Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France : “Les questions budgétaires sont au cœur de nos travaux !”

Publiée le 23 octobre 2024 à 15h10 - par

À la suite de la convention d'Intercommunalités de France qui se tenait du 16 au 18 octobre dernier au Havre, Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, revient pour WEKA sur les actualités de l'association.
Sébastien Martin : “Les questions budgétaires sont au cœur de nos travaux !”

© Crédit photo Charlotte Geoffray

Que pensez-vous de l’effort demandé par le Premier ministre aux collectivités locales dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2025 ? Les intercos ne doivent-elles pas contribuer aussi ? Sur quoi porte votre combat lors des discussions sur le PLF ?

Lors de notre assemblée générale au Havre, les intercommunalités ont très clairement exprimé leur refus de ces mesures, qui n’ont fait l’objet d’aucune concertation avec les associations d’élus et s’apparentent à des coupes aveugles dans nos budgets.
La contribution au fonds d’épargne coûterait 3 Mds€, soit 15 % de l’épargne brute des collectivités, lesquelles représentent ensemble les deux tiers de l’investissement public local. À ce titre, nous avons fait des estimations territoire par territoire qui sont particulièrement alarmantes pour tous les élus locaux.
Le gel de la dynamique de TVA, pour 1,3 milliard d’euros, vient quant à lui purement et simplement trahir la parole de l’État qui s’était engagé à ce que les collectivités bénéficient de la dynamique de l’impôt, en remplacement de la taxe d’habitation et de la CVAE. Je veux aussi attirer l’attention sur des mesures qui ne sont pas suffisamment commentées, comme le relèvement du taux de cotisation à la Caisse de retraite des agents, qui coûtera au moins 1,5 milliard d’euros aux collectivités en 2025.
Nous l’avons redit au Havre : nous avons toujours plaidé pour une communauté de destin des acteurs publics devant les comptes de la Nation. Les intercommunalités sont prêtes à faire des efforts, à condition qu’ils soient justement répartis et ne freinent pas l’investissement public, en particulier dans la transition écologique.
À cette date, nous avons soutenu des amendements de suppression des mécanismes du fonds d’épargne et du gel de la TVA, tous votés en commission des finances de l’Assemblée nationale. Désormais, la lecture reprend à l’Assemblée nationale sur la base du texte initial.

Le Premier ministre a annoncé la fin du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux intercommunalités en 2026. Cette souplesse n’est-elle pas sage devant les réticences de beaucoup de communes et syndicats en la matière ?

Soyons clairs, ce n’est pas le Premier ministre mais l’Assemblée nationale qui décidera de la fin du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement. Nous n’en sommes qu’au début du débat parlementaire et je ne doute pas que les députés seront au rendez-vous pour améliorer le texte de la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Michel Arnaud (ndlr : Union centriste).
Le transfert à l’intercommunalité permet de planifier les investissements, de développer les interconnexions, de mutualiser l’ingénierie et d’assurer un meilleur suivi de la qualité de l’eau. C’est sans doute la réforme la plus ambitieuse de la gestion de l’eau dans notre pays depuis de nombreuses années. Je trouve surprenant que le Premier ministre y renonce alors qu’il a fait de l’eau un sujet prioritaire dans sa déclaration de politique générale.
Les Français sont attachés à la ressource en eau et à une gestion rigoureuse et exigeante à l’échelle intercommunale. Le sondage Ifop/Intercommunalités de France (IdF) auprès de 5 000 Français de l’hexagone et de l’Outre-mer que nous avons publié à l’occasion de la convention le montre : 76 % des Français concernés sont satisfaits de l’action de leur intercommunalité en matière de prélèvement, de traitement et de distribution de l’eau potable. Et près des deux tiers d’entre eux estiment que l’échelon intercommunal est le plus adapté (ndlr : 65 % pour l’assainissement des eaux usées et 61 % pour la distribution d’eau potable). Revenir sur cet engagement, vieux de dix ans, se ferait au mépris de l’impératif de sobriété et au mépris du travail des élus engagés dans ces transferts.

Quels sont les autres résultats intéressants du sondage Ifop/IdF déjà évoqué mais aussi de celui du Cevipof/IdF réalisé en même temps auprès de 3 000 élus communaux et intercommunaux ?

Très clairement, les Français placent les thématiques environnementales en haut de la liste des priorités pour les élections de 2026, avec l’eau en tête – la distribution de l’eau potable (61 %), l’assainissement des eaux usées (59 %) et la gestion des déchets (58 %) – et les questions de mobilité : la voirie (60 %) et l’organisation des transports urbains (58 %). Seule la question de la lutte contre la délinquance (58 %), qui est, elle, une compétence très périphérique, ressort dans le top 6.
L’autre enseignement, c’est le maintien de la confiance des Français dans le bloc local, ce qui n’est pas le cas des autres institutions nationales. Le couple communes-intercommunalités inspire globalement confiance, aussi bien comme un vecteur d’assurance dans le fonctionnement des services publics (62 %) que comme une source de stabilité dans la mise en place des politiques publiques locales (55 %).
Dans le contexte instable que connaît notre pays, je crois que cette confiance nous oblige. Elle devrait aussi inspirer les responsables publics nationaux : le moment est mal choisi pour affaiblir les collectivités du bloc local.

Quels sont les prochains axes de travail prioritaires pour Intercommunalités de France ?

Dans les prochaines semaines, les questions budgétaires seront au cœur de nos travaux. Pour nos adhérents qui entrent dans la dernière phase des mandats locaux, l’enjeu est bien de faire aboutir les projets sur lesquels ils ont été élus. Préserver leur capacité d’investissement est essentiel, notamment en matière de transition écologique et de maintien des services publics de proximité.
Plus généralement, les associations d’élus seront amenées à travailler ensemble pour que les collectivités locales ne fassent pas les frais d’une situation politique nationale très instable.

Propos recueillis par Frédéric Ville

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