Emprunts toxiques : les communes se retournent contre Dexia

Publié le 28 septembre 2011 à 0h00 - par

La commune de Rosny-sur-Seine (Yvelines), qui a contracté des emprunts bancaires toxiques, a déposé lundi une plainte avec constitution de partie civile contre Dexia Crédit local devant le tribunal de grande instance de Versailles, a-t-on appris de source judiciaire.

Emprunts toxiques : les communes se retournent contre Dexia

Une précédente plainte avait été déposée en 2010 par la commune, qui avait donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire, a précisé la source judiciaire. La plainte de la mairie de Rosny-sur-Seine vise des faits d' »escroquerie en bande organisée » et « tromperie », selon la même source, confirmant une information du Parisien.fr.

« La banque présentait des taux qui ne correspondaient pas à la réalité et elle faisait usage de manoeuvres pour réaménager le prêt avec des avenants chaque fois pires que le précédent », a déclaré à l’AFP l’avocat de la commune, Me Bernard Benaïem, qui a estimé à 400 000 euros le préjudice pour cette commune de quelque 5 000 habitants. Selon Me Benaïem, il s’agit de la première procédure pénale dans l’affaire des emprunts toxiques. Soulignant le « préjudice colossal » pour les collectivités ayant contracté de tels emprunts, l’avocat a estimé qu’il allait se produire une « vraisemblable multiplication des plaignants ».

Interrogé par l’AFP, un porte-parole de la banque franco-belge a indiqué n’avoir « aucune information sur cette procédure » et ne pas être, de ce fait, en mesure de la commenter. Néanmoins, le porte-parole a assuré que « cette commune n’a aucun crédit structuré auprès de Dexia ». Les crédits structurés sont des prêts le plus souvent complexes, dont certains ont été adossés à des parités de change, entraînant pour des collectivités une hausse brutale des taux d’intérêt associés à ces emprunts. Ce sont eux que les collectivités désignent parfois par le terme « toxique ».

« L’encours de cette commune (Rosny-sur-Seine) auprès de Dexia est entièrement à taux fixe et ses taux sont bas », a ajouté le porte-parole de la banque. Mercredi, Libération avait accusé Dexia d’avoir vendu des emprunts toxiques à 5 500 collectivités locales et établissements publics, un chiffre démenti par la banque. Depuis fin 2009, plusieurs banques ont été assignées en justice par des collectivités locales qui leur reprochent de leur avoir fait souscrire des emprunts toxiques.

Le 8 juin, l’Assemblée nationale a voté la création d’une commission d’enquête parlementaire sur ces emprunts contractés par des collectivités locales. Cette commission est présidée par Claude Bartolone, président (PS) du conseil général de Seine-Saint-Denis. En août, la ville d’Angoulême avait assigné Dexia devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour faire annuler un emprunt toxique de 16 millions d’euros. Et en février, la Seine-Saint-Denis avait assigné avec le même objectif trois banques (l’irlando-allemande Depfa, Dexia ainsi que Calyon, la banque d’affaires du Crédit agricole).
 

Une première commune déboutée

Mercredi, on apprenait que La commune de Servian (Hérault) avait été déboutée début juin de sa plainte contre la banque Dexia auprès de laquelle elle avait contracté six prêts classiques, par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre.

Elle avait assigné en référé la banque Dexia pour obtenir à titre conservatoire l’autorisation de procéder au remboursement anticipé du capital restant dû sur six prêts contractés entre avril 1994 et décembre 2005, d’un montant total de près de 1,2 millions d’euros, et affirmait que ces prêts servaient exclusivement les intérêts de la banque au détriment des siens au sens d’un article du Code de la consommation et que les clauses de remboursement stipulées aux contrats étaient à cet égard abusives.

Dans sa décision du 9 juin dont l’AFP s’est procuré une copie, le juge des référés de Nanterre, Vincent Vigneau, a estimé que la commune ne démontrait « pas en quoi concrètement la société Dexia aurait manqué à son obligation de contracter et d’exécuter les conventions de bonne foi ».  « Aussi son obligation de rembourser ces prêts conformément aux stipulations contractuelles n’est pas sérieusement contestable », explique le juge des référés, condamnant la commune à rembourser une provision de 32 358,14 euros sur les échéances impayées depuis le 1er janvier 2011 et les intérêts dus à ce retard. Servian, en sa qualité de commune, « ne peut être considérée comme un consommateur », rappelle également le juge.

Cette décision est la seule rendue à ce jour dans le cadre des contrats de prêts accordés par la banque Dexia aux collectivités locales. Les avocats de Dexia avait eux fait valoir au juge des référés que les contrats de prêt avaient été valablement conclus, que les clauses de remboursement anticipé étaient valables et que la commune ne pouvait alléguer d’aucun préjudice. Cette décision souligne que les « collectivités locales ne peuvent pas remettre en cause les contrats qu’elles ont signés en toute connaissance de cause », a expliqué un porte-parole de Dexia, souhaitant garder l’anonymat. « La situation de Servian doit conduire à réfléchir sur le rôle des cabinets de conseils financiers qui prétendent assister les collectivités locales », a estimé ce porte-parole.

Contactée par l’AFP, la mairie de Servian n’a pas souhaité commenter la décision mais a affirmé qu’elle envisageait d’assigner la banque au fond afin de faire reconnaître l’irrégularité des clauses d’indemnité de remboursement anticipé figurant dans ses contrats.
 

Vers la publication des emprunts toxiques ?

Dans le même temps, le maire PS de Saint-Étienne, Maurice Vincent, a demandé mardi à l’État de publier le montant des emprunts dits toxiques souscrits par les collectivités locales, « pour ne pas laisser perdurer incertitudes et confusions ». « Les communes, départements et CHU touchés par les emprunts toxiques se demandent légitimement s’ils vont pouvoir faire face et si leurs investissements futurs ne sont pas déjà compromis », a expliqué M. Vincent dans un communiqué.

« Pour sortir de cette confusion, je demande une nouvelle fois au gouvernement de se saisir enfin de ce problème et de publier sans délai le montant de l’encours des emprunts vraiment toxiques souscrits jusqu’en 2008 », a-t-il poursuivi.

Il réclame aussi la publication du montant de la perte estimée à ce jour et « d’en informer directement les maires et présidents concernés, ainsi que la Commission d’enquête parlementaire » dédiée. « Ceci permettra de préciser le volume des 7 à 12 milliards retenus par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2011 », a estimé le maire de Saint-Étienne, en pointe sur ce dossier.

M. Vincent demande par ailleurs « de réunir un groupe d’experts pour étudier dès que possible une solution de sortie ». Il rappelle qu’il a proposé la création d’une structure nationale de défaisance financée par les banques, tout en estimant « possible que d’autres solutions mutualisées existent sur le plan technique ».

« Rien ne serait pire que de laisser perdurer incertitudes et confusions dans ce dossier complexe mais gérable au niveau national, pour peu que l’Etat assume enfin ses responsabilités », a fait valoir M. Vincent, qui vient d’être élu au Sénat.

 

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