Marseille-Provence capitale européenne de la culture : cinq ans après, que reste-t-il ?

Publié le 26 mars 2018 à 14h21 - par

Événement historique qui a changé la ville ou opération de communication à l’effet vite retombé ? Les avis divergent sur l’héritage laissé par Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture qui, cinq ans après, veut raviver la flamme.

Marseille-Provence capitale européenne de la culture : cinq ans après, que reste-t-il ?

Le 14 février dernier, 45 000 spectateurs ont assisté sur le Vieux-Port au feu d’artifice célébrant le lancement de Marseille-Provence 2018. Durant sept mois, plus d’une vingtaine de manifestations soutenues par quinze acteurs culturels des Bouches-du-Rhône et la chambre de commerce et d’industrie vont tenter de « prolonger l’élan » donné en 2013.

« C’est un vrai succès qui prouve que MP2013 n’a pas été un coup d’épée dans l’eau et a changé structurellement la ville en créant des ponts entre des quartiers auparavant morcelés », estime la directrice du Théâtre national de Marseille, Macha Makeïeff qui parle de la « déflagration » provoquée par MP2013.

Autour de 900 projets coproduits ou labellisés, MP2013 avait attiré 11 millions de visiteurs pour un budget global de plus d’un milliard d’euros avec des retombées estimées à 500 millions d’euros. Le spectacle de rue « Entre flammes et flots », les 3 et 4 mai 2013, avait réuni 420 000 personnes sur le Vieux-Port. Un record.

« Même quand l’Olympique de Marseille a été champion d’Europe vingt ans auparavant, il n’y a pas eu autant de monde », relève Jean-François Chougnet, président du Mucem, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, inauguré le 7 juin 2013.

« Grâce à MP2013, les Marseillais ont pris l’habitude de se rassembler autour d’un événement culturel et ce n’était pas gagné d’avance. Il faut se souvenir qu’à l’époque un fond d’incrédulité régnait dans la ville, très loin d’être la deuxième ville de France en matière d’offre culturelle », souligne M. Chougnet.

Création du Mucem, du Fonds régional d’art contemporain (Frac) Paca, rénovations des docks du quartier de la Joliette, restauration de musées, MP2013 a été un accélérateur de projets urbanistiques : « On ne pouvait pas dire “on le fera l’année prochaine” », dit Anne-Marie D’Estienne d’Orves, adjointe à la culture de Marseille.

« Soufflé vite retombé »

Mais dans un documentaire au vitriol sorti en 2015, « La fête est finie », le réalisateur Nicolas Burlaud dénonce un prétexte à transformer la ville en marchandise au prix de l’exclusion des classes populaires.

« Des pans entiers d’une culture pourtant très riche dans la région Paca comme le rap ou encore la musique électronique sont toujours ignorés », déplore Bernard Aubert, directeur du festival des musiques du monde, la Fiesta des Suds. « La métropole d’Aix-Marseille-Provence représente 1,8 million d’habitants mais elle fonctionne notamment en matière culturelle encore comme un village, avec une élite très fermée », souligne-t-il.

Selon lui, après « une opération communication », « le soufflé est vite retombé ». Pour preuve, dit-il, le festival-marché des musiques du monde, Babel Med Music, estampillé MP2013, ne verra pas le jour cette année, après quatorze éditions, en raison d’une coupe budgétaire drastique de la région.

« Entre 2012 et 2017, les subventions de fonctionnement des collectivités ont baissé de 30 % », déplore également Anne Guiot, directrice de l’association Karwan, acteur majeur de MP2013, dont les projets pour 2018 « trop ambitieux n’ont pas été retenus ».

Que reste-t-il de MP2013 ? « L’ouverture du métro après 22H30 et ce n’est pas rien quand on veut aller à un spectacle le soir », relève-t-elle, amusée.

MP2013 a permis d’aller à la rencontre du monde de l’entreprise « sans qui certains projets n’auraient pas vu le jour et nous a appris à frapper à d’autres portes », souligne cependant Mme Guiot.

Les différents acteurs culturels travaillent ensemble, ce qui n’était pas le cas avant, soulignent aussi leurs représentants. « On s’est rendu compte que le potentiel de la ville est immense pour peu qu’on continue et qu’il soit accompagné de grands gestes politiques en matière d’urbanisme », s’enthousiasme Macha Makeïeff.

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