L’être humain est-il un être de nature ou un être de culture ? Peut-on dissocier les deux ?
Quel est l’impact social des données d’identité sexuelle d’un individu ?
Quelle est la place du libre arbitre dans la construction de l’identité chez l’enfant ? Sommes-nous libres de devenir ?
Et finalement, l’éducateur est-il au service de l’enfant ou bien au service de la reproduction d’un modèle social ?
La théorie du genre alimente depuis bientôt 50 ans le débat. Sociologues, anthropologues, psychiatres, philosophes, politiques, c’est un sujet ardent qui secoue les plus éminents esprits. Des négationnistes aux plus fervents défenseurs, des radicaux qui y voient l’avenir du monde sans concession aux sceptiques qui craignent la déconstruction d’une civilisation laissant un néant social prompt à être remplacé par pire, c’est un sujet qui a au moins le mérite de nous faire réfléchir.
Les théories de genre : définition
Une théorie, comme son nom l’indique, est un ensemble d’idées, une hypothèse dont la preuve de l’existence n’a pas été prouvée et qui reste activement étudiée.
Une théorie fait référence à un contenu scientifique. Dans le cas présent, les entrées de recherche sur le sujet sont autant scientifiques qu’intellectuelles et philosophiques. Ce deuxième aspect du sujet pourra être considéré comme une doctrine.
« Le genre se réfère aux relations entre hommes et femmes basées sur des rôles socialement définis que l’on assigne à l’un ou l’autre sexe », ainsi est défini le genre lors de la quatrième Conférence mondiale sur la femme à Pékin en 1995.
La théorie du genre telle qu’énoncée dans les années 2000 est l’idée selon laquelle l’identité naturelle sexuelle est à isoler de l’identité culturelle et sociale. Elle formule le postulat de rôles sociaux sexués prédéterminés par la culture et non par la nature et cherche à libérer les individus de ce carcan réducteur.
Ainsi, tous les caractères et stéréotypes féminins et masculins dépendraient de l’environnement, de la publicité, de la reproduction des comportements familiaux et ne trouveraient en rien leur source dans un apport génétique ou hormonal associé au concept de nature ou d’inné.
La société organise alors les groupes humains selon qu’ils sont nés filles ou garçons, chacun ayant un rôle sexué normé à jouer. Aucun choix n’est alors réellement laissé.
Il n’existerait pas de comportement sexué normé directement attribuable au seul fait naturel et il revient à la société civile de revoir les contenus éducatifs et les supports de communication au filtre de cette prise de conscience.
A noter
Si une étude scientifique peut prouver qu’une chose existe par une expérience qui la mette en évidence, il lui est à l’inverse impossible de prouver son contraire. Le fait scientifique doit pouvoir être soumis à la preuve irréfutable de sa réalité. En son absence, il est sage de garder une saine distance également appelée scepticisme scientifique ou zététique selon les sujets concernés.
Les origines des études de genre
La notion de « genre » est définie une première fois dans les années 1950 par le psychologue et sexologue néo-zélandais John Money.
Il fonde sa réflexion sur une expérience de réattribution sexuelle sur un enfant de 22 mois. L’enfant né garçon, accidenté, est chirurgicalement et hormonalement transformé en fille. C’est un échec complet qui mènera au suicide de l’individu.
Un second travail d’étude mené par Robert Stoller dans les années 1960 se penche sur l’identité de genre. Il introduit le rôle de l’influence culturelle et éducative dans la construction de l’identité de genre, indépendamment de l’attribut sexuel initial. Mais psychiatre et psychanalyste, il ne basera son travail que sur des études de cas ayant une entrée pathologique.
Dans les années 1970, le mouvement des féministes s’intéresse à ces idées. S’appuyant sur la formule particulièrement célèbre de Simone de Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient », les féministes trouvent dans ce sujet un argumentaire soutenant leur revendication.
Dans les années 1980, dans la continuité des travaux de Sherry Ortner, anthropologue américaine, l’opposition entre le fait naturel et l’apport culturel est définitivement consommée. Est introduite alors l’idée que la domination masculine organise les rôles de genre par une assignation culturelle et sociale dès le plus jeune âge. Ainsi par l’influence familiale, culturelle, sociale, éducative, les schémas comportementaux sont reproduits par mimétisme, devenant des stéréotypes sexués. La théorie ajoute alors un rapport de pouvoir entre les sexes.
Depuis les années 2010, c’est également devenu un conflit de sémantique. Doit-on parler de « la théorie du genre », de « la théorie des genres », « des théories de genre », d’ « études de genre » ?
Eric Fassin, codirecteur du département d’étude des genres à l’université de Paris 8 précise à l’occasion d’une conférence qu’il n’y a pas une théorie mais des théories, allant des pros aux antis.
Le 25 mai 2019, l’OMS a retiré le « trouble de l’identité de genre » de sa liste de maladie.