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Conseil d'Etat, 1ère et 6ème sous-sections réunies, du 26 septembre 2005, 262282, publié au recueil Lebon

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Président : Mme Hagelsteen

Rapporteur : M. Luc Derepas

Commissaire du gouvernement : M. Devys

Avocat : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS, dont le siège est ... ; la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article R. 5232 du code de la mutualité (ancien),

2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la santé ont rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 septembre 1962 du ministre du travail et du ministre des finances et des affaires économiques ;

3°) d'enjoindre au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées d'abroger ces dispositions, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive n° 92/49 CEE du 18 juin 1992 ;

Vu la directive n° 92/96 CEE du 10 novembre 1992 ;

Vu le code de la mutualité (ancien) ;

Vu le code de la mutualité ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Mutualité fonction publique,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;




Sur de l'intervention de la Mutualité fonction publique :

Considérant que la Mutualité fonction publique a intérêt au maintien des dispositions litigieuses ; que son intervention en défense est, par suite, recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 523-2 du code de la mutualité (ancien) : « L'Etat peut accorder aux mutuelles constituées entre les fonctionnaires, agents et employés de l'Etat et des établissements publics nationaux des subventions destinées notamment à développer leur action sociale et, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la mutualité et du ministre chargé des finances, à participer à la couverture des risques sociaux assurée par ces mutuelles » ; que par un arrêté du 19 septembre 1962, le ministre du travail et le ministre des finances et des affaires économiques ont défini les modalités de la participation de l'Etat à cette couverture ;

Considérant que ces dispositions ont pour objet de permettre à l'Etat, agissant en tant qu'employeur, de participer au financement d'avantages destinés à ses agents et à ceux des établissements publics nationaux ; qu'elles ont toutefois pour effet de réserver l'attribution des subventions qu'elles prévoient aux mutuelles exclusivement constituées de fonctionnaires et d'agents de l'Etat et de ses établissements publics, à l'exclusion des mutuelles accueillant également d'autres catégories d'adhérents ; que la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS, qui rassemble non seulement des agents de l'Etat mais aussi d'autres collectivités publiques et d'organismes de droit privé chargés d'une mission de service public, est exclue du bénéfice de ces dispositions et justifie, par suite, d'un intérêt lui donnant qualité pour les contester ;

Considérant que la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS fait valoir que les dispositions attaquées créent entre différentes catégories de mutuelles une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant le service public ;

Considérant en effet, qu'au regard de l'objet de ces dispositions, les fonctionnaires et contractuels de l'Etat et des établissements publics nationaux qui sont affiliés à une mutuelle accueillant d'autres catégories d'adhérents, sont placés dans la même situation que les adhérents d'une mutuelle constituée exclusivement d'agents de l'Etat et de ses établissements publics ; que, de même, les mutuelles dont une partie des adhérents sont des agents de l'Etat ou d'un établissement public national sont, pour la partie de leur activité bénéficiant à ces agents, placés dans la même situation que les mutuelles bénéficiaires des dispositions litigieuses ; qu'ainsi, les dispositions contestées ont pour effet de créer une différence de traitement entre des personnes et des organismes placés dans la même situation ; que l'administration n'invoque aucun motif d'intérêt général de nature à justifier cette différence ; qu'il suit de là que ces dispositions sont illégales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS est fondée à demander l'annulation des décisions par lesquelles, d'une part, le Premier ministre a refusé d'abroger l'article R. 523-2 du code de la mutualité (ancien), et, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ont refusé d'abroger l'arrêté du 19 septembre 1962 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 9111 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que l'article L. 9113 du même code dispose que : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 9111 et L. 9112 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant qu'il résulte de l'annulation prononcée par la présente décision que les autorités compétentes sont tenues d'abroger les dispositions de l'article R. 5232 du code de la mutualité (ancien) et celles de l'arrêté du 19 septembre 1962 ; qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, d'ordonner que cette mesure soit prise dans un délai de six mois ; que compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;





D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'intervention de la Mutualité fonction publique est admise.
Article 2 : La décision par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger l'article R. 523-2 du code de la mutualité (ancien) et les décisions par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ont refusé d'abroger l'arrêté du 19 septembre 1962, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la santé et des solidarités d'abroger les dispositions mentionnées à l'article 2, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera 3 000 euros à la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la MUTUELLE GENERALE DES SERVICES PUBLICS, à la Mutualité fonction publique, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la santé et des solidarités.



Abstrats

01-04-03-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT. - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT. - ÉGALITÉ DEVANT LA LOI. - VIOLATION - ARTICLE R. 523-2 DE L'ANCIEN CODE DE LA MUTUALITÉ RÉSERVANT L'ATTRIBUTION DE CERTAINES SUBVENTIONS D'ETAT AUX SEULES MUTUELLES EXCLUSIVEMENT CONSTITUÉES DE FONCTIONNAIRES ET D'AGENTS DE L'ETAT ET DE SES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS, À L'EXCLUSION DES MUTUELLES ACCUEILLANT ÉGALEMENT D'AUTRES CATÉGORIES D'ADHÉRENTS.
12-04 ASSURANCE ET PRÉVOYANCE. - MUTUELLES (VOIR MUTUALITÉ ET COOPÉRATION). - ARTICLE R. 523-2 DE L'ANCIEN CODE DE LA MUTUALITÉ RÉSERVANT L'ATTRIBUTION DE CERTAINES SUBVENTIONS D'ETAT AUX SEULES MUTUELLES EXCLUSIVEMENT CONSTITUÉES DE FONCTIONNAIRES ET D'AGENTS DE L'ETAT ET DE SES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS, À L'EXCLUSION DES MUTUELLES ACCUEILLANT ÉGALEMENT D'AUTRES CATÉGORIES D'ADHÉRENTS - VIOLATION DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ.

Résumé

01-04-03-01 Au regard de l'objet des dispositions de l'article R. 523-2 du code de la mutualité (ancien), qui est de permettre à l'Etat, agissant en tant qu'employeur, de participer au financement d'avantages destinés à ses agents et à ceux des établissements publics nationaux, les fonctionnaires et contractuels de l'Etat et des établissements publics nationaux qui sont affiliés à une mutuelle accueillant d'autres catégories d'adhérents, sont placés dans la même situation que les adhérents d'une mutuelle constituée exclusivement d'agents de l'Etat et de ses établissements publics. De même, les mutuelles dont une partie des adhérents sont des agents de l'Etat ou d'un établissement public national sont, pour la partie de leur activité bénéficiant à ces agents, placés dans la même situation que les mutuelles bénéficiaires des dispositions litigieuses. Ainsi, les dispositions contestées qui ont pour effet de réserver l'attribution des subventions qu'elles prévoient aux mutuelles exclusivement constituées de fonctionnaires et d'agents de l'Etat et de ses établissements publics, à l'exclusion des mutuelles accueillant également d'autres catégories d'adhérents créent une différence de traitement entre des personnes et des organismes placés dans la même situation. L'administration n'invoquant aucun motif d'intérêt général de nature à justifier cette différence, ces dispositions sont illégales.
12-04 Au regard de l'objet des dispositions de l'article R. 523-2 du code de la mutualité (ancien), qui est de permettre à l'Etat, agissant en tant qu'employeur, de participer au financement d'avantages destinés à ses agents et à ceux des établissements publics nationaux, les fonctionnaires et contractuels de l'Etat et des établissements publics nationaux qui sont affiliés à une mutuelle accueillant d'autres catégories d'adhérents, sont placés dans la même situation que les adhérents d'une mutuelle constituée exclusivement d'agents de l'Etat et de ses établissements publics. De même, les mutuelles dont une partie des adhérents sont des agents de l'Etat ou d'un établissement public national sont, pour la partie de leur activité bénéficiant à ces agents, placés dans la même situation que les mutuelles bénéficiaires des dispositions litigieuses. Ainsi, les dispositions contestées qui ont pour effet de réserver l'attribution des subventions qu'elles prévoient aux mutuelles exclusivement constituées de fonctionnaires et d'agents de l'Etat et de ses établissements publics, à l'exclusion des mutuelles accueillant également d'autres catégories d'adhérents créent une différence de traitement entre des personnes et des organismes placés dans la même situation. L'administration n'invoquant aucun motif d'intérêt général de nature à justifier cette différence, ces dispositions sont illégales.

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 26/09/2005