Dépense publique : le gouvernement en funambule avec Cap 22

Publié le 20 juillet 2018 à 12h20 - par

Comme si de rien n’était, le gouvernement continue de maintenir un secret de polichinelle sur le rapport Cap 22 et ses pistes d’économies dans la sphère publique, bien que son contenu, réclamé par les oppositions, ait déjà largement fuité dans la presse.

Dépense publique : le gouvernement en funambule avec Cap 22

Défloré dans ses grandes lignes par Le Figaro cette semaine, après avoir percolé au compte-gouttes ces derniers mois, le rapport du Comité action publique 2022, commandé fin septembre, se décline en feuilleton.

Ce rapport a identifié 30 milliards d’euros d’amélioration des comptes publics via, notamment, la suppression de la TVA réduite et des aides à la transition énergétique, des propositions que le gouvernement a « enterrées », avait rapporté lundi 16 juillet Le Figaro.

Pas vraiment la stratégie idéale de communication imaginée par Matignon autour de ce document promis comme explosif dans ses propositions.

Plutôt que de le dévoiler d’un bloc lors de sa remise, puis de livrer ses arbitrages, le Premier ministre espérait en présenter les seules mesures retenues « au fur et à mesure » des réformes (fiscalité, accès aux soins, audiovisuel public…), de juillet à octobre, avant de le publier. Une manière de ne pas focaliser l’attention sur le chiffre global de 30 milliards d’euros d’amélioration des comptes publics, mais plutôt sur les différents axes de « transformation ».

« Il me paraît qu’il est plus intéressant de discuter sur ce que nous allons faire que sur tel ou tel rapport. J’assume ça parfaitement », a souligné Édouard Philippe jeudi devant les sénateurs.

« J’ai le souvenir de beaucoup de rapports – j’ai même dû participer à certains d’entre eux – demandés par beaucoup de gouvernements, dans lesquels on proposait 50, 70, 100 propositions. Et le débat se concentrait alors sur une mesure », a-t-il ajouté pour illustrer la pertinence de sa tactique.

Car à Matignon, on fait valoir que « le rapport n’était pas là pour donner le la », contrairement par exemple à celui qui a guidé l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Lors de l’installation du comité d’une quarantaine d’experts, l’entourage du Premier ministre avait bien précisé qu’il était « consultatif » et non « décisionnel », dans une tentative précoce de désamorçage.

« Secret défense »

« Sur Cap 22 on a senti que le rapport n’allait non pas stimuler le débat mais l’amoindrir. Et qu’on allait débattre non pas des décisions du gouvernement mais des décisions du gouvernement au regard du rapport. Ce n’est pas ce qu’on veut faire », ajoute-t-on encore à Matignon.

Le précédent du rapport commandé à Jean-Louis Borloo sur les quartiers a également échaudé l’exécutif. Finalement très peu suivi par Emmanuel Macron, son traitement avait fini par éclipser les annonces du chef de l’État.

Malgré les fuites, le gouvernement se cramponne donc à sa méthode, désireux de montrer que « ça n’est pas à un rapport de dicter au fond le calendrier, l’ampleur, le séquençage de la manière dont nous souhaitons transformer le pays », dixit le porte-parole Benjamin Griveaux.

Mercredi, M. Philippe en a donné un exemple en retenant quatre orientations issues de Cap 22 sur le service public de l’emploi, tout en indiquant rejeter la préconisation d’ouverture à la concurrence pour Pôle emploi.

Cependant, le mystère relatif entourant Cap 22 a le don d’agacer, à l’image du patron des Républicains Laurent Wauquiez accusant le gouvernement de « bricoler dans son coin un plan secret ».

Début juin, un député La République en marche déplorait amèrement « que les parlementaires aient été très éloignés de la réflexion ».

« Cap 2022, c’est secret défense », a encore raillé mercredi sur franceinfo Gérard Larcher, président LR du Sénat.

Les présidents des commissions des Finances à l’Assemblée nationale et au Sénat, Éric Woerth (LR) et Vincent Eblé (PS), ont réclamé la publication sans tarder du rapport.

« Afin que la commission des Finances soit pleinement informée dans la perspective de ses prochains travaux sur le projet de loi de Finances pour 2019, je vous serais (…) gré de bien vouloir nous communiquer ce rapport dans les meilleurs délais », a écrit Éric Woerth, dans un courrier au Premier ministre Édouard Philippe. Le député de l’Oise juge « regrettable que les députés n’aient pas été destinataires de ce rapport et aient seulement pu prendre connaissance des principales conclusions par voie de presse ».

Son homologue au Sénat, le socialiste Vincent Eblé, a appelé dans un communiqué le gouvernement « à rendre public sans plus attendre le rapport » Cap 2022. « S’il convient de distinguer les propositions du comité des décisions gouvernementales qui pourront en découler, garder ses conclusions secrètes porte atteinte à la clarté du débat public et à l’information des parlementaires », estime le sénateur de Seine-et-Marne.

Philippe Laurent, membre du Cap 22 et secrétaire général de l’Association des Maires de France, a fait savoir son « étonnement pour ne pas dire davantage » concernant le traitement du rapport, se disant « estomaqué par les fuites ». Et refuse « d’être complice » de « ce qui s’apparente maintenant à un jeu de dupes ».

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