Matthieu Girier, président de l’adRHess : “Un soignant bien traité est un bon soignant”

Publiée le 7 février 2022 à 9h00 - par

Entretien avec Matthieu Girier, président de l'association des DRH des établissements hospitaliers (adRHess), directeur du pôle des ressources humaines du CHU de Bordeaux, issu du dossier « Qualité de vie au travail : comment le Covid a tout bouleversé », paru dans WEKA le mag #1 de janvier-février 2022.
« Un soignant bien traité est un bon soignant »

La crise sanitaire a un impact sur les équipes engagées à l’hôpital. Quel regard portez-vous sur ce moment si particulier qui n’est pas encore terminé ?

La crise nous apprend beaucoup de choses. Elle a démontré ce que nous étions capables de faire. Elle a changé le travail en équipe, la capacité à trouver des solutions et à prendre des décisions. La prise de décision est d’ailleurs plus fluide, plus partagée et plus efficace. Elle a illustré ce besoin de renforcer la participation des agents, un besoin d’implication des personnels dans leur travail, dans les services, une envie de participer davantage aux choix collectifs.

Cette façon de fonctionner montre qu’il y a un besoin à réorganiser les moyens hospitaliers. Pour cela, il est nécessaire d’expliquer les décisions, pourquoi on le fait et comment le faire ensemble. Enfin, les hospitaliers sont des hommes et des femmes qui ont le droit d’avoir des émotions, des difficultés : les hospitaliers ont besoin d’être accompagnés dans ces périodes difficiles, et c’est la mission qui échoit aux directions des ressources humaines hospitalières.

On imagine qu’il est difficile de parler ou même de travailler sur la qualité de vie au travail dans ces conditions

C’est en effet compliqué : la charge morale, mentale, physique est très lourde, pour tout le monde, qu’il s’agisse des soignants, ou des personnels médico-techniques, administratifs, techniques, ouvriers. Dans ce tunnel sans fin, l’engagement est toujours là, parce que ceux qui ont fait le choix de rejoindre l’hôpital public l’ont fait pour des raisons d’engagement au service du patient, pour les valeurs qu’il sous-entend : ces moteurs sont cependant aujourd’hui en train de s’essouffler, et parler de qualité de vie au travail peut être mal interprété dans le contexte actuel.

Cette prise de parole est d’autant plus complexe qu’il est difficile d’en donner une définition. C’est un tout et ce n’est pas tant une somme d’actions, c’est une façon de concevoir la structuration d’une organisation, de promouvoir le bien-être, de renforcer l’équipe dans sa capacité à prendre des décisions ou à être attractive. Quand je pense qualité de vie au travail, je pense aussi à Margaret McClure qui parlait en 1983 d’hôpital magnétique. L’hôpital magnétique a la capacité d’attirer et de retenir le personnel soignant : si un soignant est bien traité, il sera un bon traitant. Et si un patient est bien traité, il sera fidèle aux équipes qui le prennent bien en charge. C’est un cercle vertueux : l’hôpital devient alors un lieu où il fait bon travailler et où il fait bon d’être soigné.

Que prendre en compte quand on parle de qualité de vie au travail ? Qu’allez-vous prioriser une fois la crise terminée ?

Il est primordial d’accueillir les agents correctement, que tout nouvel arrivant se sente bien accueilli individuellement et qu’il ou elle se sente reconnu. Cela passe par un environnement matériel et structurel qui offre de meilleures conditions de vie au travail. Les attentes sont très fortes à ce sujet auxquelles nous devons répondre. Cela passe donc par l’écoute, de répondre à ce qu’on appelle communément les irritants du quotidien. Il s’agit pour les directions hospitalières de répondre au manque de potences de lit pour permettre aux patients d’être pris en charge correctement, d’offrir des fauteuils et des lits fonctionnels pour pouvoir s’asseoir et se relever plus facilement, ou, du coté des agents, installer un micro-ondes manquant dans une salle de repos.

Je pense aussi à d’autres exemples : lorsque vous n’avez pas de service de restauration le week-end ou les nuits, vous pouvez décider d’installer un distributeur de repas. Il suffit de 3 m2 et de l’électricité. Les repas peuvent être fournis par la cuisine centrale de l’hôpital ou par un prestataire. C’est simple et ça change la vie des soignants qui n’ont pas à s’occuper de leurs repas une fois rentrés chez eux après leur service.

C’est aussi régler les problèmes de linge, un service qui doit être rapide et efficace. C’est permettre aux nouveaux soignants d’avoir une blouse et un accès au système informatique, dès le premier jour et pas le quatrième jour. La qualité de vie au travail, c’est un mélange de grandes choses et de choses plus petites.

WEKA Le Mag L'intelligence de l'action publique locale

Un dernier mot sur votre engagement auprès du think tank « le Sens du service public » qui regroupe des agents des trois fonctions publiques. Vous souhaitez participer à la campagne présidentielle et être force de proposition en vue des élections. Quel est le sens de cet engagement ?

Ce think tank est composé de 15 agents publics des trois fonctions publiques qui portent l’envie de moderniser l’administration, et rendre un meilleur service aux citoyens. Notre démarche vise à promouvoir un service public humain, de proximité, apaisé, de qualité et qui prend en compte les besoins de la société : l’exemplarité, la proximité, le développement d’un service public durable et écologiquement responsable, tout en développant une écoute démocratique à destination des citoyens.

Propos recueillis par Hélène Leclerc

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