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Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 30/06/2006, 243766

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Président : M. Stirn

Rapporteur : M. Sébastien Veil

Commissaire du gouvernement : M. Devys

Avocat : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mars et 5 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX, la FEDERATION NATIONALE SUD SANTE-SOCIAUX et la FEDERATION CGT SANTE ACTION SOCIALE ; la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée ;

Vu le code du travail ;

Vu l'ordonnance n° 82-272 du 26 mars 1982 modifiée par l'article 31 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu l'arrêt en date du 1er décembre 2005 Abelkader Dellas c/Premier ministre de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Veil, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX et autres,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;





Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 26 mars 1982, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi du 21 décembre 2001 : « Le temps de travail des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est réduit dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret, élaboré après concertation avec les organisations syndicales représentatives, fixe également les règles relatives à l'organisation du travail des mêmes agents en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces établissements et selon des modalités analogues à celles applicables aux agents des autres fonctions publiques » ; que la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX, la FEDERATION NATIONALE SUD SANTE-SOCIAUX et la FEDERATION CGT SANTE ACTION SOCIALE demandent l'annulation du décret du 4 janvier 2002 pris sur le fondement des dispositions précitées ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant que le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière aurait été irrégulièrement composé le 27 novembre 2001 lors de la séance au cours de laquelle il a examiné le projet de décret n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Sur les conclusions dirigées contre le décret dans la totalité de ses dispositions :

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de l'ordonnance du 26 mars 1982, le gouvernement était tenu de réduire la durée du temps du travail des personnels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; qu'il est constant qu'en fixant à 1 600 heures la référence de la durée annuelle du travail de ces personnels, le décret attaqué a réduit le temps de travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 ; que, par suite, le décret attaqué n'a pas méconnu l'objectif fixé par le législateur ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que le décret serait illégal en ce qu'il conduirait à faire travailler les fonctionnaires hospitaliers plus de 35 heures par semaine et en ce qu'il limiterait à 20 par an le nombre de jours de réduction du temps de travail ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les conclusions dirigées contre certains articles du décret attaqué :

En ce qui concerne l'article 9 du décret attaqué :

Considérant que le décret attaqué n'a pas pour objet et n'aurait pu avoir pour effet d'écarter l'application des dispositions législatives qui prévoient la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de travail, parmi lesquelles figure la mise en place des cycles de travail prévus à l'article 9 du décret attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret méconnaîtrait les dispositions législatives relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'article 14 du décret attaqué :

Considérant que le droit au congé de maladie prévu par l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 faisait obligation au gouvernement de décompter, pour le calcul des durées annuelles de travail effectif fixé aux articles 1er et 3 du décret attaqué, le temps pendant lequel les agents sont en congé de maladie ; qu'en estimant pour ce décompte qu'un agent en congé de maladie est regardé comme ayant accompli les obligations de service correspondant au cycle de travail afférent à sa période de congé, l'article 14 du décret litigieux n'a pas méconnu l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ;

En ce qui concerne les articles 7 et 19 du décret attaqué :

Considérant, d'une part, que si le décret attaqué a prévu à ses articles 7 et 19 des conditions de dérogation à la durée journalière de travail, sur décision du chef d'établissement, pour certaines catégories d'agents de la fonction publique hospitalière différentes de celles applicables dans la fonction publique de l'Etat et dans la fonction publique territoriale, ces différences résultent des spécificités des missions de ces agents et ne méconnaissent pas l'article 1er précité de l'ordonnance du 26 mars 1982 ;

Considérant, d'autre part, que si le principe de parité fait obstacle à ce que des collectivités territoriales ou des établissements hospitaliers puissent attribuer à leurs agents titulaires ou non titulaires des rémunérations qui excéderaient celles auxquelles peuvent prétendre les agents de l'Etat occupant des fonctions ou ayant des qualifications équivalentes, il n'a pas pour conséquence que le pouvoir réglementaire serait tenu de prévoir des règles d'organisation du travail analogues dans les trois fonctions publiques ; que, par suite, les syndicats requérants ne peuvent utilement invoquer une méconnaissance, par les articles 7 et 19 du décret, du principe de parité ;

En ce qui concerne la méconnaissance du principe d'égalité par les articles 2, 3 et 4 du décret attaqué :

Considérant que les syndicats requérants soutiennent que les réductions supplémentaires de la durée annuelle du temps de travail accordées aux agents qui travaillent respectivement plus de dix dimanches et jours fériés par an et plus de vingt dimanches et jours fériés par an seraient contraires au principe d'égalité ; que, toutefois, les agents qui sont soumis à de telles sujétions ne sont pas dans la même situation que les autres agents au regard de l'objectif de réduction du temps de travail ; que, par suite, le décret attaqué ne porte pas atteinte sur ce point au principe d'égalité ;

Considérant que le fait que les agents qui travaillent de nuit et qui bénéficient à ce titre de contreparties ne puissent bénéficier également des contreparties accordées aux agents qui travaillent plus de dix dimanches et jours fériés par an, ne constitue pas une violation du principe d'égalité, dès lors que tous les agents travaillant de nuit bénéficient d'une réduction équivalente ; que le principe d'égalité n'interdit pas d'exclure le cumul des contreparties découlant des deux régimes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret attaqué : « Sont des agents en servitude d'internat les agents qui exercent leurs fonctions dans les établissements énumérés aux 4°, 5° et 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, fonctionnant en internat toute l'année (...) et y effectuent au moins 10 surveillances nocturnes par trimestre » ; que les 4°, 5° et 6° de la loi du 9 janvier 1986 désignent respectivement les établissements relevant des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, les établissements pour mineurs ou adultes handicapés ou inadaptés et les centres d'hébergement et de réadaptation sociale ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret, ces agents bénéficient de cinq jours ouvrés de repos supplémentaires par trimestre, sauf l'été ; qu'eu égard à la différence des missions entre eux, les agents exerçant leurs fonctions dans les établissements énumérés aux 4°, 5° et 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 et ceux exerçant leurs fonctions dans les établissements énumérés aux 1° , 2° et 3° de ce même article ne se trouvent pas dans la même situation, au regard de l'objet de la mesure ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre agents appartenant à un même corps ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance par les articles 2 et 3 du décret attaqué de la directive du 23 novembre 1993 :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive du 23 novembre 1993 susvisée, est défini comme travailleur de nuit « a) d'une part, tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement ; b) d'autre part, tout travailleur qui est susceptible d'accomplir durant la période nocturne une certaine partie de son temps de travail annuel, définie selon le choix de l'Etat membre concerné : i) par la législation nationale, après consultation des partenaires sociaux ou ii) par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux au niveau national ou régional » ; qu'aux termes du même article, la « période nocturne » est définie comme : « toute période d'au moins sept heures, telle que définie par la législation nationale, comprenant en tout cas l'intervalle compris entre vingt-quatre heures et sept heures » ; qu'aux termes de l'article 8, de la même directive, intitulé « Durée du travail de nuit » : « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que : 1) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ; 2) les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit » ; que, toutefois, l'article 17, paragraphe 2 de la directive prévoit qu'« à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés », il peut être dérogé à l'article 8 : « c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service public ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : i) des services relatifs à la réception, au traitement et/ou aux soins données par des hôpitaux ou des établissements similaires. (...) » ;

Considérant que les syndicats requérants soutiennent, d'une part, que l'article 3, 2° du décret attaqué en prévoyant une diminution du temps de travail annuel de quarante heures seulement est incompatible avec les dispositions précitées de la directive, qui impliqueraient un repos compensateur de 448 heures ; que, toutefois, aux termes de l'article 7 du décret attaqué : « Les règles applicables à la durée quotidienne de travail, continue ou discontinue, sont les suivantes : 1° En cas de travail continu, la durée du travail ne peut excéder (...) 10 heures pour les équipes de nuit (...) 2° Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 21 heures et 6 heures ou tout autre période de 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures (...) » et qu'aux termes de l'article 3, 2° du même décret : « Pour les agents travaillant exclusivement de nuit, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 560 heures (...) » ; qu'en prévoyant un total maximal de 1 560 heures travaillées, le décret litigieux a eu pour effet de ménager, en tout état de cause, des périodes de compensation équivalentes au temps de travail effectué chaque nuit au-delà de la durée de huit heures ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 3, 2° du décret serait contraire aux dispositions précitées de la directive du 23 novembre 1993 ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutiennent les syndicats requérants, la définition du travailleur de nuit figurant au troisième alinéa de l'article 2 du décret attaqué pouvait, eu égard à l'organisation du travail dans les établissements en cause, retenir exclusivement une définition annuelle du travail de nuit, sans réserver le cas d'agents pouvant travailler au moins 3 heures par nuit sans effectuer au moins 90 % de leur temps de travail annuel en travail de nuit ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par l'article 2 de ce décret des dispositions de la directive ne peut être accueilli ;

En ce qui concerne la méconnaissance par l'article 18 du décret attaqué de la directive du 23 novembre 1993 :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive du 23 novembre 1993, il faut entendre par temps de travail : « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales » ; qu'aux termes de l'article 3 de cette directive : « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives » et qu'aux termes de son article 6 : « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : (...) 2) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires » ; qu'enfin, aux termes de l'article 16 « Période de référence » : « Les Etats membres peuvent prévoir : 2) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois » ;

Considérant que les syndicats requérants soutiennent que l'article 18 du décret attaqué qui prévoit l'institution par décret en Conseil d'Etat « d'une durée équivalente à la durée légale du travail, (...) pour les personnels dont les fonctions impliquent une présence dans l'établissement comportant des temps d'inaction » est contraire à la définition du temps de travail rappelée ci-dessus ;

Considérant que s'il résulte des dispositions de la directive, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, que le temps pendant lequel les fonctionnaires hospitaliers sont physiquement présents sur leur lieu de travail doit être regardé dans sa totalité comme du temps de travail, quelle que soit la durée réelle de leur activité pendant cette période, les dispositions de la directive visent à fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail ; qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire la définition au niveau national de durées d'équivalence, dès lors que l'application de celles-ci ne conduit pas à la méconnaissance des normes qu'elles édictent, notamment celles relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail ; qu'ainsi, l'article 18 du décret attaqué, qui s'est borné à prévoir l'institution par décret en Conseil d'Etat d'une durée équivalente à la durée légale du travail pour ceux des personnels dont les fonctions impliquent une présence dans l'établissement comportant des temps d'inaction, n'a pas méconnu les dispositions de la directive 93/104/CE du Conseil ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX, la FEDERATION NATIONALE SUD SANTE-SOCIAUX et la FEDERATION CGT SANTE ACTION SOCIALE ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 4 janvier 2002 ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX, de la FEDERATION NATIONALE SUD SANTE-SOCIAUX et de la FEDERATION CGT SANTE ACTION SOCIALE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION CFTC SANTE ET SOCIAUX, à la FEDERATION NATIONALE SUD SANTE-SOCIAUX, à la FEDERATION CGT SANTE ACTION SOCIALE, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de la fonction publique et au ministre de la santé et des solidarités.

Abstrats

36-07 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES. - PRINCIPE DE PARITÉ - PORTÉE - OBLIGATION FAITE AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE PRÉVOIR DES RÈGLES D'ORGANISATION DU TRAVAIL ANALOGUES DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES - ABSENCE.

Résumé

36-07 Si le principe de parité fait obstacle à ce que des collectivités territoriales ou des établissements hospitaliers puissent attribuer à leurs agents titulaires ou non titulaires des rémunérations qui excéderaient celles auxquelles peuvent prétendre les agents de l'Etat occupant des fonctions ou ayant des qualifications équivalentes, il n'a pas pour conséquence que le pouvoir réglementaire serait tenu de prévoir des règles d'organisation du travail analogues dans les trois fonctions publiques.

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 30/06/2006