La jurisprudence Haute-Normandie réécrite

Publié le 20 novembre 2015 à 13h16 - par

Le Conseil d’État précise la portée de sa jurisprudence du 5 juin 2013.

jurisprudence

Un arrêt de 2013 apprécié des collectivités publiques

Avant 2013, les entreprises qui subissaient un préjudice du fait d’incidents intervenus dans le cours des travaux, ou du fait d’un simple retard, pouvaient s’adresser à la collectivité publique, qui devait l’indemniser, quitte, pour cette dernière à se retourner contre la ou les entreprises fautives.

Pour éviter que l’administration ne fasse office de « guichet unique », comme l’indiquait le rapporteur public, le Conseil d’État a décidé, le 5 juin 2013, n° 352917, Région Haute-Normandie que : « Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique, mais pas du seul fait de fautes commises par d’autres intervenants ». Désormais, seule une faute de l’administration est susceptible d’engager sa responsabilité. Le seul constat d’un préjudice subi n’ouvre pas droit à indemnisation.

Rédigée de manière un peu approximative, cet arrêt se devait d’être rectifié. Voilà qui est fait, par un nouvel arrêt du 12 novembre 2015.

L’arrêt du 12 novembre 2015, n° 384716, Société Tonin procède à une réécriture de l’arrêt de 2013

Désormais, « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ».

La nécessité d’une faute de la personne publique persiste donc, mais le Conseil d’État donne des pistes aux requérants. Il indique ainsi aux entreprises qui veulent être indemnisées qu’elles doivent rechercher si l’administration a commis une faute dans la conduite du marché. Aujourd’hui, les Cours administratives ont assez généralement interprété l’arrêt de 2013 comme ne permettant la condamnation que dans des hypothèses assez rares.

Pour l’avenir, tout dépendra de la consistance que le Conseil d’État mettra dans la condition tenant à « l’exercice des pouvoirs de contrôle et de direction du marché ». Peut-être le Conseil d’État jugera-t-il qu’un retard dans les travaux fait présumer une faute dans cette conduite, et qu’il appartiendra au maître de l’ouvrage d’établir qu’elle n’en a pas commise.

Cette question est aujourd’hui, ouverte. Les conclusions du rapporteur public nous en dirons peut-être davantage.

Laurent Marcovici


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