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Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 25/07/2013, 360899

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Rapporteur : M. Yves Gounin

Commissaire du gouvernement : M. Nicolas Polge

Avocat : SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX02308 du 10 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 1000514 du 16 juin 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2009 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le révoquant de ses fonctions, d'autre part, à l'annulation de cet arrêté ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et d'enjoindre au ministre de le réintégrer dans ses services et de reconstituer rétroactivement sa carrière à compter de la date de son éviction illégale, dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2013, présentée par le ministre de l'intérieur ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité publique de Biarritz, a été révoqué de ses fonctions par un arrêté du 15 décembre 2009 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; qu'il a introduit contre cette mesure un recours pour excès de pouvoir que le tribunal administratif de Pau a rejeté par un jugement du 16 juin 2011 ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes./ (...) Quatrième groupe : (...) - la révocation (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté " ;

3. Considérant que ces dispositions impliquent notamment qu'il soit fait droit à la demande de communication de son dossier à l'agent concerné par une procédure disciplinaire dès lors que cette demande est présentée avant que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce ; qu'en estimant que le refus opposé à la demande de communication des pièces de son dossier présentée par M. B...n'entachait pas d'irrégularité la procédure de révocation au motif que cette demande était postérieure à la tenue du conseil de discipline, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que cette demande était antérieure à l'intervention de l'arrêté ministériel de révocation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requête de M.B..., qui ne consiste pas dans la seule reproduction littérale de la demande présentée au tribunal administratif, énonce de manière précise les critiques dirigées contre l'arrêté du ministre de l'intérieur, ainsi d'ailleurs que des critiques dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Pau ; que, par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait irrecevable faute de respecter les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant que le refus de communiquer à M. B... les pièces de son dossier, qui a privé l'intéressé d'une garantie exigée par le respect des droits de la défense, entache d'irrégularité la procédure administrative à l'issue de laquelle sa révocation a été décidée par le ministre ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son appel, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel du 15 décembre 2009 ;

7. Considérant que l'annulation de l'arrêté prononçant sa révocation implique nécessairement la réintégration de M. B...et la reconstitution de sa carrière à compter de la date d'effet de cet arrêté, soit le 28 janvier 2010 ; qu'il y a lieu d'ordonner au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes présentées à ce titre par l'Etat en première instance et en appel ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 5 000 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui, tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et devant le tribunal administratif de Pau ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt n° 11BX02308 du 10 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le jugement n° 1000514 du 16 juin 2011 du tribunal administratif de Pau et l'arrêté ministériel du 15 décembre 2009 révoquant M. B...de ses fonctions de gardien de la paix sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder, dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision, à la réintégration de M. B...et à la reconstitution de sa carrière à compter du 28 janvier 2010.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et devant le tribunal administratif de Pau sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Abstrats

36-07-01-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES. STATUT GÉNÉRAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS LOCALES. DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES (LOI DU 13 JUILLET 1983). - ARTICLE 19 - DEUXIÈME ALINÉA - PORTÉE - DROIT DE L'AGENT À LA COMMUNICATION DE SON DOSSIER, DÈS LORS QUE LA DEMANDE DE COMMUNICATION EST PRÉSENTÉE AVANT QUE L'AUTORITÉ DISPOSANT DU POUVOIR DE SANCTION SE PRONONCE - EXISTENCE.
36-09-05 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. DISCIPLINE. PROCÉDURE. - DROIT DE L'AGENT À LA COMMUNICATION DE SON DOSSIER, DÈS LORS QUE LA DEMANDE DE COMMUNICATION EST PRÉSENTÉE AVANT QUE L'AUTORITÉ DISPOSANT DU POUVOIR DE SANCTION SE PRONONCE - EXISTENCE (ART. 19 DE LA LOI DU 13 JUILLET 1983).

Résumé

36-07-01-01 Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires impliquent notamment qu'il soit fait droit à la demande de communication de son dossier à l'agent concerné par une procédure disciplinaire dès lors que cette demande est présentée avant que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce.
36-09-05 Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires impliquent notamment qu'il soit fait droit à la demande de communication de son dossier à l'agent concerné par une procédure disciplinaire dès lors que cette demande est présentée avant que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce.

Source : DILA, 23/03/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CESSR:2013:360899.20130725

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 25/07/2013