Suppression du jour de carence dans la fonction publique : quelques effets pervers sont à craindre

Publié le 28 mai 2013 à 0h00 - par

Santé RH – Pour les directions d’établissement, l’annonce de la suppression du jour de carence dans la fonction publique par le gouvernement à compter de 2014 n’est peut-être pas une bonne nouvelle. Un édito de Catherine Hontebeyrie-Soulie, directrice d’hôpital.

Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), ne s’y est pas trompé qui a fait connaître son opposition à cette mesure en indiquant que la mise en œuvre d’un jour de carence dans la fonction publique hospitalière en 2011 avait fait chuter l’absentéisme dans les hôpitaux de 3 à 7 % en un an, cette diminution pouvant même atteindre 20 % dans certains établissements…

Pourtant, la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, justifie cette mesure en invoquant l’aspect  » injuste, inutile et inefficace  » du jour de carence mis en œuvre par le précédent gouvernement. Légitimer la suppression du jour de carence pour de telles raisons suscite tout de même quelques interrogations. S’il est exact que cette suppression impactait l’ensemble des fonctionnaires des trois fonctions publiques sans distinction alors que nombre de salariés du secteur privé voient les trois jours de carence qui leur sont imputés en cas d’arrêt maladie pris en charge par leur convention de branche ou d’entreprise, parler d’injustice semble un peu abusif. En effet, d’une part le nombre de jour pris en charge est variable selon les conventions et d’autre part de très nombreux salariés ne bénéficient pas de contrat de groupe. Ils se trouvent alors privés de toute rémunération dès le premier jour d’absentéisme.
L’inutilité de la suppression du jour de carence dans la fonction publique est, elle aussi, sujette à caution. Tout le monde sait que l’absentéisme est supérieur dans le secteur public où il dépasse souvent 8 % par an, contre 4 % dans le secteur privé.
Quant au caractère inefficace de l’instauration du jour de carence s’agissant de diminuer l’absentéisme, les indications fournies par le président de la FHF témoignent du contraire.
Tout cela devrait inquiéter les directeurs d’établissements et tout particulièrement les directeurs des ressources humaines pour lesquels la lutte contre l’absentéisme demeure une préoccupation majeure.

Mais les effets pervers de la suppression du jour de carence dans la fonction publique risquent fort, à terme et compte tenu du contexte économique tendu qui est le nôtre aujourd’hui, de nuire indirectement à l’ensemble des fonctionnaires et non pas uniquement aux directions d’établissements. Jusqu’à quand en effet notre pays acceptera-t-il de supporter une France de plus en plus coupée en deux et son inévitable corollaire, le poids que cela représente pour l’ensemble de la nation ?
De fait, l’annonce de cette mesure au moment même où Bruxelles rend officiel notre déficit public à hauteur de 3,6 % du PIB cette année contre les 3 % promis, fait un peu désordre. Sachant que la suppression du jour de carence coûtera 200 millions d’euros pour les trois fonctions publiques, notre pays va devoir réaliser une dizaine de milliards d’euros d’économies supplémentaires, en sus des dix déjà prévus, pour espérer revenir à l’équilibre financier à l’échéance 2017. Et tout cela dans un contexte de croissance de 0,1 % cette année alors que le budget avait prévu 0,8 %…

S’il est vrai que l’absentéisme est souvent révélateur de conditions de travail difficiles et qu’il convient en conséquence de réfléchir sur ses causes plus que sur les symptômes, les effets pervers de la suppression du jour de carence demeurent possibles. L’annonce par le gouvernement de la mise en œuvre concomitante d’une politique plus stricte de contrôle des arrêts maladies afin de lutter contre les abus n’empêchera pas la suppression du jour de carence d’être perçue comme un avantage de plus en faveur des fonctionnaires.

Si l’on y ajoute la toute récente décision gouvernementale d’ouvrir l’accès au 8e et dernier échelon de leur grille à l’ensemble des fonctionnaires relevant de la catégorie C, l’on a quelques-uns des ingrédients de nature à faire grossir le mécontentement à l’encontre des fonctionnaires dans leur ensemble. 126 000 fonctionnaires seront concernés par cette dernière mesure qui fera progresser leur rémunération de 69 euros bruts mensuels, occasionnant un surcoût de 16 millions d’euros à la charge de l’État. Ce  » coup de pouce  » en faveur d’une catégorie d’agents représentative des plus bas salaires de la fonction publique est effectivement légitime en tant que tel. Mais le risque d’exaspération demeure à l’encontre d’une fonction publique qui coûte parce qu’elle protège ses agents et obtient le maintien de leurs privilèges.

De fait, une rapide comparaison entre le secteur public et le secteur privé fait apparaître un salaire mensuel net moyen de 2 377 euros pour les fonctionnaires contre 2 041 euros pour les salariés du secteur privé ; un absentéisme annuel moyen de 23 jours dans la fonction publique contre 9 jours dans le secteur privé ; un âge moyen de départ en retraite de 58 ans et 4 mois dans la fonction publique (en tenant compte du départ anticipé de certaines catégories de fonctionnaires comme les militaires ou les policiers), contre 61 ans et 11 mois dans le privé ; une durée de travail de 35 heures hebdomadaires dans la fonction publique (sans tenir compte des enseignants qui bénéficient d’une durée de travail encore inférieure), contre 39,6 heures s’agissant des salariés du privé.

Vous avez dit injustice ?

Catherine Hontebeyrie-Soulie, directrice d’hôpital
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