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Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 12/01/2011, 343324

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Président : M. Vigouroux

Rapporteur : M. Frédéric Dieu

Commissaire du gouvernement : M. Dacosta Bertrand

Avocat : SCP PEIGNOT, GARREAU ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 septembre et 30 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DU DOUBS, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DU DOUBS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1001097 du 1er septembre 2010 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Grillet Transport, annulé la procédure de passation du lot P 43 du marché public du service hivernal des routes départementales lancée par le département et lui a enjoint, s'il entendait conclure le marché afférent à ce lot, de reprendre l'intégralité de la procédure ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Grillet Transport ;

3°) de mettre à la charge de la société Grillet Transport le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du DÉPARTEMENT DU DOUBS et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Grillet Transport,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du DÉPARTEMENT DU DOUBS et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Grillet Transport ;



Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative dans sa version applicable à l'espèce : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (..). / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (..)./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. (..) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence du 14 avril 2010, le DEPARTEMENT DU DOUBS a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande comprenant 56 lots et ayant pour objet le service hivernal de salage et de déneigement des routes départementales ; qu'au titre du lot P 43 relatif au secteur de Longemaison / Arc sous Cicon, le DEPARTEMENT DU DOUBS, après avoir écarté l'offre de la société Grillet Transport, a retenu celle de l'entreprise Roy ; qu'il se pourvoit contre l'ordonnance du 1er septembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, à la demande de la société Grillet Transport, a annulé la procédure et lui a enjoint, s'il entendait conclure le marché, de la reprendre intégralement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53-III du code des marchés publics relatif aux règles générales de passation : Les offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue ; qu'est notamment irrégulière une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète ; qu'en l'espèce, le règlement de la consultation imposait aux candidats de renseigner l'annexe 1 au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) relative notamment aux caractéristiques du véhicule de salage et de déneigement qu'ils se proposaient de mettre à disposition pour exécuter les prestations du marché et prévoyait que la valeur technique des offres s'apprécierait au regard de ces renseignements ; que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a pu en déduire par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que si les candidats n'étaient pas tenus de justifier qu'ils disposaient déjà de ce matériel à la date de remise de leur offre, il leur appartenait toutefois, à cette même date, de justifier qu'ils en disposeraient pour l'exécution du marché ; que le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant qu'à la date de remise de son offre, l'entreprise Roy, qui n'avait fourni qu'un simple devis signé obtenu auprès d'un garage et revêtu de la mention lu et approuvé , ne justifiait pas qu'elle avait entrepris des démarches suffisantes en vue de disposer effectivement d'un véhicule de salage et de déneigement pour le commencement de l'exécution du marché et en concluant de ces constatations que l'entreprise Roy n'avait pas justifié, lors du dépôt de son offre, qu'elle disposerait d'un tel véhicule pour l'exécution du marché ; qu'enfin, en retenant que le DEPARTEMENT DU DOUBS était tenu, à défaut pour cette entreprise d'avoir fourni une telle justification, d'éliminer son offre comme incomplète et donc irrégulière, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant toutefois, en second lieu, que compte tenu du manquement ainsi relevé, qui se rapportait à la seule phase de sélection des offres par le pouvoir adjudicateur, il appartenait au juge des référés de n'annuler la procédure qu'à compter de l'examen de ces offres ; que, par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l'ensemble de cette procédure et en enjoignant au DEPARTEMENT DU DOUBS, s'il entendait la poursuivre, de la reprendre dans l'intégralité ; que le DEPARTEMENT DU DOUBS est en conséquence fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon en tant qu'elle a annulé la procédure à un stade antérieur à la phase de sélection des offres ;

Considérant qu'eu égard au stade auquel est prononcée l'annulation de l'ordonnance du juge des référés, il appartiendra au DEPARTEMENT DU DOUBS, s'il entend conclure le marché en cause, de reprendre la procédure au stade de la sélection des offres ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Grillet Transport ;

Considérant que si la société Grillet Transport soutient que l'avis d'appel public à la concurrence publié le 14 avril 2010 comportait des mentions erronées sans rapport avec l'objet du marché litigieux, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité, à la supposer établie, qui se rapporte à une phase de la procédure antérieure à la sélection des offres, soit susceptible d'avoir lésé ou risqué de léser la société requérante, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre correspondant à l'objet du marché, laquelle n'a été écartée qu'au motif qu'elle n'était pas la plus avantageuse économiquement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société Grillet Transport, en tant qu'elle se rapporte à la phase de la procédure antérieure à la sélection des offres, doit être rejetée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Grillet Transport la somme demandée par le DEPARTEMENT DU DOUBS au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du DEPARTEMENT DU DOUBS la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Grillet Transport et non compris dans les dépens ;





D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 1er septembre 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon est annulée en tant qu'elle a annulé la procédure de passation du lot P 43 du marché public du service hivernal des routes départementales lancée par le DEPARTEMENT DU DOUBS à un stade antérieur à la phase de sélection des offres et qu'elle lui a enjoint, s'il entendait poursuivre la procédure, de la reprendre dans l'intégralité ;

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi du DEPARTEMENT DU DOUBS est rejeté.

Article 3 : La demande de la société Grillet Transport devant le juge des référés du tribunal administratif de Besançon en tant qu'elle se rapporte à la phase de la procédure antérieure à la sélection des offres est rejetée.

Article 4 : Le DEPARTEMENT DU DOUBS versera la somme de 3 000 euros à la société Grillet Transport en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU DOUBS, à la société Grillet Transport et à l'Entreprise Steve Roy.

Abstrats

39-02-02-03 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. MODE DE PASSATION DES CONTRATS. APPEL D'OFFRES. - NOTION D'OFFRE INCOMPLÈTE - INCLUSION - CAPACITÉS TECHNIQUES ET FINANCIÈRES DES CANDIDATS INSUFFISAMMENT ÉTAYÉES.

Résumé

39-02-02-03 Est irrégulière au sens de l'article 53 du code des marchés publics, et donc à éliminer, une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète. Il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier si les candidats au marché justifient, lors du dépôt de leur offre, qu'ils ont entrepris les démarches suffisantes pour disposer effectivement du matériel nécessaire au commencement de l'exécution du marché, et d'éliminer les offres qui ne remplissent pas cette condition.

Source : DILA, 13/07/2011, https://www.legifrance.gouv.fr/