Paris : le lavage utile du Centquatre

Publié le 5 janvier 2010 à 0h00 - par

Le Centquatre, établissement artistique de la ville de Paris, s’est engagé pour l’insertion professionnelle. Dans son marché de nettoyage, il a attribué 20 points au critère d’insertion.

Paris : le lavage utile du Centquatre

Pour tout comprendre

Ouvert en octobre 2008, le Centquatre, établissement public de coopération culturelle (EPCC) a vocation de création et de production artistique. Ses statuts prévoient qu’il contribue au développement des quartiers du nord-est parisien en favorisant notamment les dispositifs d’insertion par l’activité économique. « Ce territoire se caractérise par une forte précarité et un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes », raconte Eve Plenel, responsable insertion prévention, « ce nouvel équipement doit être une opportunité sociale et économique. » La politique d’achat de l’établissement est vite apparue comme un levier efficace pour atteindre cet objectif : « Pour chaque achat, on commence par effectuer un diagnostic du secteur d’activité concerné et du volume de la commande afin de déterminer l’opportunité et le périmètre d’une clause sociale. »

En 2008, l’établissement lance un appel d’offres ouvert européen, d’un an renouvelable, pour des prestations de propreté, d’hygiène et de lavage de vitres. Il comprend un prix forfaitaire pour le nettoyage régulier et des prestations passées par bons de commande pour les manifestations exceptionnelles. Le règlement de consultation comprend un article sur l’insertion par l’activité économique : « en application de l’article 14 du Code des marchés publics, l’entreprise choisie […] est invitée […] à proposer une action d’insertion qui permette l’accès ou le retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières. Une offre qui ne satisfait pas à cette condition sera irrecevable pour non conformité au cahier des charges », peut-on y lire.

Quatre sous-critères pour l’insertion

Le critère de l’insertion vaut pour 20 % de la note finale (valeur technique : 45 %, prix : 25 %, performance en matière de protection de l’environnement : 10 %). Les quatre sous-critères sont : la qualité de l’encadrement professionnel, de l’offre de formation, de l’accompagnement et du suivi social ; la progression du niveau de qualification et les perspectives d’accès à l’emploi durable. Pour obtenir ces points et effectuer les 7 500 heures d’insertion souhaitées, les candidats doivent choisir entre quatre options : la cotraitance, la sous-traitance, la mutualisation des heures d’insertion ou l’embauche directe.

Leur mémoire technique comprend une partie « organisation de l’insertion ». Le candidat doit, en fonction de l’option choisie, décrire : sa politique ; l’encadrement proposé aux bénéficiaires ; l’organisation et les moyens mis en place pour réaliser les objectifs ; les modalités de suivi pour assurer une formation et un accompagnement des bénéficiaires de qualité, ainsi que le niveau de qualification professionnelle attendu à l’issue du marché.

En cas d’embauche directe, le candidat indiquera les efforts prêts à être consentis pour former ces personnes et les accompagner dans leur insertion professionnelle. Sept personnes ont été employées en CDI par la société retenue. Six candidats avaient postulé.

Entretien avec Eve Plenel, responsable insertion prévention au Centquatre

« Le recours à la clause sociale est encore rare »

HA : Pourquoi utiliser un marché de nettoyage pour l’insertion ?

Eve Plenel : Il fallait un marché conséquent pour qu’une clause sociale ait du sens en termes de création d’emplois et pour qu’elle puisse être prise en compte dans les critères d’attribution pour l’exécution du marché. Nous savions que 7 500 heures pouvaient être dédiées à l’insertion, soit quatre équivalents temps plein. L’innovation : demander aux candidats de s’engager sur le volume d’heures et sur une méthodologie évaluée dès l’analyse des offres au même titre que la qualité technique des prestations.

HA : Vous avez organisé une réunion avec les éventuels candidats, pourquoi ?

Eve Plenel : Le recours à la clause sociale est encore rare. Nous souhaitions les accompagner dans cette expérience et garantir ainsi des réponses argumentées, gages d’une bonne exécution de la clause. Nous leur avons présenté notre démarche lors d’une réunion couplée à la visite du site obligatoire. Nous ne voulions pas que le titulaire se contente d’employer des chômeurs pour « remplir le quota » sans se soucier réellement de leur sort.

HA : Combien de candidats ont répondu ?

Eve Plenel : Six, dont seulement quatre correctement. L’un d’eux sortait du lot. Son réseau de partenaires était bien assis mais son prix était supérieur de 15 à 20 % aux autres. Les trois derniers ont obtenu entre 7 et 7,25 sur 10 pour le critère « insertion ». Ils mettaient l’accent sur la formation dont celle des « encadrants ». Or elle est essentielle pour réussir ce type de mission. L’offre retenue l’a été sur d’autres critères, à savoir un très bon mémoire technique sur la réalisation des prestations et un bon prix.

H.A. : Comment cela s’est-il passé pour le recrutement des personnes en insertion ?

Eve Plenel : Le titulaire avait retenu l’option du recrutement direct. Nous l’avons encouragé à travailler avec des structures d’aide à l’emploi afin de s’appuyer sur un accompagnement social de qualité. Sur le territoire du Centquatre existe une régie du quartier, entreprise d’insertion spécialisée dans le nettoiement. Le titulaire a accepté d’y recruter sept personnes.

H.A. : Tout s’est-il passé à merveille ?

Eve Plenel : Le recrutement s’est bien passé mais nous n’étions pas d’accord sur le volume horaire des contrats, et donc sur le nombre de personnes à recruter. La pratique, dans ce secteur, est de privilégier les petits contrats, à temps très partiel, qui ne favorisent pas l’insertion sociale et l’emploi pérenne. Là, nous sommes sur des contrats de 115 à 120 heures pour sept salariés recrutés.

H.A. : Comment cela se passe-t-il depuis deux ans ?

Eve Plenel : Des formations de vitrerie et à l’utilisation des machines ont eu lieu. TFN-La Maintenance de Paris, la société retenue, a lancé en 2009 un programme de formation en modules qu’il souhaite étendre à ses autres marchés. Les salariés attendent des formations de calcul, de management, à l’utilisation des machines et aux postures. Parallèlement, un partenariat est en train d’être mis en place pour des cours d’alphabétisation.

H.A. : Avez-vous amélioré votre cahier des charges depuis ?

Eve Plenel : Nous avons réutilisé ce schéma pour un marché de prestations d’infogérance. Le titulaire est une entreprise d’insertion, et nous sommes très satisfaits de l’exécution du marché.

H.A. : Vos conseils ?

Eve Plenel : Il faut connaître le secteur et être prêt à accompagner les candidats puis le titulaire. Les outils d’information sont essentiels.

CONTACT :
Eve Plenel, Responsable insertion prévention
[email protected]


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