Personnes âgées : pour une nouvelle politique du bien vieillir

Publié le 25 juillet 2011 à 0h00 - par

Dans le cadre du débat national sur la dépendance, le gouvernement a installé, en février, quatre groupes de travail. Voici la synthèse des travaux du groupe « Société et vieillissement ».

Les quatre groupes de travail sur la prise en charge de la dépendance ont remis, fin juin, leurs rapports et leurs recommandations au gouvernement. Le groupe « Société et vieillissement » était animé par Annick Morel, inspectrice générale des affaires sociales. Voici la restitution de ses travaux.

Rejetant « la vision négative actuelle du vieillissement et de la perte d’autonomie des personnes âgées, qui explique en partie un « déni de projection », une approche fataliste peu propice à la prévention et des politiques peu imaginatives du grand âge », ce groupe de travail affiche deux convictions fortes. Tout d’abord, la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées « sera d’autant meilleure que les Français accepteront le vieillissement comme un élément positif de leur parcours de vie. » Ensuite, la dynamique du lien social, l’intégration dans la ville et le quartier, dans les réseaux sociaux, qu’ils soient familiaux ou amicaux, constituent « des composantes essentielles du bien vieillir et de la prévention de la perte d’autonomie. »

Le groupe suggère de combattre les « constructions sociales péjoratives », en décalage avec les réalités actuelles. En effet, grâce  progrès médicaux, économiques et culturels, la vieillesse se concrétise aujourd’hui plus tardivement. La perte d’autonomie n’affecte « qu’une minorité de personnes très âgées et peut être évitée ou retardée, non seulement par des actions médicales, et médico‐sociales, mais aussi sociales, qui visent à maintenir vivants les liens des personnes âgées avec leur entourage et leur voisinage. »
 

1/ Cadre de vie, habitat, logement : « un nouvel axe fort des politiques du bien vieillir chez soi »

« Penser le logement des personnes âgées comme un élément du bien vieillir, conçu dans un environnement favorable, mixant les générations, à proximité de services et d’équipements, devrait être fortement encouragé, traduisant un choix collectif pour le maintien à domicile », explique le groupe de travail.

Pour cela, il propose d’instaurer une obligation pour les communes et les intercommunalités de prendre en compte le vieillissement dans les documents locaux d’urbanisme, mais aussi des échanges de pratiques et la promotion d’expériences probantes entre les villes, les bailleurs sociaux, les agences d’urbanisme, favorisés par les ministères du logement et de la cohésion sociale, avec l’Association des maires de France (AMF).

« Dans ce cadre, le développement d’habitats adaptables et adaptés au vieillissement et à la perte d’autonomie, intermédiaires entre le domicile et l’établissement, pourrait être une orientation nouvelle des politiques publiques du vieillissement, accompagnée en tant que de besoin par des expériences tarifaires de prise en charge des soins et du soutien social pour les résidents âgés », soutient le rapport. Ces expérimentations devront être évaluées pour être reproductibles et comparées aux coûts de la prise en charge en établissement.

De même, l’adaptation des logements privés à la perte d’autonomie apparaît comme « un axe prioritaire immédiat, conforme à la fois au souhait des français de vieillir chez eux (73 % des plus de 60 ans sont propriétaires de leur logement) et à une logique préventive (prévention des chutes et maintien du lien social). » Les propositions du groupe de travail visent à faciliter ces aménagements, notamment pour les personnes les plus modestes, par une augmentation du budget de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), une affectation volontariste des fonds d’action sociale existants des caisses vieillesse et un financement par les départements facilité par une modification de l’APA.

2/ Le pari de la prévention

« L’affirmation d’une politique de prévention plurielle (médicale, médico‐sociale et sociale) de la perte d’autonomie, forte, visible, conduite dans la durée, évaluée, organisée, est essentielle », plaide le groupe. Cette politique « pourrait permettre à l’ensemble de la population de vieillir en meilleure santé, contenir l’augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie et limiter, le cas échéant, l’ampleur des incapacités, offrant ainsi un impact financier non négligeable. » Actuellement, l’absence d’un cadre national de référence de la prévention, la dispersion des actions et des acteurs, la faible professionnalisation des opérateurs font de la prévention « un axe « mou » des politiques publiques, dont ni les contenus, ni les dimensions financières ni les résultats ne sont identifiés », déplore le rapport.

Les orientations du groupe visent à fédérer les acteurs par la mise en place d’un cadre stratégique national et des référentiels communs, à mieux cibler les actions de prévention sur les personnes qui en ont le plus besoin, à engager des expérimentations, évaluées, avec des professionnels de santé, des établissements médico‐sociaux ou des caisses de retraite. Il propose deux scénarios d’organisation des acteurs de la prévention au niveau territorial, les ARS étant, dans les deux cas, les chefs de file des schémas de prévention territoriaux, articulés avec les départements et les communes. L’un verrait les caisses vieillesse devenir des acteurs de premier plan dans ce domaine, en articulation étroite avec les ARS, sans financement supplémentaire, grâce au redéploiement de leur action sociale et au développement des partenariats entre les différents régimes ; l’autre confierait ce rôle aux départements, sous réserve que de nouveaux moyens leur soient affectés, soit par transfert des fonds d’action sociale des caisses vieillesse soit par affectation de moyens supplémentaires.

3/ Une coordination à concrétiser enfin autour des personnes et de leurs familles

Pour le groupe de travail, la multiplicité des acteurs et des financements consacrés à la perte d’autonomie ne saurait justifier l’extrême complexité que les personnes âgées et leurs familles doivent affronter. « La dispersion actuelle des actions emporte, pour la collectivité, une moindre optimisation de ses efforts par le recours aux formules de prise en charge les plus coûteuses (hospitalisations, par exemple), en dépit des dispositifs de coordination empilés sans succès depuis 30 ans. »

Une organisation des acteurs devrait aboutir à la mise en place d’une sorte de « guichet unique » pour les personnes âgées et leurs familles. « Cette fonction de coordination, distincte de la mission d’attribution des aides, doit être pérenne opérationnelle, et de proximité, donc reconnue par la loi, qui doit désigner une autorité responsable », dessine le groupe de travail. Si l’un des scénarios propose de confier ce rôle aux ARS, « il serait plus logique de l’attribuer aux départements, responsables de la politique gérontologique et qui pourront l’organiser au plus près des besoins. » Quel que soit le pilote retenu, la mise en place de cette mission exige des moyens, que le groupe a évalués à 135 millions d’euros.

« La coordination permettra, sur la base d’une évaluation multidimensionnelle rénovée des besoins d’aide des personnes âgées, de mobiliser plus efficacement à leur bénéfice, non seulement l’APA, mais aussi des moyens médicaux, médico-sociaux (services de soins à domicile) ou sociaux (adaptation du logement, associations bénévoles qui interviennent pour lutter contre l’isolement) », conclut le rapport, sur ce volet.

4/ Une reconnaissance des aidants et des soutiens organisés par le département

Toute prospective sur l’aide familiale future est extrêmement fragile, tant il est difficile d’anticiper sur l’évolution des relations familiales ou la propension des uns et des autres à aider ou être aidé, avance, avec prudence, le groupe de travail. En revanche, il est certain que l’aide sera d’autant plus importante que les aidants seront soutenus. Dans cet objectif, le groupe propose que leur information et leur soutien par des dispositifs adaptés (formation, aides au répit) soient reconnus par la loi comme une fonction qui devrait être confiée au département et organisée par cette collectivité territoriale. Des améliorations doivent également être apportées pour rendre plus aisée la fonction d’aidant, notamment en matière d’articulation avec la vie professionnelle. Le groupe considère, enfin, que le développement des solidarités locales et associatives doit constituer un objectif de premier rang pour mieux accompagner le vieillissement de la population.

5/ Expérimenter les nouvelles voies d’une politique du bien vieillir

« Les politiques du bien ou du mieux vieillir sont à mener sur la durée », pose, d’emblée, le groupe de travail. En effet, elles vont prendre du temps à se mettre en place et à porter leurs fruits : réorientation des fonds d’action sociale des caisses vers la prévention et l’adaptation du logement, politiques de l’urbanisme, développement des habitats intermédiaires, aménagement des logements… En outre, « le développement des connaissances et l’expérimentation sur une durée convenable (5 ans) sont nécessaires pour tester de nouveaux outils, les évaluer et, le cas échéant les adapter pour les généraliser », poursuit le rapport.

Si ses propositions étaient retenues, les politiques devront ajuster leurs outils et leurs méthodes pour expérimenter et évaluer ces axes nouveaux, explique le groupe de travail. Une feuille de route (calendrier, objectifs) et une organisation en mode projet pourraient être définies au niveau interministériel pour tenir les démarches expérimentales des nombreux chantiers et en tirer des conclusions opérationnelles et pérennes. L’Allemagne procède ainsi depuis 15 ans.

Par ailleurs, « le mode de gouvernance devra être adapté aux problématiques émergentes. » Par exemple, en matière de logement et d’urbanisme, le niveau central interministériel (logement, santé, cohésion sociale) ou régional doit être animateur (production de référentiels, promotion d’études et de recherches) et facilitateur des échanges d’expériences de terrain (communes et intercommunalités). En matière de tarification expérimentale des soins et des soutiens aux personnes âgées dépendantes, notamment à domicile, le niveau central (CNSA, assurance maladie, ministères) devrait se positionner en pilote réactif aux propositions de terrain des ARS. Si les départements devenaient les responsables de la coordination des acteurs autour des personnes âgées et de l’organisation des soutiens aux familles, la CNSA devrait être renforcée dans son rôle de pilotage.

« Finalement, le bien vieillir est l’affaire de tous : le groupe estime qu’il est bon qu’il le reste. Cette implication, actuellement synonyme de dispersion, peut devenir une force si les acteurs sont mieux organisés. Les nouveaux axes d’une politique du « bien vieillir » et les principes de coordination qui lui sont attachés ne sont ni des gadgets, ni des éléments périphériques à la résolution des enjeux de financement de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées ou qui serviraient à les masquer. Ce sont des axes centraux qui peuvent modifier l’approche « déficitaire » et finalement assez fataliste de la vieillesse et de la perte d’autonomie, mais aussi optimiser l’effort public qui leur sera consacré », conclut le groupe de travail.


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