Analyse des spécialistes / Santé et sécurité au travail

Une collectivité a-t-elle l’obligation de trouver un emploi de reclassement ?

Publié le 21 octobre 2014 à 18h01 - par

Lorsqu’un fonctionnaire territorial fait valoir son droit au reclassement et que les conditions pour en bénéficier sont réunies, l’autorité doit rechercher un emploi au sein de ses effectifs, c’est-à-dire examiner toutes les possibilités de reclasser le fonctionnaire.

Une collectivité a-t-elle l’obligation de trouver un emploi de reclassement ?
Philippe NUGUE, Avocat associé du cabinet ADAMASPhilippe NUGUE

Cette obligation qui pèse sur la collectivité territoriale est-elle une obligation de résultat ou de moyen ?

Apparu récemment dans le contentieux de la fonction publique, le droit au reclassement en cas d’inaptitude physique, érigé au rang de principe général du droit, dont on pouvait penser qu’il avait surtout vocation à s’appliquer aux agents non titulaires, est désormais appliqué aux fonctionnaires. (CAA Marseille, 22 février 2005, n° 03MA01229, Jean-Luc X. c/ Cne Argelès-sur-mer).

Le Conseil d’État avait déjà retenu un nouveau principe général du droit « dont s’inspirent tant les dispositions du Code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, (…) lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement » (CE, 2 octobre 2002, n° 227868, CCI Meurthe et Moselle : Rec. CE 2002, p. 319).

À priori, ce principe n’avait pas vocation à s’appliquer aux fonctionnaires titulaires déjà protégés par des textes, aux possibilités cependant plus restreintes. L’article 63 de la loi du 11 janvier 1984 dispose : « Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d’altération de leur état physique, inaptes à l’exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l’adaptation du poste de travail n’est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d’un autre corps ». On trouve des dispositions similaires dans la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale (art. 81) et celle du 9 janvier 1986 sur la fonction publique hospitalière (art. 71). Il faut donc noter que la possibilité d’un licenciement pour inaptitude physique n’est pas prévue par ces statuts.

Pour les agents non titulaires, la Cour administrative d’appel de Paris précise que cette qualité ne fait pas obstacle à l’application de ce principe général du droit (CAA Paris, 5 octobre 2004, n° 02PA02622). Pour les stagiaires, la jurisprudence est encore incertaine.

Les conséquences varient alors selon qu’il s’agit d’agents non titulaires, et de stagiaires, ou de fonctionnaires.

Pour les agents non titulaires (y compris CDI), la collectivité doit attendre l’épuisement des congés maladie, puis faire une proposition de reclassement et enfin prononcer le licenciement si le reclassement est refusé ou impossible.

Pour les fonctionnaires, à l’issue des congés, trois possibilités : le reclassement, la mise en disponibilité ou l’admission à la retraite. La jurisprudence ajoute donc le « droit au licenciement » en cas d’impossibilité de reclassement et, faut-il comprendre, d’admission à la retraite, ou de mise en disponibilité.

Mais pour tous les agents publics, le droit au reclassement reste une obligation de moyens et non une obligation de résultat. La collectivité doit montrer qu’elle a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour reclasser son agent, ses capacités variant selon qu’elle est une grande ou une petite collectivité.

Si l’administration ne respecte pas ces propositions d’adaptation de l’emploi et ne propose à l’intéressé que des postes contre-indiqués par les recommandations du comité médical, l’agent peut légitimement refuser de reprendre l’emploi qui lui est assigné (CE, 26 juin 1991, n° 90755, BAP Paris).

Alors que la demande doit émaner de l’agent, l’employeur public a même l’obligation d’inviter son agent à solliciter le reclassement (CAA Nancy, 10 mai 2007, n° 05NC01494) à peine de nullité de ses décisions.

Le fonctionnaire peut se voir proposer un changement d’emploi ou même, s’il n’est plus apte à exercer l’ensemble des emplois de son grade, un changement de cadre d’emplois, le cas échant avec une formation.

À noter enfin, en cas de refus de poste par le fonctionnaire territorial, sans justifier d’un motif valable lié à son état de santé, le licenciement trouve alors à s’appliquer (article 35 du décret du 30 juillet 1987) après avis de la CAP.

Philippe NUGUE, Avocat associé au sein du cabinet Adamas

* La question des agents non titulaires est réglée par le décret du 15 février 1988.