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Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 04/05/2015, 371455, Inédit au recueil Lebon

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Rapporteur : M. Frédéric Dieu

Commissaire du gouvernement : M. Gilles Pellissier

Avocat : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante:

La société Bueil publicité mobilier urbain a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Luisant, en premier lieu, à lui verser la somme de 369 794,83 euros au titre des dépenses utiles qu'elle a été contrainte d'exposer dans le cadre de l'exécution des concessions de mobilier urbain dont elle était titulaire, ainsi que la somme de 68 951,02 euros, et subsidiairement de 35 751,71 euros, au titre de la perte des bénéfices qu'elle attendait de l'exécution de ces concessions de mobilier urbain qui ont été résiliées par la commune de Luisant, en deuxième lieu, à lui payer au titre de l'enrichissement sans cause, à titre principal, la somme de 369 794,83 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 198 726,76 euros et, en dernier lieu, à ce que ces condamnations soient assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2011, date de sa demande préalable, les intérêts étant eux mêmes capitalisés.

Par un jugement n° 1103316 du 22 mars 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12NT01293 du 20 juin 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 août et 19 novembre 2013 et le 31 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bueil publicité mobilier urbain demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Luisant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société Bueil publicité mobilier urbain, et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Luisant ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la commune de Luisant a conclu avec la société Bueil publicité mobilier urbain trois contrats de fourniture de mobilier urbain, sans publicité ni mise en concurrence préalable, respectivement les 16 janvier 1996, 18 février 1997 pour une durée de douze ans et le 1er mars 2002 pour une durée de cinq ans, ces contrats étant renouvelables par tacite reconduction pour des durées égales, soit respectivement pour douze et cinq ans ; qu'à la suite d'une délibération du conseil municipal du 20 octobre 2010 l'autorisant à dénoncer ces contrats, le maire de Luisant a informé la société Bueil publicité mobilier urbain, par lettre du 28 octobre 2010, que ces contrats étaient " devenus nuls à raison de l'illégalité de la clause de reconduction tacite " et lui a enjoint de retirer son mobilier ; qu'après avoir procédé à ce retrait, la société Bueil publicité mobilier urbain a saisi la commune d'une demande indemnitaire préalable qui a été rejetée le 12 juillet 2011 ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur un fondement contractuel, rejeté l'appel de la société Bueil publicité mobilier urbain tendant à l'annulation du jugement du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans avait rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Luisant à l'indemniser sur le fondement de sa responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle ;

2. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en faisant application des règles issues de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 28 décembre 2009, la cour s'est bornée à répondre à l'argumentation d'appel de la société Bueil publicité mobilier urbain sur le terrain juridiquement approprié et n'a pas, ce faisant, soulevé un moyen d'ordre public qu'elle aurait dû communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour a méconnu le caractère contradictoire de la procédure et commis une erreur de droit en jugeant que le litige devait être réglé sur le seul terrain contractuel sans, au préalable, inviter les parties, qui avaient exclusivement débattu sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle et quasi-contractuelle, à s'exprimer sur le terrain sur lequel la décision précitée du Conseil d'Etat la conduisait à situer le litige introduit en 2011 devant le tribunal administratif d'Orléans ;

4. Considérant, en second lieu, que si la conclusion d'un contrat en application d'une clause de tacite reconduction, en méconnaissance des obligations de mise en concurrence préalable issues des dispositions du code des marchés publics, constitue un manquement aux règles de passation de ces contrats, la cour administrative d'appel de Nantes a pu juger, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique que, dans les circonstances de l'espèce qui lui était soumise, l'irrégularité tenant à la conclusion, le 1er mars 2007, le 16 janvier 2008 et le 18 février 2009, de nouveaux contrats en application d'une clause de tacite reconduction n'était pas d'une gravité telle que le litige ne puisse être réglé sur le terrain contractuel ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Bueil publicité mobilier urbain doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Luisant en application des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er: Le pourvoi de la société Bueil publicité mobilier urbain est rejeté.
Article 2 : La société Bueil publicité mobilier urbain versera une somme de 3 000 euros à la commune de Luisant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Bueil publicité mobilier urbain et à la commune de Luisant.

Source : DILA, 23/03/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CESSR:2015:371455.20150504

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 04/05/2015