Coup de froid sur les 35 heures dans les hôpitaux

Publié le 6 octobre 2014 à 0h00 - par

Une large campagne contre les 35 heures est menée actuellement notamment par les fédérations hospitalières. Ses conséquences pratiques amènent à une dégradation brutale du climat social. Zoom sur les diverses positions affichées.

Coup de froid sur les 35 heures dans les hôpitaux

Le Medef

Une première offensive est menée le 17 septembre par le président du Medef lors d’une conférence de presse mentionnant la constitution d’un groupe de travail sur les 35 heures. « Il faut aller au bout et réformer les 35 heures qui posent un problème de compétitivité pour les entreprises françaises »  déclare Pierre Gattaz qui demande un « hebdomadaire de référence par branche ou par entreprise ». La patronat déclare pouvoir créer un million d’emplois si les conditions du droit du travail (jours fériés – Smic – 35 heures…) sont remises en cause.

La Fédération Hospitalière de France

Une seconde offensive intervient le 18 septembre du président  de la Fédération Hospitalière de France (FHF), lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail.

La mise en place des 35 heures dans les hôpitaux est à l’origine de « difficultés organisationnelles et financières dont les établissements peinent à se remettre, plus de 10 ans après. La grande diversité dans l’application du décret de 2002 est le produit d’une méthode de concertation initiale biaisée par les perspectives d’attribution de moyens, contrainte par les délais et un climat social dégradé, et, la plupart du temps, sans réflexion préalable sur les organisations »,  déclare alors Frédéric Valletoux.

L’argumentation de la FHF s’articule sur 3 points :

  • tous les recrutements espérés initialement à la mise en place des protocoles d’accord de 2002 n’ont pas été effectués, 32 000 emplois non médicaux auraient été créés sur les 37 000 prévus…
  • aggravation par la pénurie médicale que connaissent certaines spécialités, par la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) et la réduction des durées moyennes de séjour, l’ensemble générant d' »importantes charges de travail » pour les membres du personnel.
  • ajout de l’impact financier que constitue l’usage de l’intérim, le coût des 32h30 pour le personnel de nuit estimé à 69 millions d’euros et la bombe à retardement que constitue les CET, avec près de 6 millions de jours placés en CET.

44 % des hôpitaux ont déjà renégocié l’accord sur les 35 heures selon une enquête interne FHF, 59 % des établissements ont signé des accords reposant sur 15 jours de RTT ou moins, 38 % ont des accords prévoyant plus de 15 jours de RTT (dont 12 % plus de 20 jours).

La FHF estime que la renégociation des accords locaux devrait être l’occasion de rationaliser et simplifier les organisations, de mettre fin aux jours de congés extraréglementaires (jour de rentrée des classes, jour de médailles, jour du maire…) et de revoir l’organisation du temps de travail à l’hôpital, notamment sur des modalités horaires en 7 heures ou en 12 heures. Elle chiffre même ses propositions de l’instauration d’un plafond de 15 jours de RTT par an et par professionnel qui permettrait de gagner « plus de 640 000 journées, soit 3 200 équivalents temps plein, soit (…) plus de 400 millions d’euros ».

S’il faut réaliser 5 milliards d’euros d’économies dans les hôpitaux, s’il faut mener à bien des réformes structurelles (partage d’équipements, modernisation des organisations, coopérations, développement de la chirurgie ambulatoire…), la conséquence inéluctable pour la FHF est de revoir l’organisation du temps de travail.

La Fédération de l’hospitalisation privée

Le président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) réclame à son tour que la durée légale du temps de travail puisse être revue et négociée au sein des branches professionnelles. « Les 35 heures dans la santé sont un non-sens et nous nous félicitons des propos du président de la FHF, qui vient de reconnaître qu’elles ont été une source d’injustice également dans les hôpitaux publics » affirme Lamine Gharbi dans un entretien accordé à  « Décision santé ».

Les organisations syndicales

Hostiles à la remise des accords sur les 35 heures, les organisations syndicales martèlent que les déficits des hôpitaux ne sont pas dus au fait de la durée et de l’organisation du travail mais de la désorganisation financière liée à la mise en œuvre de la T2A et de la loi HPST, soulignant que de plus en plus d’agents hospitaliers font des heures supplémentaires non payées.

C’est « un tour de passe-passe qui fait porter aux 35 heures tous les dysfonctionnements, y compris ceux dus essentiellement au management irresponsable motivé par la recherche exagérée de rentabilité de la T2A » souligne la CFDT. « Ce n’est pas les 35 heures qui ont désorganisé l’hôpital mais l’insuffisance des créations d’emplois et le passage du travail en 12 heures impulsé par les directions pour faire l’économie d’une équipe par rapport aux trois-huit » indique la CGT. L’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) se dit « consternée par les déclarations du président de la FHF »…

La DHOS

Marisol Touraine a déclaré qu’elle n’avait « pas l’intention » d’ouvrir le sujet des 35 heures à l’hôpital, « n’étant ni un sujet, ni un débat aujourd’hui ». La sous-directrice des ressources humaines à la DGOS, a par ailleurs indiqué : « La question de la difficulté des 35 heures et de ce qu’elle peut induire comme tensions sur les organisations est une question, évidemment, que nous connaissons et que nous n’éludons pas… Au nom du ministère de la Santé, je souhaite dire qu’il n’y a pas dans le dialogue social de sujet tabou, on peut discuter du temps de travail. »

Un groupe de travail sur le travail en 12 heures réunissant les organisations syndicales et les représentants de la FHF a été mis en place dans le but de réaliser un état des lieux du déploiement du travail en 12 heures, d’analyser les textes existants autour de ses impacts et de  proposer des bonnes pratiques sur la mise en place de ce mode de travail, notamment en termes de surveillance et de suivi de la santé des personnels.

Nul doute que cette question des 35 heures va traverser de nouveau l’actualité hospitalière, qu’elle sera un enjeu des élections professionnelles du 4 décembre prochain, que ce débat va rebondir sur le terrain politique. Les réactions très fortes du personnel dans plusieurs hôpitaux à la remise en cause du dispositif des 35 heures et de la diminution des heures d’ARTT qui s’ensuit sont un signe de la sensibilité extrême liée à cette question.

DT.


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