les dispositions du a) du 2° du I de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales ; que si la SARL Rue de Siam invoque l'instauration par Brest Métropole Océane du droit de préemption urbain dans le secteur du Froutven, la délibération correspondante, votée le 16 décembre 2008, soit en tout état de cause postérieurement à l'ouverture totale de la zone des " Portes de Guipavas ", se rapporte à un périmètre distinct de cette zone commerciale ; que la modification du tracé du tramway de l'agglomération correspond aux compétences unilatéralement exercées par une communauté urbaine, en matière d'organisation des transports urbains, sur le fondement des dispositions du b) du 2° du I de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales ; que l'invocation des modifications apportées en 2006 aux principes contenus dans une " charte d'urbanisme commercial " conclue en 1993 entre la communauté urbaine de Brest Métropole Océane et la chambre de commerce et d'industrie de Brest est inopérante dès lors qu'une telle charte est dépourvue de tout caractère réglementaire ; que si la SARL Rue de Siam soutient que, compte tenu de l'importance de la zone commerciale, Brest Métropole Océane est nécessairement intervenue dans la définition des spécifications des ouvrages et leur agencement, ne fût-ce que pour assurer l'articulation du site avec ses abords ou garantir son accès aux futurs usagers, ces interventions découlent du strict exercice, par la communauté urbaine, de ses compétences d'urbanisme à l'occasion de l'instruction des demandes d'autorisations d'occupation du sol ; que les conditions dans lesquelles la seule commune de Guipavas a procédé avec la société Altarea à un échange de terrains précédemment affectés à un usage sportif sont insusceptibles de venir au soutien d'une mise en cause de la responsabilité de Brest Métropole ; qu'enfin si cette dernière collectivité a déclassé certaines parcelles désaffectées du domaine public afin de les vendre à la société Altarea, les terrains ainsi cédés ne représentent que respectivement 350 et 400 m² alors que la surface de vente soumise à autorisation d'exploitation commerciale était de 37 053 m² ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les actions engagées par la communauté urbaine Brest Métropole Océane pour favoriser la création de la zone commerciale des " Portes de Guipavas ", qu'il s'agisse de l'adaptation du plan local d'urbanisme, du renforcement des infrastructures destinées à desservir cette aire commerciale, ou de la cession de terrains relevant du domaine privé de la communauté urbaine, qui n'excèdent pas le strict exercice par cet établissement public de coopération intercommunale de ses compétences d'urbanisme, sont insusceptibles de caractériser la définition par cette collectivité d'un programme de travaux publics dont la communauté urbaine en cause aurait confié la réalisation au groupe Altarea ; qu'au contraire, il ressort de l'ensemble de l'instruction que la conception et l'exécution de la zone des " Portes de Guipavas " a relevé d'une procédure d'aménagement strictement privée pour avoir été le fait du groupe Altarea, qui a aménagé et commercialisé les terrains correspondants après en avoir acquis la propriété auprès de propriétaires privés, à l'exception de deux parcelles dont la superficie cumulée se limite à 700 m² alors que la surface de vente de la zone soumise à autorisation d'exploitation commerciale du fait de l'opération s'élève à 37 053 m² ; que dès lors la SARL Rue de Siam n'est fondée ni à soutenir que Brest Métropole Océane aurait concédé à un aménageur privé la concession d'une opération d'aménagement, ni qu'elle aurait attribué à ce dernier un marché de travaux publics ; que par suite aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n'avait à être mise en oeuvre, ni en application des exigences découlant des principes généraux du droit communautaire de non-discrimination et d'égalité de traitement, ni en application des règles applicables à la conclusion des concessions de travaux au sens du droit de l'Union européenne ou sur le fondement des principes généraux du droit de la commande publique ;

En ce qui concerne la violation de la réglementation relative aux aides publiques :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne (Traité CE), devenu l'article 107, paragraphe 1, du nouveau Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : "1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) " ; qu'aux termes de l'article 88, devenu l'article 108, du même traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats (... ) 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il relève de la seule compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'inconventionnalité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ; que la notion d'aide d'Etat englobe les aides consenties par les collectivités territoriales et leurs groupements ;

10. Considérant que la SARL Rue de Siam soutient que la vente par Brest Métropole Océane au groupe Altarea de deux terrains à un prix inférieur à leur valeur vénale, ainsi que la prise en charge par cette communauté urbaine de frais afférent aux infrastructures routières et ferroviaires desservant spécifiquement la zone commerciale, auraient constitué des aides publiques d'Etat accordées aux promoteurs du projet, sans que ces aides aient fait l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne ;

11. Considérant, d'une part, que la réalisation de travaux publics permettant la desserte de la zone, par route et par tramway, selon appels d'offre de Brest Métropole Océane, ne traduit aucune participation financière de cette communauté urbaine à la réalisation de la zone d'activités des " Portes de Guipavas ", dès lors qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que ces travaux publics, qui s'inscrivent dans les compétences dévolues à Brest Métropole Océane, se rattachent à la viabilisation d'un secteur plus vaste dit du Froutven, lequel a d'ailleurs conduit à la création d'un grand équipement sportif et, d'autre part, que la société Alta CRP Guipavas s'est acquittée, en plus de la taxe locale d'équipement, d'une participation au financement de ces équipements publics exceptionnels ;

12. Considérant, d'autre part, que si, par délibération du 11 mai 2007 le conseil communautaire de Brest Métropole Océane a décidé de la cession au groupe Altarea d'un chemin désaffecté d'une superficie de 400 m², cette cession est intervenue en retenant une valeur de 12 euros/m², conforme à l'avis émis par le service des domaines le 17 avril précédent ; que s'agissant de la délibération du 5 mai 2008 par laquelle le conseil communautaire a décidé de la cession d'un délaissé de 350 m², le même prix unitaire de 12 euros/m² a été retenu, en l'absence de nouvel avis du service des domaines à la date de cette délibération ; que si, par un avis du 14 mai 2008 postérieur à cette délibération, ce service a estimé la valeur vénale de ce terrain sur la base de 40 euros/m², l'avantage éventuellement consenti, inférieur à 10 000 euros, représente un montant à la fois trop faible pour fausser la concurrence, compte tenu de l'ampleur du projet d'aménagement poursuivi, et largement inférieur au seuil communautaire des aides dites de " minimis " dont le franchissement impose l'obligation de notification à la Commission européenne ;

En ce qui concerne à la violation des règles relatives au droit de la concurrence :

13. Considérant que la SARL Rue de Siam soutient que l'action de Brest Métropole Océane aurait placé la société Alta CRP Guipavas en situation d'abuser d'une position dominante dès lors qu'en lui attribuant la zone des " Portes de Guipavas ", l'établissement intercommunal l'aurait placé dans une situation dominante dont elle a abusé pour établir les conditions d'accès à la première zone commerciale de la région Bretagne, vitrine finistérienne de l'équipement et de l'aménagement de la maison et des loisirs ; qu'en conséquence, et alors que la nouvelle zone constituait une infrastructure indispensable à la poursuite de l'activité de la SARL Rue de Siam, cette société a été privée de la possibilité d'y louer un emplacement en raison du niveau exorbitant des loyers exigés par l'aménageur, alors que ce dernier a consenti à la société Ikea des conditions très favorables ;

14. Considérant toutefois qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la communauté urbaine Brest Métropole Océane ne peut en aucune façon être regardée comme ayant consenti au groupe Altarea la maîtrise d'une opération publique d'équipement ; que, dès lors, les conditions dans lesquelles le groupe Altarea a commercialisé les emplacements de cette zone d'activité sont en tout état de cause insusceptibles d'entraîner l'engagement de la responsabilité de Brest Métropole devant le juge administratif ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Rue de Siam ne justifie d'aucune faute de nature à fonder l'engagement de la responsabilité de Brest Métropole ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Brest Métropole, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la SARL Rue de Siam au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Rue de Siam le versement à Brest Métropole d'une somme de 2 000 euros au même titre ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Rue de Siam est rejetée.
Article 2 : La SARL Rue de Siam versera à la métropole Brest Métropole une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Rue de Siam et à la métropole Brest Métropole.
Une copie sera transmise à la SNC Alta CRP Guipavas, à la SAS Ikéa Développement et à la SNC Meubles Ikéa France.
























Délibéré après l'audience du 2 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2015.

Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3
N° 14NT03272



Source : DILA, 02/11/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 23/10/2015