Mutualisation des services : inventer sa propre organisation

Publié le 14 août 2018 à 7h30 - par

Le 15 mars, un colloque du Sénat s’est penché sur l’adaptation locale de l’organisation territoriale et les rapports juridiques des collectivités, notamment en cas de mutualisation.

Mutualisation des services : inventer sa propre organisation

En matière de mutualisation, chacun, au sein des territoires, est amené à inventer son organisation, a constaté Françoise Gatel, sénateur d’Ille-et-Vilaine, lors d’un colloque, organisé au Sénat le 15 mars. Les exemples de mutualisation qui ont été présentés montrent la diversité des situations et des questions, juridiques et pratiques, que pose la mutualisation. « Vouloir définir une norme unique paraît très satisfaisant sur le plan intellectuel mais ce n’est pas possible, a poursuivi Françoise Gatel. Il faut faire confiance aux élus {…} ».

Voir comment d’autres collectivités ont procédé – benchmark – paraît indispensable. Il faut aussi expérimenter avant de s’engager définitivement. Sinon, en cas d’échec, l’intercommunalité se trouve fragilisée pour lancer d’autres projets. Autre point indispensable : évaluer les actions.

Par ailleurs, faut-il définir à l’échelle d’un territoire une seule organisation pour toutes les communes, ou prendre en compte des expertises et savoir-faire de nature à faciliter l’exercice des compétences ? Outre les groupements de commandes, l’optimisation des dépenses des collectivités est facilitée par des expertises en ingénierie. Le transfert de certaines compétences de l’État, l’urbanisme par exemple, a souvent amené à structurer, au sein de l’intercommunalité, une compétence qui était auparavant exercée par l’État.

Charles-Éric Lemaignen, vice-président de l’Assemblée des Communautés de France (AdCF), a donné l’exemple d’Orléans, passé en communauté urbaine le 1er janvier 2017, qui avait une compétence exclusive en matière de voirie au sein de la communauté urbaine, devenue métropole. Fallait-il créer une structure unique des services techniques de voirie, au niveau de la métropole, conserver les services techniques de chacune des vingt-deux communes, ou encore envisager un schéma intermédiaire ? Même question pour les centres techniques municipaux : les regrouper ou créer par exemple six pôles opérationnels et cinq ou six centres techniques municipaux ?

Charles-Éric Lemaignen a également insisté sur l’aspect financier. Certaines communes avaient beaucoup dépensé pour conserver leur voirie en excellent état. D’autres, sachant que la voirie deviendrait communautaire par le passage en communauté urbaine, l’ont laissée dans un état déplorable. Il faut donc que le transfert soit neutre entre l’ensemble des communes et la communauté et qu’il soit juste entre les communes. Car la petite commune qui a réalisé un énorme travail pour sa voirie risque alors une « double peine », puisque la logique théorique des attributions de compensation conduit à prélever les montants financiers que la commune consacrait à la compétence transférée. Orléans a défini politiquement les critères assurant à la fois la neutralité entre les communes et l’intercommunalité d’une part, et entre les communes d’autre part. Un diagnostic technique, précisant le montant des dépenses standard d’entretien de voirie et un transfert de la dette, a été réalisé, afin de ne pas trop puiser dans l’épargne disponible des communes. Orléans a donc créé son propre système, en dehors de la logique juridique qui s’impose en principe aux collectivités. Le principe d’exclusivité de l’intercommunalité a été laissé de côté dans cette démarche, étant entendu que la mutualisation doit éviter les doublons.

Les services de la ville et ceux de la communauté urbaine ont fusionné en 2014 et tous les services ont fusionné en 2015, une tâche assez simple. Parallèlement, l’agglomération de l’époque avait essayé de mutualiser les services fonctionnels des vingt-deux communes, ce qui a représenté un travail considérable, avec une cinquantaine de réunions de conseils municipaux. Les services fonctionnels ont été séparés en six grandes familles et trente-deux fonctions. En moyenne, vingt-quatre de ces compétences ont été mutualisées. Trois communes les ont toutes mutualisées et une commune n’en a mutualisé qu’une seule. Le passage en communauté urbaine et en métropole a cependant été rendu possible parce que les petites communes étaient convaincues de la transparence et de « l’honnêteté » du dispositif, dans lequel la grande ville n’allait pas « manger » les autres.

Selon Charles-André Lemaignen, l’intercommunalité a pour rôle de fixer le cap et de se donner le temps de la mise en œuvre, pour éviter des blocages qui rendent les évolutions impossibles.

Communauté urbaine depuis 1974, Brest Métropole fonctionne avec du personnel entièrement mutualisé depuis 2007. Les trois catégories d’agents métropolitains dépendent d’un seul employeur : ceux travaillant sur les compétences métropolitaines, ceux travaillant dans le périmètre des compétences de la ville de Brest et ceux travaillant pour les services communs. Frédérique Bonnard Le Floch, vice-présidente de Brest Métropole, n’y voit que des avantages : rationalisation et efficience du service public, sentiment d’appartenance des agents, qui se distinguent par leur métier et non par leur appartenance à la ville ou à la métropole. Ils bénéficient de tous les avantages d’un employeur unique (équité des rémunérations ou des règles d’avancement). La métropole se concentre sur le service rendu et non sur la mécanique administrative qui permet de le produire. D’où un facteur de productivité extrêmement important : « la diminution des heures improductives servant à régler la machine est évaluée comme supérieure au gain obtenu en augmentant le temps de travail ».

Marie Gasnier


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