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Conseil d'État, 3ème / 8ème SSR, 26/04/2013, 355509

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Rapporteur : M. Christophe Pourreau

Commissaire du gouvernement : Mme Emmanuelle Cortot-Boucher

Avocat : SCP DE NERVO, POUPET ; BALAT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 3 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01913 du 8 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement n° 0900428 du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau avait annulé la décision du 23 décembre 2008 de la présidente de la communauté d'agglomération refusant de renouveler son contrat de chargé de mission informatique et condamné la communauté d'agglomération à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice causé par le non renouvellement de son contrat, n'a condamné la communauté d'agglomération à lui verser que la somme de 2 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988, modifié par le décret n° 2007-1829 du 24 décembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. B...A...et de Me Balat, avocat de la Communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. B...A...et à Me Balat, avocat de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat de trois ans prenant effet à compter du 1er février 2003, renouvelé pour la même durée à compter du 1er février 2006, M. B... A...a été recruté par la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées en qualité de chargé de mission informatique pour piloter le projet " Pau Broadband Country " d'extension du réseau à très haut débit sur le territoire de l'agglomération ; que, par décision du 21 octobre 2008, confirmée sur recours gracieux le 23 décembre 2008, la présidente de la communauté d'agglomération lui a indiqué que son contrat ne serait pas renouvelé au-delà du 31 janvier 2009 ; que M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau avait annulé la décision du 23 décembre 2008 et condamné la communauté d'agglomération à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice causé par le non renouvellement de son contrat, a fixé à 2 500 euros le montant du préjudice causé par le défaut d'entretien préalable et a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'indemnité versée en réparation du préjudice causé par le non renouvellement de son contrat soit portée à 40 000 euros ;

2. Considérant qu'une irrégularité affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " (...)Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / (...)Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. " ; qu'en vertu de l'article 136 de la même loi, les agents non titulaires recrutés pour exercer les fonctions mentionnées à son article 3 bénéficient de règles de protection identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de cet article, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : / (...) 4° Au début du troisième mois précédant le terme de l'engagement pour le contrat susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée. Dans ce cas, la notification de la décision doit être précédée d'un entretien. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la décision d'une collectivité territoriale de ne pas renouveler le contrat d'un agent employé depuis six ans sous contrat à durée déterminée doit être précédée d'un entretien ; que, toutefois, hormis le cas où une telle décision aurait un caractère disciplinaire, l'accomplissement de cette formalité, s'il est l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire, ne constitue pas pour l'agent, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en ne jugeant pas que l'absence d'entretien préalable avait privé M. A... d'une garantie ;

5. Considérant qu'en revanche, faute de rechercher, pour se prononcer sur la légalité de la décision de ne pas renouveler le contrat, si le défaut d'entretien préalable avait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que M. A... est fondé, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et à la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées.

Abstrats

01-03-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE. QUESTIONS GÉNÉRALES. - NON RENOUVELLEMENT DU CONTRAT D'UN AGENT EMPLOYÉ DEPUIS SIX ANS PAR UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE - OBLIGATION DE FAIRE PRÉCÉDER LA DÉCISION D'UN ENTRETIEN PRÉALABLE (ART. 38 DU DÉCRET N° 88-145) - GARANTIE AU SENS DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY [RJ1], DONT LA PRIVATION SERAIT DE NATURE PAR ELLE-MÊME À ENTRAÎNER L'ANNULATION DE LA DÉCISION DE NON RENOUVELLEMENT, SANS QUE LE JUGE AIT À RECHERCHER SI L'ABSENCE D'ENTRETIEN A ÉTÉ SUSCEPTIBLE D'EXERCER, EN L'ESPÈCE, UNE INFLUENCE SUR LE SENS DE LA DÉCISION - ABSENCE.
36-12-03-02 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES. FIN DU CONTRAT. REFUS DE RENOUVELLEMENT. - AGENT EMPLOYÉ DEPUIS SIX ANS PAR UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE - OBLIGATION DE FAIRE PRÉCÉDER LA DÉCISION DE NON RENOUVELLEMENT D'UN ENTRETIEN PRÉALABLE (ART. 38 DU DÉCRET DU 15 FÉVRIER 1988) - GARANTIE AU SENS DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY [RJ1], DONT LA PRIVATION SERAIT DE NATURE PAR ELLE-MÊME À ENTRAÎNER L'ANNULATION DE LA DÉCISION DE NON RENOUVELLEMENT, SANS QUE LE JUGE AIT À RECHERCHER SI L'ABSENCE D'ENTRETIEN A ÉTÉ SUSCEPTIBLE D'EXERCER, EN L'ESPÈCE, UNE INFLUENCE SUR LE SENS DE LA DÉCISION - ABSENCE.
36-13-01-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE. CONTENTIEUX DE L'ANNULATION. POUVOIRS DU JUGE. - NON RENOUVELLEMENT DU CONTRAT D'UN AGENT EMPLOYÉ DEPUIS SIX ANS PAR UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE - OBLIGATION DE FAIRE PRÉCÉDER LA DÉCISION D'UN ENTRETIEN PRÉALABLE (ART. 38 DU DÉCRET N° 88-145) - GARANTIE AU SENS DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY [RJ1], DONT LA PRIVATION SERAIT DE NATURE PAR ELLE-MÊME À ENTRAÎNER L'ANNULATION DE LA DÉCISION DE NON RENOUVELLEMENT, SANS QUE LE JUGE AIT À RECHERCHER SI L'ABSENCE D'ENTRETIEN A ÉTÉ SUSCEPTIBLE D'EXERCER, EN L'ESPÈCE, UNE INFLUENCE SUR LE SENS DE LA DÉCISION - ABSENCE.

Résumé

01-03-01 Il résulte des dispositions de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 que la décision d'une collectivité territoriale de ne pas renouveler le contrat d'un agent employé depuis six ans sous contrat à durée déterminée doit être précédée d'un entretien. Toutefois, hormis le cas où une telle décision aurait un caractère disciplinaire, l'accomplissement de cette formalité, s'il est l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire, ne constitue pas pour l'agent, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision.
36-12-03-02 Il résulte des dispositions de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 que la décision d'une collectivité territoriale de ne pas renouveler le contrat d'un agent employé depuis six ans sous contrat à durée déterminée doit être précédée d'un entretien. Toutefois, hormis le cas où une telle décision aurait un caractère disciplinaire, l'accomplissement de cette formalité, s'il est l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire, ne constitue pas pour l'agent, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision.
36-13-01-03 Il résulte des dispositions de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 que la décision d'une collectivité territoriale de ne pas renouveler le contrat d'un agent employé depuis six ans sous contrat à durée déterminée doit être précédée d'un entretien. Toutefois, hormis le cas où une telle décision aurait un caractère disciplinaire, l'accomplissement de cette formalité, s'il est l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire, ne constitue pas pour l'agent, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision.

Source : DILA, 23/03/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:XX:2013:355509.20130426

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 26/04/2013