Changer le modèle de l’action publique territoriale : les 12 propositions de l’ADGCF

Publiée le 22 juin 2022 à 9h00 - par

Depuis sa création en 1992, l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) s'est employée à servir d'aiguillon technique en matière de déploiement de l'action publique locale mais aussi à jouer le rôle d'« éclaireur » en proposant à nos élus une vision prospective renouvelée de notre architecture territoriale.
Changer le modèle de l'action publique territoriale : les 12 propositions de l'ADGCF

Lors de la publication en 2019 de notre étude Quel monde territorial demain ?, près de 70 % des dirigeants territoriaux que fédère l’Association s’étaient ainsi prononcés en faveur de la généralisation de l’élection au suffrage universel direct des présidents d’intercommunalités. Ce qui n’avait pas manqué de faire réagir, parfois même bien au-delà des usuels cercles de réflexion territoriaux.

Il y a trois ans, nous parlions de transitions – énergétiques, écologiques, sociales – : aujourd’hui, l’heure n’est plus à la transition mais aux politiques de rupture, seules susceptibles de répondre aux bouleversements qui affectent nos territoires.

L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à horizon 2050 nous oblige d’ailleurs à remettre en cause notre modèle de développement. La crise sanitaire et le déclenchement de la guerre en Ukraine posent également la question de la relocalisation des activités et de la sécurité énergétique et alimentaire du pays. Les communautés et métropoles se sont progressivement affirmées comme l’échelon privilégié de territorialisation des politiques nationales, d’autant plus qu’elles concentrent aujourd’hui l’essentiel des leviers en matière de lutte contre le changement climatique.

C’est pourquoi, dans ce contexte nouveau, l’ADGCF a souhaité actualiser l’étude de 2019 auprès de ses adhérents – près d’un millier de dirigeants territoriaux – en organisant, d’octobre 2021 à janvier 2022, un cycle de 13 séminaires en région. Le double objectif : d’une part, débattre des enjeux sociétaux et territoriaux qui interrogent aujourd’hui les managers intercommunaux et, d’autre part, produire une plateforme de propositions susceptibles d’alimenter la réflexion du Gouvernement et des parlementaires sur l’organisation et la conduite de l’action publique locale.

La transformation écologique : penser les territoires à l’âge de l’anthropocène

La question écologique est aujourd’hui très présente dans le discours et l’action des collectivités territoriales, mais la plupart ne font que juxtaposer des politiques environnementales avec des politiques de développement traditionnelles. Le ZAN impose aujourd’hui de résoudre une équation impossible  : se développer sans consommer de foncier, alors même que le modèle de financement des collectivités territoriales incite les décideurs locaux à artificialiser.

Dans ce cadre, l’ADGCF propose de mettre en chantier une grande loi foncière visant à doter les territoires d’outils simples et opérationnels nécessaires à la mise en œuvre du ZAN, et engager simultanément une vaste réforme fiscale qui s’inscrive en cohérence avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation. Exceptées quelques mesures spécifiques, comme la suppression du dispositif fiscal Pinel par exemple, l’ADGCF renvoie au débat législatif et réglementaire la question des moyens pour les territoires d’atteindre la sobriété. Il s’agit par ailleurs de simplifier l’approche territoriale de la planification écologique, en inventant une nouvelle génération de documents stratégiques qui fondent les outils de planification existants en un seul (PLUI, PDU, PLH, PCAET, etc.) adossé à un renforcement du pouvoir réglementaire des présidents d’intercommunalités en matière environnementale.

La transformation sociale : penser les territoires à l’âge de l’intensification des inégalités

La transformation écologique ne doit pas se faire au détriment de la question sociale, d’autant plus que la société française reste caractérisée par un ascenseur social « en panne » et des inégalités qui se renforcent. Dans le même temps, la question du vieillissement de notre société doit nous interpeler : si un Français sur cinq a plus de 65 ans aujourd’hui, ce sera un sur trois en 2050.

À la lumière de ce constat, nous demandons l’encadrement de l’implantation des médecins, via un modèle calqué sur celui des pharmacies, et un renforcement du rôle des intercommunalités dans le pilotage des politiques locales de santé. Nous appelons également à aller plus loin en matière d’habitat et de logement : les intercommunalités doivent être opératrices de l’ensemble des politiques d’habitat et de logement, de la planification au versement d’aides individualisés, aujourd’hui pilotées par les opérateurs de l’État ou d’autres collectivités, afin de lutter contre le non-recours et d’agir sur tous les versants du droit au logement. Enfin, nous souhaitons confier aux intercommunalités une responsabilité dans la conduite des politiques de « générations », aux côtés des communes, des départements et des opérateurs existants.

La transformation territoriale : fabriquer l’action publique à l’aune de l’interdépendance des territoires

Les territoires ne vivent pas isolés les uns des autres, et les enjeux auxquels sont confrontées les collectivités apparaissant nécessairement multiniveaux. Il est désormais illusoire, si ce n’est impossible, de confier l’intégralité d’une politique publique à une seule strate territoriale. C’est pourquoi l’ADGCF considère qu’il faut faire des contrats de coopération ou de réciprocité un passage obligé pour les intercommunalités appartenant à un même système territorial.

De plus, depuis 2016, le nombre d’intercommunalités a diminué de 50 %, là où le nombre de communes n’a diminué que de 4 %, conduisant à la création de communautés dites XXL et ingouvernables. Nous appelons donc à redéfinir les périmètres des villes centres des agglomérations urbaines et périurbaines pour redonner de la centralité aux intercommunalités et faciliter ainsi leur gouvernance. Par ailleurs, il s’agirait dans le même temps de renforcer les dispositifs de péréquation et de compensation entre les territoires, pour limiter l’effet des concurrences que se livrent les intercommunalités voisines pour attirer des entreprises, et redéfinir les systèmes de compensation et de péréquation financière entre communes et intercommunalités.

La transformation citoyenne : fabriquer l’action publique à l’aune de la crise démocratique

La crise majeure de la représentation politique que nous connaissons, matérialisée par des niveaux d’abstention records, questionne la place du politique et les modes de conception des politiques publiques, y compris à l’échelle locale. Le mode d’élection et le fonctionnement de l’intercommunalité reste méconnus des citoyens, ce qui ne participe pas de la reconnaissance démocratique de ces structures qui, pourtant, pilotent la majorité des politiques publiques locales.

L’ADGCF appelle donc à expérimenter l’élection au suffrage universel direct sur circonscription intercommunale sur des sites pilotes, en testant des protocoles différents, en vue d’une généralisation en 2032. Parallèlement, et parce qu’une réforme des collectivités passe par une réforme de la « Haute Assemblée », nous souhaitons modifier les modalités d’élection des sénateurs. Enfin, à l’image du rôle grandissant des intercommunalités dans le champ de l’ingénierie territoriale, de l’habitat et de la santé, les départements doivent être transformés en « Sénat des territoires », système dans lequel l’intercommunalité deviendrait la circonscription territoriale de base des Conseils départementaux.

Yvonic Ramis, président de l’ADGCF
Martine Poirot, présidente exécutive de l’ADGCF

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