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Circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers : dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation

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BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers : dispositif national de mise à l'abri, d’évaluation et d’orientation

NOR : JUSF1314192C

La garde des sceaux, ministre de la justice,

à

Pour attribution

Mesdames et messieurs les procureurs généraux près les cours d'appel

Pour information

Mesdames et messieurs les premiers présidents des cours d’appel

Textes source :

  • – Articles L 112-3, L 223-2, L 226-3, L 228-3 du code de l’action sociale et des familles ;
  • – Articles 375, 375-3, 375-5 du code civil,
  • – Article 1181 alinéa 1 du code de procédure civile.

Annexes : 2

La France, de même que d'autres Etats-membres de l'Union européenne, accueille sur son sol plusieurs milliers de jeunes étrangers isolés, mineurs et jeunes majeurs. Ils seraient environ 8000 à ce jour. Ce phénomène, dont l’ampleur se confirme depuis une quinzaine d'années, apparait durable.

Si le ministère de la justice a été investi par le Premier ministre de la coordination des travaux qu’il a initiés en faveur de ces jeunes, ce sujet est par nature interministériel.

Les mineurs isolés étrangers - et dans certains cas les jeunes majeurs isolés – relèvent de la compétence des départements dès lors qu'ils entrent dans le droit commun de la protection de l'enfance, comme le précise l'article L.112-3 du code de l'action sociale et des familles, s'agissant de jeunes «privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille».

Or, actuellement, les flux des arrivées de ces jeunes se concentrent sur quelques territoires. Ainsi, plus de la moitié d'entre eux sont recensés en Ile-de-France. Une douzaine de départements compte plus de 200 jeunes pris en charge. La charge qui en résulte est de plus en plus lourde à assumer pour les départements les plus impactés, qui, aujourd'hui, ont atteint les limites de leurs capacités de prise en charge, tant sur le plan financier que sur celui de l'accueil physique. Les conditions et modalités de prise en charge de ces jeunes sont donc extrêmement préoccupantes.

La situation n'est, par ailleurs, pas satisfaisante sur le plan du statut de ces jeunes, dès lors que certains sont présents parfois de nombreux mois dans les structures de l'aide sociale à l'enfance sans intervention d'une décision de justice, et sans que leur minorité ou leur majorité ait été établie de manière certaine. Or, en l’absence de titulaires de l’exercice de l’autorité parentale sur le territoire pouvant consentir à un accueil du mineur par les services de l’aide sociale à l’enfance, celui-ci ne peut excéder cinq jours. A l’issue de ce délai, le service doit nécessairement saisir, en application de l’article 375 du code civil, l’autorité judiciaire, à laquelle il appartient de prendre une décision au regard de l’urgence et de la situation de danger dans laquelle se trouve le jeune se présentant comme mineur isolé étranger, en l’absence d’hébergement et de prise en charge possible par un titulaire de l’exercice de l’autorité parentale.

Ce n’est qu’une fois la protection du jeune assurée dans le cadre de l’assistance éducative que la saisine du juge aux affaires familiales aux fins d’ouverture d’une mesure de tutelle pourrait être envisagée.

Dans ce contexte, la présente instruction précise les modalités d'organisation retenues :

  • – pour limiter autant que faire se peut les disparités entre les départements s'agissant des flux d'arrivée des jeunes,
  • – pour apporter aux jeunes toutes les garanties liées à la nécessaire protection de leur intérêt et au respect de leurs droits, et pour sécuriser leur statut,
  • – pour harmoniser les pratiques des départements lors de la période de mise à l'abri, évaluation et orientation des jeunes, cette période étant destinée à s'assurer de leur minorité et de leur situation d'isolement sur le territoire français, conditions de leur prise en charge dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance.

Vous trouverez ci-après le descriptif de la procédure de mise à l'abri / évaluation / orientation des mineurs isolés étrangers. Cette procédure sera désormais mise en œuvre de façon homogène sur l'ensemble du territoire national pour s'assurer de la minorité et de l’isolement des jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers, et pour assurer leur prise en charge par un service d'aide sociale à l'enfance, dans le département où l'évaluation a été réalisée ou dans un autre département.

1. La phase de mise à l'abri / évaluation / orientation

Cette phase est réalisée dans le département où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté, sur la base d'un protocole d'évaluation homogène, et d'un financement apporté par l'Etat au département.

Le financement par l'Etat intervient, dans la limite de 5 jours, sous réserve du respect par les départements du protocole d'évaluation homogène qui leur sera proposé. Une évaluation réalisée selon des modalités rigoureusement identiques dans l'ensemble des départements concernés, afin de s'assurer de la minorité et de l’isolement des jeunes, est, pour ceux qui en feront l'objet, la garantie de la qualité de la procédure et de leur égalité de traitement quel que soit le département où ils se présentent.

La procédure à mettre en œuvre sera la suivante :

Conformément à l'article L226-2-1 du code de l'action sociale et des familles, le conseil général du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté, procède à l’évaluation de sa situation et détermine les actions de protection et d’aide nécessaires.

Il l’accueille pendant les 5 jours de l’accueil provisoire d'urgence conformément à l’article L.223-2 du code de l'action sociale et des familles.

Pendant cette période le conseil général mène l'évaluation de la situation du jeune afin de s'assurer de sa minorité et de sa situation d'isolement sur le territoire français. Les coûts liés à cette période, c'est-à-dire les dépenses d'entretien et d'hébergement, et les dépenses liées aux investigations pratiquées ainsi qu’aux déplacements nécessaires, sont pris en charge par l'Etat sur une base forfaitaire. Le principe est celui d'un remboursement ultérieur au conseil général, qui fera effectuer les investigations par ses services ou par une structure du secteur associatif à laquelle cette mission est déléguée, et avec l'appui si nécessaire des services de l'Etat. A cet égard, le conseil général adressera sa demande de remboursement à l’agence de services et de paiement (ASP) sur la base de 250€/jour par jeune mineur accueilli.

1.1. Hypothèse dans laquelle l’évaluation du jeune peut être réalisée dans le délai de 5 jours.

Si la minorité et l’isolement du jeune sont clairement établis dans le délai de 5 jours et qu’il en résulte donc une situation de danger, le président du conseil général saisit le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé. Ce dernier s’appuie sur le dispositif d’orientation national décrit au point 3 pour désigner le conseil général du lieu de placement définitif auquel il confie le mineur par ordonnance de placement provisoire1.

De façon concomitante, il se dessaisit au bénéfice du parquet du lieu de placement définitif du mineur, lequel saisit, dans le respect du délai légal de huit jours, le juge des enfants compétent au sens de l’article 1181 alinéa 1er du code de procédure civile.

A compter de cette ordonnance de placement provisoire, la prise en charge financière du mineur relève du conseil général de son lieu de placement conformément à l'article L.228-3 du code de l'action sociale et des familles.

1 Application combinée des articles 375-3 et 375-5 du code civil.

En application de l’article 375 alinéa 1 du code civil, un jeune qui se présente en tant que mineur et se voit opposer un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance, peut saisir le juge des enfants afin qu’une mesure d’assistance éducative soit ordonnée. La décision de non-lieu à assistance éducative éventuellement prononcée par le juge des enfants s'il considère le jeune comme majeur ou non en danger, peut alors faire l’objet d’un recours par ce jeune, conformément à l'article 1191 du code de procédure civile.

1.2. Hypothèse dans laquelle l’évaluation du jeune ne peut pas être réalisée dans le délai de 5 jours

Dans toute la mesure du possible, les investigations sont réalisées pendant le délai de 5 jours.

Si toutefois au terme de ce délai, la minorité ne peut être établie, et si l’évaluation doit être poursuivie, le président du conseil général du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté saisit le procureur de la République territorialement compétent pour que ce jeune lui soit confié par ordonnance de placement provisoire.

• Si avant le terme du délai de 8 jours prévu par l’article 375-5, alinéa 2 du code civil, le jeune est reconnu mineur isolé étranger, il appartient au parquet de saisir le juge des enfants en assistance éducative et de requérir le maintien de son placement auprès du président du conseil général qu’il aura déterminé en application du dispositif d’orientation national décrit au point 3. Le juge des enfants apprécie alors au regard de ses compétences la nécessité de ce maintien et, dans l’affirmative, conformément aux termes de l’article 1181 alinéa 1er du code de procédure civile, se dessaisit au profit du juge des enfants du lieu où se trouve l’établissement auquel ce mineur a été confié, dans le cadre du dispositif national d’orientation.

Quel que soit le contexte, une fois le mineur placé par le procureur, celui-ci doit saisir le juge des enfants.

• Si au terme du même délai de 8 jours, la situation du jeune n’est toujours pas clarifiée, il appartient au parquet de saisir le juge des enfants en assistance éducative et de requérir le maintien de la mesure de placement dans son lieu de placement initial jusqu’à l’issue de l’évaluation.

Une fois cette dernière aboutie, le juge des enfants en communique les résultats au parquet. Si le jeune est reconnu mineur isolé étranger, le parquet prend des réquisitions aux fins de placement dans le département qu’il aura déterminé en application du dispositif d’orientation national décrit au point 3. Le juge des enfants apprécie au regard de ses compétences l’opportunité de ce placement et, dans l’affirmative, conformément aux termes de l’article 1181 alinéa 1er du code de procédure civile, se dessaisit au profit du juge désormais compétent.

L'acheminement du mineur vers un département différent de celui sur lequel il a été repéré ou s’est présenté aux services de l’aide sociale à l’enfance, sera effectué à l'initiative du conseil général du département où l'évaluation a été réalisée, et sur la base de l’ordonnance de placement provisoire prise par le parquet ou de la décision de placement du juge des enfants. Les coûts liés à cet acheminement sont compris dans le forfait évoqué ci-dessus.

Dès lors, suivant les modalités décrites ci-dessus, dès qu'un juge des enfants sera saisi, la poursuite de la procédure se déroulera dans tous les cas dans le cadre des codes civil et de procédure civile.

Dans l'hypothèse où la minorité du jeune n'est pas reconnue, la décision de non-lieu à assistance éducative éventuellement prononcée par le juge des enfants s'il considère le jeune comme majeur ou non en danger, peut alors faire l’objet d’un recours par ce jeune, conformément à l'article 1191 du code de procédure civile.

2. Le rôle et les conditions d'intervention du parquet pendant la procédure d'évaluation

L’article L.226-3 alinéa 1er du code de l'action sociale et des familles énonce que « le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l’évaluation, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être. Le représentant de l’Etat et l’autorité judiciaire lui apportent leur concours ».

En application de ce texte, le parquet peut apporter son concours au président du conseil général pour l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs étrangers isolés, et ce, dès la phase de recueil provisoire définie à l'article L.223-2 du code de l'action sociale et des familles.

Les garanties juridiques liées à l'état de minorité nécessitent qu'en cas de doute sur les déclarations de l'intéressé, il soit procédé à une vérification de celles-ci. L'évaluation de la minorité s’appuie sur la combinaison d’un faisceau d’indices :

  • – entretiens conduits avec le jeune par un personnel qualifié dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire : vous trouverez ci-joint pour votre information la trame d'entretien type qui devra être respectée pour la conduite de cette phase ;
  • – vérification de l'authenticité des documents d'état civil qu'il détient sur le fondement de l’article 47 du code civil2 , étant précisé que s'il appartient au parquet de saisir le bureau de la fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières, rien ne s'oppose à ce que les conseils généraux sollicitent eux-mêmes le réseau de personnes référentes « fraude documentaire » au sein des services de l’Etat. Il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appartenance au mineur des documents administratifs qu’il présente et dont l’authenticité n’est pas contestée.
  • – si le doute persiste au terme de cette étape et seulement dans ce cas, il peut être procédé à une expertise médicale de l’âge sur réquisitions du parquet. Dès lors que le conseil général accueillant le mineur ne s’est pas encore vu confier la tutelle de ce dernier, il ne peut légalement solliciter la réalisation de cet examen. Les conclusions de cette expertise sont adressées en parallèle au président du conseil général et au parquet.

3 . Les principes de l’orientation du mineur

Une fois la minorité établie, le placement du jeune dans un service d'aide sociale à l'enfance doit se faire avec un souci de rapidité afin que sa protection et le suivi éducatif se mettent en place au plus vite.

La décision du placement définitif du mineur, et par conséquent le choix du département, appartient au parquet ou au juge des enfants auquel le parquet aura adressé des réquisitions proposant un département.

Il y a lieu de rappeler qu’en l’absence de titulaire de l’autorité parentale sur le territoire français, il n’existe pas de critère législatif présidant au choix d’un département d’accueil définitif – ou à long terme - une fois passée la prise en charge de la protection en urgence.

Le choix du département définitif sera guidé par le principe d'une orientation nationale.

Cette orientation s'effectue d'après une clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans dans chaque département3.

Une cellule nationale placée à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est chargée d'actualiser une grille des placements : elle met à tout moment à disposition des parquets des informations actualisées leur permettant de savoir dans quel département il sera opportun de placer le mineur, et qui sera en mesure de l'accueillir. Les parquets devront par conséquent prendre contact avec la cellule nationale préalablement au prononcé de l'ordonnance de placement provisoire ou des réquisitions qu’ils adresseront au juge des enfants pour proposer un département auprès duquel placer le mineur.

Ce dispositif fera l'objet d'une évaluation au bout de 12 mois sous ses aspects opérationnels et financiers.

La garde des sceaux, ministre de la justice,

Christiane TAUBIRA

Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

3 Nombre de jeunes jusqu’à l’âge de 18 ans inclus ; critère retenu par l’ADF parce qu’il s’agit d’un indicateur calculé par l’INSEE pour tous les départements et incontestable.

Annexe 1

Jeunes étrangers isolés - Evaluation de l’âge et de l’isolement

Protocole d’évaluation

L'évaluation est destinée à s'assurer de la minorité du jeune et de sa situation d'isolement sur le territoire français.

L'évaluation se déroule dans une langue que comprend le jeune - si nécessaire avec le recours d'un interprète.

Le jeune doit être informé des objectifs et des enjeux de l'évaluation.

Les entretiens conduits selon la trame d'évaluation proposée ci-après permettent de recueillir les éléments plaidant en faveur de la minorité du jeune, selon l'âge que lui-même affirme avoir, ainsi que de sa situation d'isolement1 sur le territoire français.

Si les entretiens ne permettent pas une appréciation fondée de la minorité, le recours à un examen médical pourra être envisagé.

1. La trame d'évaluation

Elle porte sur les points suivants :

Présentation du jeune

  • – présentation par le jeune de sa situation et de son état civil
  • – présentation du pays et de la région d'origine
  • – documents d'état-civil et conditions de leur obtention

L'évaluateur devra recueillir les documents d'état-civil en possession du jeune, et apprécier le cas échéant l'opportunité d'une transmission aux services de la fraude documentaire.

L'authenticité des documents d'état civil devra être vérifiée, si nécessaire, sur le fondement de l’article 47 du code civil2. S'il appartient au parquet de saisir le bureau de la fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières, les conseils généraux peuvent solliciter eux-mêmes le réseau de personnes référentes « fraude documentaire » au sein des préfectures et de certaines mairies.

Le jeune peut être invité à déposer lui-même ses documents au greffe du tribunal.

1 La circulaire n° CIV/01/05 du 14 avril 2005 de la direction des affaires civiles et du sceau, prise en application du décret n° 2003-841 du 2 septembre 2003 relatif aux modalités de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc institués par l’article 17 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, précise que «la preuve d’un lien de filiation par tout document en cours de validité, permettra par exemple, que le mineur ne soit pas reconnu comme isolé. De même, le mineur étranger ne pourra être considéré comme isolé s’il est inscrit sur le passeport d’un majeur, ou encore s’il est produit un acte valant de plein droit délégation d’autorité parentale». Ces documents devront répondre aux exigences formulées à l’article 47 alinéa 1 du Code civil.

Le critère d’isolement se trouve quant à lui défini dans plusieurs instruments internationaux :

  • • La résolution du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 1997 concernant les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers les définit comme les « ressortissants de pays tiers âgés de moins de dix-huit ans qui entrent sur le territoire des États membres sans être accompagnés d'un adulte qui soit responsable d'eux, de par la loi ou la coutume, et tant qu'ils ne sont pas effectivement pris en charge par une telle personne. »
  • • La définition du Conseil de l’Europe du 12 juillet 2007 des mineurs non accompagnés est la suivante : Les mineurs non accompagnés sont des enfants âgés de moins de 18 ans, qui ont été séparés de leur deux parents et d'autres membres proches de leur famille, et ne sont pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume.
  • • définition du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) : Déclaration de bonnes pratiques du HCR de 2004 : On entend par ”enfants séparés” des enfants de moins de 18 ans qui se trouvent en dehors de leur pays d’origine et sont séparés de leurs deux parents ou de leur ancien tuteur légal/coutumier.

2 « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

Présentation des parents et de la fratrie

  • – éléments sur sa famille et/ou l'entourage dans le pays d’origine,
  • – composition de la famille et place du jeune,
  • – identité et âge des parents et des frères et soeurs,
  • – maintien des liens avec la famille : cet élément permet également de s'assurer de la situation d'isolement du jeune.

Présentation du mode de vie et de la scolarisation dans le pays d'origine

  • – mode de vie,
  • – niveau et déroulement de la scolarité,
  • – compétences,
  • – le cas échéant, apprentissage d'un métier ou travail dans le pays d'origine.

L'évaluateur portera attention au niveau d'émancipation et d'autonomie du jeune.

Présentation du parcours jusqu'à l'arrivée en France

  • – motifs du départ,
  • – organisation (financement le cas échéant) du voyage ; rôle éventuel de passeurs,
  • – dates,
  • – itinéraire et pays traversés ; durée et conditions du séjour dans chaque pays ; démarches administratives éventuellement initiées dans les pays traversés ; prise en charge éventuelle par les services d'aide à l'enfance dans les pays traversés,
  • – conditions d'arrivée en France,
  • – conditions de vie depuis l'arrivée en France,
  • – conditions de l'orientation du jeune vers le lieu de l'évaluation.

Projet du jeune en France

  • – projet du jeune ou projet parental (scolaire, professionnel),
  • – demande d’asile éventuelle.

A chaque stade de l'entretien, l'évaluateur devra être attentif aux éléments suivants :

  • – le développement physique du jeune et la compatibilité de l'apparence physique avec l'âge allégué,
  • – le comportement du jeune et la compatibilité du comportement avec l'âge allégué,
  • – la vulnérabilité du jeune,
  • – la capacité du jeune à l'indépendance et à l'autonomie,
  • – la capacité de raisonnement et de compréhension.

Sachant que l'impression recueillie par l'évaluateur est par nature subjective, il s'attachera à prendre en compte dans son observation l'origine du jeune, le cas échéant les difficultés rencontrées et épreuves subies dans son pays d'origine ou lors de son parcours avant son arrivée en France. D'autant plus que :

  • – beaucoup d'éléments demandés au jeune ne pourront être que déclaratifs,
  • – il conviendra de prendre garde aux stéréotypes,
  • – le jeune peut avoir des difficultés à parler de sa famille, de son histoire et de son parcours.

Il convient de bien souligner que la connaissance, aussi complète soit-elle, par l'évaluateur, du pays d'origine du jeune, ne garantit pas nécessairement la qualité de l'évaluation.

Les points de vigilance :

  • – l'aspect linguistique,
  • – la qualité et la formation des évaluateurs : chaque rubrique démontre que la formation et la pluridisciplinarité des évaluateurs sont essentielles,
  • – la nécessité d'un avis de plusieurs évaluateurs ou d'une évaluation plurielle en cas de situation complexe.

Si la santé du jeune ne peut en elle-même être un élément à prendre en compte dans l'appréciation de la minorité, l'entretien devra permettre de déceler d'éventuels problèmes nécessitant des soins rapides.

Conclusion

Aucune des rubriques retenues ci-dessus ne permet en elle-même une appréciation fondée de la compatibilité entre l'âge allégué par le jeune et son âge réel. L'évaluateur devra apprécier si tous les éléments apportés forment un ensemble cohérent. Ces éléments constitueront un faisceau d'indices qui permettra à l'évaluateur d'apprécier si le le jeune peut ou non avoir l'âge qu'il affirme avoir.

L'évaluation ne pourra conclure à un âge précis, mais au fait que le jeune peut - ou non - avoir l'âge qu'il allègue.

2. Le protocole médical

Préconisations :

  • – l'examen médical n'intervient qu'en cas de doute sur la minorité du jeune,
  • – le jeune doit être consentant à l'examen et informé de ses modalités et de ses conséquences en termes de prise en charge, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend,
  • – dans tous les cas, le doute au vu des conclusions de l'examen médical bénéficiera au jeune,
  • – la réquisition doit être faite par le parquet,
  • – l'examen doit être effectué exclusivement au sein d'une unité médico-judiciaire (UMJ),
  • – l'examen doit être réalisé sur la base d'un protocole unique et opposable intégrant : des données cliniques, des données dentaires, des données radiologiques de maturité osseuse.
  • – a minima une double lecture est nécessaire,
  • – l'examen médical est l'un des éléments venant à l'appui de la décision de reconnaissance ou non de la minorité prise au vu des conclusions de cet examen, et au vu des autres éléments qui sont : les conclusions de l'évaluation pluridisciplinaire, et l'authenticité des documents dont dispose le jeune le cas échéant, la vérification étant effectuée si nécessaire par l'autorité compétente.

Annexe 2

MINISTERE DE LA JUSTICE

MINISTERE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE

MINISTERE DE L’INTERIEUR

Dispositif national de mise à l'abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers

Protocole entre l’Etat et les départements

Le présent protocole présente les nouvelles dispositions décidées entre l'Etat et les départements pour assurer la mise à l'abri, l'évaluation et l'orientation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national (hors outre-mer).

La France, de même que d'autres Etats-membres de l'Union européenne, accueille sur son sol plusieurs milliers de jeunes étrangers isolés, mineurs et jeunes majeurs. Ils seraient plus de 8000 à ce jour. Ce phénomène, dont l’ampleur se confirme depuis une quinzaine d'années, apparait durable.

Les mineurs isolés étrangers - et dans certains cas les jeunes majeurs isolés – relèvent clairement du droit commun de la protection de l'enfance, comme le précise l'article L.112-3 du code de l'action sociale et des familles, s'agissant de jeunes «privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille», et par conséquent de la compétence des départements.

Or, actuellement, les flux des arrivées de ces jeunes se concentrent sur quelques territoires. La charge qui en résulte pour les départements les plus impactés est de plus en plus lourde à assumer et il en résulte des conditions de prise en charge de ces jeunes qui ne sont pas satisfaisantes.

Afin de déterminer des solutions pérennes de prise en charge, des discussions se sont engagées entre l'Etat et les départements, représentés par l'Assemblée des départements de France, dans le cadre d'un groupe de travail piloté par le ministère de la justice. A l'issue de ces discussions, de nouvelles modalités d'organisation ont fait l’objet d’un accord. Elles permettront :

  • – de limiter les disparités entre les départements, s'agissant des flux d'arrivée des jeunes,
  • – d'apporter aux jeunes toutes les garanties liées à la nécessaire protection de leur intérêt et au respect de leurs droits, et pour sécuriser leur statut,
  • – d'harmoniser les pratiques des départements lors de la période de mise à l'abri, évaluation et orientation des jeunes, cette période étant destinée à s'assurer de leur minorité et de leur situation d'isolement sur le territoire français, conditions de leur prise en charge dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance.

La procédure décrite dans le présent protocole sera mise en œuvre de façon homogène sur l'ensemble du territoire national et dans tous les départements (hors outre-mer) pour s'assurer de la minorité et de l’isolement des jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers, et pour faire assurer leur prise en charge par un service d'aide sociale à l'enfance, dans le département où l'évaluation a été réalisée, ou dans un autre département.

C'est la garantie de la qualité de la procédure et de l'égalité de traitement des jeunes, quel que soit le département où ils se présentent.

1. La phase de mise à l'abri / évaluation / orientation

La phase de mise à l'abri / évaluation / orientation est réalisée dans le département où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté, sur la base d'un protocole d'évaluation homogène. L'Etat a décidé d'assurer le financement de cette période dans la limite de cinq jours, sur la base d’un remboursement forfaitaire au conseil général qui fera effectuer les investigations par ses services ou par une structure du secteur associatif à laquelle cette mission est déléguée.

Le montant forfaitaire est fixé à 250 € par jeune et par jour. Il correspond à l’évaluation qui a été réalisée par le groupe de travail de la totalité des frais engagés, c'est-à-dire, les dépenses d'entretien et d'hébergement, les dépenses liées aux investigations pratiquées, ainsi qu’aux déplacements nécessaires.

Le financement par l'Etat intervient, dans la limite de 5 jours, sous réserve du respect par les départements du protocole d'évaluation.

Il interviendra sur justification par les départements auprès de l’Agence de services et de paiement, qui gère le dispositif de financement, du nombre de jeunes ayant fait l’objet d’une évaluation dans la limite de 5 jours.

La procédure sera la suivante :

Conformément à l'article L226-2-1 du Code de l'action sociale et des familles, le conseil général du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté, réalise un premier entretien d'accueil qui confirme ou infirme la nécessité d'une mesure de protection immédiate.

Le conseil général du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté, l'accueille pendant les 5 jours de l’accueil provisoire d'urgence prévu à l'article L.223-2 du Code de l'action sociale et des familles.

Pendant cette période le conseil général évalue la situation du jeune afin de s'assurer de sa minorité et de son isolement sur le territoire français. Il fait effectuer les investigations par ses services ou par une structure du secteur associatif à laquelle cette mission est déléguée, et avec l'appui si nécessaire des services de l'Etat. A cet égard, le Conseil général adressera sa demande de remboursement à l’agence des services et de paiement (ASP) sur la base de 250€/jour par jeune mineur accueilli.

Si la minorité et l’isolement du jeune sont clairement établis dans le délai de 5 jours, le président du conseil général saisit le procureur de la République du lieu où le mineur a été repéré ou s'est présenté. Le procureur de la République s’appuie sur le dispositif d’orientation national décrit au point 3 pour désigner le conseil général du lieu de placement définitif, auquel il confie le mineur par ordonnance de placement provisoire1.

De façon concomitante, il se dessaisit si besoin au bénéfice du parquet du lieu de placement définitif du mineur. Ce parquet saisit, dans le respect du délai légal de huit jours, le juge des enfants compétent. Dès lors, la prise en charge financière du mineur relève du conseil général du lieu de placement définitif, conformément à l'article L.228-3 du code de l'action sociale et des familles.

Dans toute la mesure du possible, les investigations sont réalisées pendant le délai de 5 jours.

1 Application combinée des articles 375-3 et 375-5 du code civil.

Si, au terme de ce délai, la minorité ne peut être établie, et si l’évaluation doit être poursuivie, le président du conseil général du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté saisit le procureur de la République territorialement compétent pour que ce jeune lui soit confié par ordonnance de placement provisoire.

  • – Si avant le terme du délai légal de huit jours, le jeune est reconnu mineur isolé étranger, il appartient au parquet de saisir le juge des enfants en assistance éducative et de requérir le maintien de son placement auprès du président du conseil général qu’il aura déterminé en application du dispositif d’orientation national décrit au point 3. Le juge des enfants se dessaisit alors le cas échéant au profit du juge des enfants du lieu où se trouve l’établissement auquel le mineur a été confié.
  • – Si au terme du même délai de huit jours, la situation du jeune n’est toujours pas clarifiée, il appartient au parquet de saisir le juge des enfants en assistance éducative et de requérir le maintien de la mesure de placement dans son lieu de placement initial jusqu’à l’issue de l’évaluation.

Une fois l’évaluation aboutie, le juge des enfants en communique les résultats au parquet. Si le jeune est reconnu mineur isolé étranger, le parquet prend des réquisitions aux fins de placement dans le département qu’il aura déterminé en application du dispositif d’orientation national. Le juge des enfants se dessaisit alors le cas échéant au profit du juge des enfants du lieu où se trouve l’établissement auquel le mineur a été confié.

L'acheminement du mineur vers un département différent de celui sur lequel il a été repéré ou s’est présenté aux services de l’aide sociale à l’enfance, sera effectué à l'initiative du conseil général du département où l'évaluation a été réalisée, et sur la base de l’ordonnance de placement provisoire prise par le parquet ou de la décision de placement du juge des enfants. Les coûts liés à cet acheminement sont compris dans le forfait évoqué ci-dessus.

Dans l'hypothèse où la minorité du jeune n'est pas reconnue, la décision de non-lieu à assistance éducative éventuellement prononcée par le juge des enfants s'il considère le jeune comme majeur ou non en danger, peut alors faire l’objet d’un recours par ce jeune, conformément à l'article 1191 du code de procédure civile.

2. L'évaluation de la minorité

Les garanties juridiques liées à l'état de minorité nécessitent qu'en cas de doute sur les déclarations de l'intéressé, il soit procédé à une vérification de celles-ci. L'évaluation de la minorité s’appuie sur la combinaison d’un faisceau d’indices :

  • – entretiens conduits avec le jeune par un personnel qualifié dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire : une trame d'entretien type, jointe en annexe, établie sur la base d'un accord entre l'Etat et les départements représentés par l'ADF, devra être respectée ;
  • – vérification de l'authenticité des documents d'état civil qu'il détient sur le fondement de l’article 47 du code civil2, étant précisé que, s'il appartient au parquet de saisir le bureau de la fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières, rien ne s'oppose à ce que les conseils généraux sollicitent eux-mêmes le réseau de personnes référentes « fraude documentaire » au sein des services de l’Etat. Il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appartenance au mineur des documents administratifs qu’il présente et dont l’authenticité n’est pas contestée.
  • – si le doute persiste au terme de cette étape et seulement dans ce cas, il peut être procédé à une expertise médicale de l’âge sur réquisitions du parquet. Dès lors que le conseil général accueillant le mineur ne s’est pas encore vu confier la tutelle de ce dernier, il ne peut légalement solliciter la réalisation de cet examen. Les conclusions de cette expertise sont adressées en parallèle au président du conseil général et au parquet.

Le parquet peut apporter son concours au président du conseil général pour l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs étrangers isolés.

2 « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

3. Les principes de l’orientation du mineur

Une fois la minorité établie, le placement du jeune dans un service d'aide sociale à l'enfance doit se faire avec un souci de rapidité afin que sa protection et le suivi éducatif se mettent en place au plus vite.

La décision du placement définitif du mineur, et par conséquent le choix du département, appartient au parquet ou au juge des enfants auquel le parquet aura adressé des réquisitions proposant un département.

Le choix du magistrat est guidé par le principe d'une orientation nationale : cette orientation s'effectue d'après une clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans dans chaque département3.

Ce critère, proposé par l'Assemblée des départements de France, a recueilli l'accord de l'Etat.

Une cellule nationale, placée à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, est chargée du suivi des flux d'arrivée de jeunes étrangers isolés et du recueil des éléments relatifs aux placements effectués. Elle mettra à disposition des parquets et des conseils généraux toute information actualisée.

4. Suivi et évaluation du dispositif

Le dispositif fera l'objet d'une évaluation au bout de 12 mois sous ses aspects opérationnels et financiers.

Un comité de suivi opérationnel sera mis en place, comportant des représentants de l’Etat, des départements et des associations.

Un rapport conjoint de l’IGAS, de l’IGA et de l’IGSJ compléteront l’évaluation à l’issue des 12 mois.

Christiane TAUBIRA

Garde des sceaux, Ministre de la Justice

Marysol TOURAINE

Ministre des affaires sociales et de la santé

Manuel VALLS

Ministre de l’intérieur

Claudy LEBRETON

Président de l’Assemblée Des départements de France

3 Nombre de jeunes jusqu’à l’âge de 18 ans inclus ; critère retenu par l’ADF parce qu’il s’agit d’un indicateur calculé par l’INSEE pour tous les départements et incontestable.

Informations sur ce texte

NOR : JUSF1314192C

Nature : Circulaire

Date : 31/05/2013