Les boules de Noël de Meisenthal, « icône » d’un territoire en quête de renouveau

Publié le 18 décembre 2019 à 10h02 - par

Portée par le succès de ses boules de Noël et par un vaste projet de rénovation de son site, la verrerie de Meisenthal (Moselle) s’attache à redonner vie à une région désindustrialisée, ancien haut lieu de l’art verrier.

Les boules de Noël de Meisenthal, "icône" d'un territoire en quête de renouveau

Depuis vingt ans, c’est un rituel : à chaque fin d’année, la verrerie lorraine propose aux amateurs de design une nouvelle boule de Noël, dont la création est confiée à des designers, français ou étrangers.

Invités à revisiter cette tradition, ils délaissent volontiers la sphère, au profit de formes plus insolites (silex, soucoupe volante, personnage de manga…)

L’idée, c’est de perpétuer la « tradition d’inventivité » du site, impulsée à la fin du XIXe siècle par le maître de l’École de Nancy, Émile Gallé, qui avait installé dans ce coin de Lorraine son « laboratoire du verre “art nouveau” », explique Yann Grienenberger, directeur depuis 2001 du Centre international d’art verrier (CIAV).

Cette structure publique a été créée en 1992 sur les cendres de la verrerie lorraine. Victime de la mécanisation et de l’arrivée de nouvelles matières comme le plastique, elle avait fermé ses portes en 1969.

La légende veut que la boule de Noël soit née à un jet de pierre de Meisenthal, en 1858, année de disette qui aurait poussé un ouvrier de la verrerie voisine de Goetzenbruck à souffler des fruits en verre pour décorer les arbres de Noël.

« Mains savantes »

Un héritage avec lequel le CIAV a renoué en lançant en 1999, à côté des vases, verres ou carafes, deux séries de boules de Noël « made in Meisenthal » : l’une historique (pommes de pin, boules de couleurs), l’autre design, renouvelée chaque Noël.

Cette année, après la « Tilt », la « Sylvestre » ou l’« Ovni », la « Lab » vient enrichir la série : imaginée par les Françaises Clara Bellet et Clémence Paillieux, elle s’inspire de la verrerie de laboratoire.

Sur les 70 000 pièces qui sortent chaque année des fours de Meisenthal, 55 000 sont des boules de Noël, dont 20 000 de la série design.

Leur production est rigoureusement artisanale : chaque pièce est entièrement soufflée dans l’atelier par les verriers, véritables « mains savantes » du CIAV, selon M. Grienenberger.

C’est dans les semaines précédent Noël que la production de boules bat son plein, avec une vingtaine de souffleurs à pied d’œuvre. « On produit chaque jour entre 500 et 600 boules » de Noël, explique Jean-Marc Schilt, 44 ans, dont 17 à Meisenthal.

La vente des boules de Noël, produit « iconique » de la verrerie, « permet de nous auto-financer à 80 % », souligne Yann Grienenberger qui refuse toute logique industrielle.

Mais il y a quelques années, un constat s’est imposé : la verrerie était à l’étroit dans ses locaux historiques.

En 2010, M. Grienenberger et son équipe sont parvenus à convaincre plusieurs financeurs, publics et privés, de parier sur le site d’un hectare. À la clé : une enveloppe d’une quinzaine de millions d’euros et trois ans de travaux (2018-2021).

« Fierté »

Deux bâtiments viennent d’être livrés en octobre 2019 : un nouvel atelier de soufflage et une salle de spectacle, la Halle Verrière, d’une capacité de 3 000 places. Le Musée du Verre, entièrement rénové, ouvrira début 2021.

Objectif : doper la fréquentation du site, qui accueille 60 000 visiteurs par an, et attirer plus de touristes dans cette région reculée des Vosges du Nord qui, aux confins de la Lorraine et de l’Alsace, peine à se remettre de la désindustrialisation.

Une « prestation culturelle exigeante » comme le futur CIAV, en redonnant sa « fierté » à un territoire, peut être une réponse à la désertification culturelle et à l’exode des jeunes, professe-t-il.

Ici, il y a une « dynamique » portée par ceux « qui ont subi la fermeture » du site, poursuit Pascal Klein, responsable de la Halle Verrière, dont le père a travaillé à la verrerie jusqu’à sa fermeture.

De tels projets, c’est important « économiquement, mais aussi socialement », résume Yann Grienenberger. « C’est la fierté des habitants d’avoir des sites iconiques qui parlent de leur histoire. Être de quelque part, le symboliser par des sites, des objets, c’est la richesse des territoires et leur survie ».

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