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CAA de NANCY, 4ème chambre - formation à 3, 08/12/2015, 15NC00425, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. MARINO

Rapporteur : M. Alexis MICHEL

Commissaire du gouvernement : M. LAUBRIAT

Avocat : CUNY


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Système Son a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler le lot n° 13 " équipements scéniques " du marché public relatif à la création d'une salle multi-activités conclu entre la commune de Toul et la société MPM Equipement ainsi que de condamner cette commune à lui verser la somme de 47 750 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière.

Par un jugement n° 1200996 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a annulé le marché portant sur le lot n° 13 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.





Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2015, la société Système Son, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de condamner la commune de Toul à lui verser la somme de 60 602,71 euros au titre des frais engagés pour établir son offre et de son manque à gagner ;

3°) de condamner la commune de Toul aux entiers dépens, dont la contribution pour l'aide juridique ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Toul la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont " dénaturé " ses écritures dès lors qu'elle contestait que son offre était non-conforme ;
- les premiers juges ont " dénaturé " ses écritures et les pièces du dossier dès lors que les enceintes sub-bass proposées dans son offre comportaient d'origine des kits d'accroche ;
- les premiers juges ont " dénaturé " les pièces du dossier dès lors qu'aucune stipulation du cahier des clauses techniques particulières du marché ne mentionnait une surface en m² à couvrir ;
- son offre n'a pas été déclarée non conforme par le pouvoir adjudicateur, qui n'a opposé cette irrégularité qu'à l'occasion du contentieux de première instance ;
- le rapport complémentaire d'analyse des offres, rédigé postérieurement à sa demande de première instance, ne présente aucun caractère d'impartialité ;
- son offre était conforme au cahier des clauses techniques particulières du marché en ce qui concerne tant les clusters suspendus que la boucle magnétique ;
- une expertise avant dire droit pourrait être diligentée ;
- du fait de son éviction irrégulière, elle peut prétendre au remboursement des frais engagés pour établir son offre ainsi qu'à l'indemnisation de son manque à gagner ;


Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2015, la commune de Toul, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Système Son ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2014 en tant qu'il a annulé le marché ;

3°) de condamner la société Système Son aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de la société Système Son la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'offre de la société attributaire du marché était appropriée et conforme au cahier des clauses techniques particulières du marché ;
- l'annulation du contrat par les premiers juges est une sanction exagérée au regard des vices éventuellement constatés ;
- la société Système Son n'avait pas de chance sérieuse de remporter le marché compte tenu de la non-conformité de son offre au cahier des clauses techniques particulières du marché ;
- la société Système Son n'établit pas la réalité des frais engagés pour établir son offre ;
- la demande indemnitaire au titre du manque à gagner est irrecevable en l'absence de liaison du contentieux.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Système Son, ainsi que celles de Me C... pour la commune de Toul.


1. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence, la commune de Toul a décidé de passer selon la procédure d'appel d'offres ouvert un marché public de travaux relatif à la " création d'une salle multi-activités " sur le site de l'Arsenal comprenant vingt lots ; que l'offre de la société Système Son, candidate à l'attribution du lot n° 13 " équipements scéniques ", a été rejetée par lettre du 1er février 2012 ; que ce marché a été attribué à la société MPM Equipement pour un montant de 279 087,25 euros hors taxes ; que par jugement du 31 décembre 2014 le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé ce marché et, d'autre part, rejeté la demande de la société Système Son tendant à la condamnation de la commune de Toul à l'indemniser du préjudice qu'elle aurait subi du fait de son éviction irrégulière du marché ; que la société Système Son relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Toul relève appel du même jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation du marché ;
Sur les conclusions en contestation de la validité du marché présentées par la commune de Toul :
2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant de demandes indemnitaires ; que le contrat en cause ayant été conclu avant le 4 avril 2014, le concurrent évincé peut invoquer tout moyen à l'appui de son recours en contestation de la validité du contrat ;
3. Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits du cocontractant, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;


4. Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics : " Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation " ;
5. Considérant que le cahier des clauses techniques particulières du marché en litige exigeait, en ce qui concerne le poste de diffusion principale du son, un système d'une puissance minimale de 14 000 watts, constitué au minimum notamment d'un ensemble d'enceintes larges bandes constituant deux clusters et d'un ensemble de diffusion spécifique aux basses fréquences (enceintes sub-bass) ; qu'il résulte de l'instruction que si l'offre de la société MPM Equipement, attributaire du marché, comportait un amplificateur capable de développer 16 000 watts sous 2 ohms, son système de diffusion principale du son ne permettait toutefois pas d'atteindre effectivement la puissance minimale exigée compte tenu du nombre insuffisant d'enceintes qu'elle proposait d'implanter, ne répondant pas ainsi aux exigences minimales de capacité fixées par le cahier des clauses techniques particulières ; qu'en outre, il résulte de l'instruction et notamment des rapports complémentaires d'analyse des offres établis par la commune de Toul, que la console de mixage proposée par la société MPM Equipement ne comportait pas l'intégralité des caractéristiques et fonctionnalités requises par le cahier des clauses techniques particulières ; que, dans ces conditions, l'offre de la société attributaire, ne respectant pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, était irrégulière au sens des dispositions précitées du code des marchés publics ;


6. Considérant que l'attribution du marché à un candidat dont l'offre est irrégulière affecte le choix de l'attributaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des motifs d'intérêt général ou tenant aux droits du cocontractant s'opposeraient à l'annulation de ce contrat qui a été entièrement exécuté ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Toul n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé le marché ;
Sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Système Son :
8. Considérant que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation ;
9. Considérant que les stipulations du cahier des clauses techniques particulières du marché exigeaient un dispositif d'accrochage professionnel du système de sonorisation permettant la suspension de deux clusters de diffusion large bande ainsi que celle des enceintes sub-bass, pourvu d'une double sécurité d'accrochage conforme aux réglementations et textes en vigueur concernant les lieux recevant du public ; que le même document contractuel exigeait en ce qui concerne l'installation d'une boucle magnétique qu'elle fasse le tour de la salle ; que le cahier des clauses techniques particulières du marché imposait également, conformément à la réglementation en vigueur, que le système de diffusion du son garantisse un niveau sonore ne dépassant pas 105 db(A) ; qu'il résulte de l'instruction que la société Système Son a déposé une offre comprenant un dispositif de diffusion principale du son composé notamment d'enceintes sub-bass posées au sol et d'un système de boucle magnétique capable de couvrir une surface maximale de 500 m² ; que si la société Système Son soutient que les enceintes sub-bass proposées pouvaient être suspendues, elle ne démontre pas qu'elles répondaient aux exigences du cahier des clauses techniques particulières imposant un accrochage professionnel sécurisé ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que le système de boucle magnétique proposé par la société Système Son dans son offre ne pouvait faire le tour de la salle d'une superficie de 992,8 m², la société ayant évalué cette dernière à 500 m² ; qu'enfin, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le dispositif de sonorisation principale de l'offre de la société Système Son dépassait le seuil maximal autorisé en termes de pression acoustique ; qu'il résulte de ces éléments que l'offre de la société Système Son, ne respectant pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, était irrégulière au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics ; que la circonstance que l'offre de la société Système Son ait été notée et classée ne peut être utilement opposée par la société requérante dès lors que, compte tenu de cette irrégularité, la commune de Toul était tenue d'éliminer son offre ; que, dans ces conditions, l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du marché constatée au point 5 du présent arrêt, n'a pas été la cause directe de l'éviction de la société Système Son ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Toul aux conclusions indemnitaires présentées par la société Système Son, ni d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée par la société requérante, que la société Système Son n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice ;


Sur les dépens :


11. Considérant, d'une part, que la société Système Son étant la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Toul aux dépens ne peuvent qu'être rejetées ;


12. Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de dépens exposés par la commune de Toul au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel, ses conclusions tendant à la condamnation de la société Système Son aux dépens ne peuvent qu'être rejetées ;


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Toul, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Système Son demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Système Son le versement de la somme que la commune de Toul demande sur le fondement des mêmes dispositions ;


D É C I D E :


Article 1er : La requête de la société Système Son est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Toul sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Toul présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Système Son et à la commune de Toul.

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N° 15NC00425



Source : DILA, 21/12/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 08/12/2015