Stanislas Lucienne : “l’impact de la crise sur les finances communautaires est important” (1/2)

Publiée le 29 septembre 2021 à 9h00 - par

Première partie de notre entretien avec Stanislas Lucienne, Directeur général des services de la Communauté de communes de Roumois Seine, Président de la section régionale Normandie du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités (SNDGCT).
Stanislas Lucienne : “l'impact de la crise sur les finances communautaires est important” (1/2)

Les intercommunalités étaient présentées comme des locomotives du développement économique local avant la crise sanitaire. Peut-on dire qu’elles sont devenues des amortisseurs lorsque celle-ci a éclaté ?

Cette image de locomotive doit de mon point de vue être nuancée pour deux raisons complémentaires. Tout d’abord, du fait de la part prise par les régions depuis le tournant des années 1990 dans le développement économique local. Les régions sont devenues des acteurs importants de sa dynamique et l’action des EPCI n’est pleinement efficace qu’autant qu’une synergie vertueuse se crée entre eux et elles. Ensuite, il faut garder à l’esprit que le bloc communal est loin de former un tout monolithique. La réalité des EPCI doit pour cette raison être envisagée au cas par cas, dès lors que leur capacité à faire face aux évènements a bien sûr été contrainte par leurs spécificités propres. Les réponses apportées à la crise ont immanquablement varié d’un établissement à l’autre, du fait d’un paysage intercommunal divers aux moyens financiers et humains disparates.

Ce qui ne veut pas dire que cet échelon de proximité n’a pas su jouer son rôle au cœur de l’épidémie. Les intercommunalités ont, comme tout le monde territorial, cherché à être au plus près des populations avec beaucoup d’inventivité. C’est surtout cette dernière que je retiendrais de cette période : cette capacité des EPCI à faire preuve de résilience pour s’adapter aux évènements et répondre aux besoins de leurs administrés, simples particuliers ou opérateurs économiques, parfois avec peu de moyens humains et financiers.

Quelles ont été les actions marquantes prises par votre territoire pour faire face aux évènements ?

La Communauté de communes de Roumois Seine (CCRS) a la particularité d’avoir en charge plusieurs services à la population dans le champs de l’éducation et de la jeunesse ou en direction des personnes âgées – autant de services qui sont sources d’emplois directs et indirects et donc de retombées économiques importantes pour le territoire.

Garantir le niveau de service pour permettre la continuité de ces emplois et des activités d’intérêt général qui vont avec a été en soit un défi, comme pour de nombreux territoires. Par exemples, le maintien du service d’instruction du droit des sols ou de compétences comme les déchets ou l’assainissement a représenté et représente dans ce contexte un effort important.

Pour y parvenir, nous avons certes parfois fait le choix de nous appuyer sur les nouvelles technologies, de façon à allier santé des agents et continuité du service public. Le télétravail a pu être utile à la poursuites de certaines actions pour identifier les opérateurs économiques du territoire en grandes difficultés et les informer des mesures d’aides auxquels ils avaient droit. Roumois Seine a en effet cherché, à chaque fois que cela était possible, à être un relais de proximité des différents dispositifs d’accompagnement financier pour le monde des entreprises. Sans compter sa participation au financement des dispositifs de soutien mis en place par l’État ou par les régions. La visio-conférence a en parallèle également parfois été un atout en termes de management des équipes et de coordination des actions entre les différents acteurs publics et privés associés à la gestion de la crise.

Mais chacun comprend bien que ces outils ne sont pas sans limites : il y a des fonctions opérationnelles dont le maintien était indispensable pour assurer la continuité de la vie économique ou faciliter la reprise des activités au sortir des confinements qui ne peuvent être réalisées à distance. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes investis sur l’organisation d’un centre de vaccination. Au vu de la composition sociologique de notre territoire formé de communes de petite taille, une telle initiative s’est avérée particulièrement nécessaire pour accompagner la relance.

Ça c’est ce qui a marché. Mais qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Il est important d’avoir une lecture critique de notre action, de façon à en tirer des enseignements pour le futur et à améliorer toujours plus notre service à la population et aux opérateurs économiques. À ce jour, il est toutefois encore un peu tôt pour faire le bilan. Celui-ci dans l’ensemble sera sans aucun doute positif, puisque la CCRS a su relever les défis quotidiens et être présente chaque fois qu’elle le pouvait au regard de ses moyens.

La véritable difficulté mise en lumière par la crise tient à l’aggravation de l’effet ciseau qui pesait déjà avant sur les finances locales. Sur ce dernier point, force est en effet de constater que l’impact de cette période sur les finances communautaires est important. Les évènements sont venus bouleverser les prévisions et les équilibres budgétaires et poseront inévitablement à terme la question des choix à opérer pour concilier soutenabilité de la dette et actions en faveur de la relance.

Justement, à l’avenir, comment voyez-vous le rôle des intercommunalités en matière de développement économique ? Lequel ou lesquels de ces qualificatifs leur irait-il le mieux : béquille du développement communal ? Incubateur (à innovation) face aux défis de la transition écologique ? Relai de la politique régionale et nationale ? Autre chose ?

Les ressorts du développement économique sont forcément multifactoriels. Aussi, en réponse et de manière un peu facétieuse, je dirai un peu des trois.

Plus que l’image d’une béquille, qui induit un caractère souvent temporaire, je préfère toutefois celle du soutien, car l’échelon intercommunal est devenu indispensable au développement économique de proximité sur la durée. Nombre de ses moyens d’action s’inscrivent d’ailleurs dans le temps, que l’on songe aux dispositifs Petites Villes de demain (PVD) ou encore aux travaux d’aménagement et d’urbanisme menés avec l’aide de l’intercommunalité. Sous cette réserve, nous agissons bien en renfort des communes, par exemple en les accompagnant dans leurs actions pour revitaliser les centres bourgs et relancer leur dynamique commerciale. Nous le faisions déjà avant la crise mais cette dernière nous permet désormais de le faire avec les moyens supplémentaires du plan de relance.

Incubateur, nous le sommes également à des degrés divers et selon nos moyens mais que ce soit dans l’accompagnement des démarches « contrat de relance et de transition écologique » (« CRTE ») ou la mise en œuvre de nouveaux outils de développement comme la fibre ou les tiers lieux, les intercommunalités sont là. Nous contribuons ainsi, par notre action, notamment d’aide à l’ingénierie, à l’émergence de nouvelles pratiques qui participeront à terme à la création de nouveaux usages et de nouveaux emplois sur le territoire, dans une perspective de développement durable.

Enfin, les intercommunalités sont bien des relais des différentes politiques. Elles prennent parfois l’initiative de les impulser mais sont le plus souvent sollicitées pour les accompagner, que ce soit par l’État, les régions, les départements ou les communes membres elles-mêmes. Le CRTE en est un parfait exemple.

Propos recueillis par Fabien Bottini, Professeur des Universités à l’Université du Mans, Membre Sénior de l’Institut Universitaire de France, Membre du Thémis, Membre associé du LexFEIM

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