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Conseil d'Etat, 2 SS, du 21 décembre 2001, 237774, inédit au recueil Lebon

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Rapporteur : Mlle Verot

Commissaire du gouvernement : Mme Prada Bordenave


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mlle Aïcha X..., demeurant ... ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 31 juillet 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du ministre de la culture et de la communication en date du 11 janvier 2001 prononçant son licenciement à titre disciplinaire ;
2°) de suspendre l'exécution de cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à payer à la SCP Peignot et Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Verot, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de Mlle X...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que, par un courrier du 4 janvier 2001, le ministre de la culture et de la communication a informé Mlle X..., agent contractuel chargé de fonctions de secrétariat au cabinet du ministre, qu'il avait décidé d'engager à son encontre une procédure disciplinaire, que les faits reprochés étaient de nature à entraîner son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement et qu'elle était invitée à consulter son dossier le 19 janvier 2001 à dix heures auprès du chef du bureau des personnels administratifs à la direction de l'administration générale ; que, cependant, il a prononcé le licenciement de la requérante dès le 11 janvier 2001, avec effet au 12 janvier ; que le ministre ne peut, en tout état de cause, faire état devant le juge de cassation de documents qui n'ont pas été soumis au juge des référés ; qu'ainsi, en énonçant, au vu des pièces du dossier qui lui était soumis, que Mlle X... n'aurait pas donné suite à la proposition qui lui avait été faite de prendre connaissance de son dossier personnel et en en déduisant que le moyen tiré de ce que la décision contestée avait été prise en méconnaissance du principe de la communication préalable du dossier n'était pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, le juge des référés a dénaturé les faits de l'espèce ; que, par suite, Mlle X... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, "le Conseil d'Etat peut ... régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de statuer sur la demande en référé présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que Mlle X... soutient, sans être contredite, que la décision contestée, qui a mis fin à ses fonctions sans préavis ni indemnité de licenciement, a eu pour effet de la priver de sa rémunération et de la placer dans une situation financière difficile dès lors qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi et qu'elle ne bénéficie de prestations d'assurance-chômage que pour un montant modeste ; que, par suite, la condition d'urgence énoncée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ;

Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de ce que la décision du 11 janvier 2001 aurait été prise sur une procédure irrégulière et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, sont propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;
Considérant qu'il suit de là que les deux conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent la suspension de l'exécution d'une décision administrative sont réunies ; que, dès lors, Mlle X... est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 11 janvier 2001 prononçant son licenciement ;
Considérant que la suspension prononcée par la présente décision entraîne par elle-même l'obligation, pour le ministre de la culture et de la communication, de réintégrer Mlle X... ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour le Conseil d'Etat de prononcer l'injonction sollicitée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer la somme de 10 000 F à Mlle X... pour les frais exposés par celle-ci devant le tribunal administratif de Paris et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que Mlle X... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle devant le Conseil d'Etat ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Peignot et Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de condamner celui-ci à lui payer la somme de 10 000 F ;
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 31 juillet 2001 est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du ministre de la culture et de la communication en date du 11 janvier 2001 est suspendue.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X... est rejeté.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à Y... CHAKIR la somme de 10 000 F.
Article 5 : L'Etat est condamné à payer la somme de 10 000 F à la SCP Peignot et Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mlle Aïcha X... et au ministre de la culture et de la communication.

Abstrats

36-12-03-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - FIN DU CONTRAT - LICENCIEMENT
54-03 PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE
54-08-02-02-01-04 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - DENATURATION

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 21/12/2001